Ce qu’il faut retenir
Phase 2 du projet Congo LNG vient d’entrer en service avec l’arrivage de la barge flottante Nguya et l’injection des premiers gaz offshore. La République du Congo confirme ainsi son rôle moteur dans la nouvelle géographie énergétique africaine, et envoie un message d’ambition à l’ensemble du continent.
Un jalon pour l’industrie gazière africaine
En moins de trois ans, la mise en service de la plateforme FLNG et la connexion avec la tête de puits Marine XII ont porté la capacité visée à 3 millions de tonnes annuelles de GNL, soit un saut d’échelle inédit pour le pays.
Achevée six mois avant le calendrier initial, la phase 2 illustre la synergie entre Eni, la Société nationale des pétroles du Congo et un réseau de sous-traitants locaux capables de faire dialoguer standards internationaux, savoir-faire national et contraintes marines complexes.
Une planification industrielle millimétrée
Le duo Nguya FLNG–Scarabeo 5 constitue un montage technologique rare : liquéfaction, stockage et chargement s’effectuent directement en mer, réduisant les empreintes à terre, tout en sécurisant un débit continu vers le terminal d’export situé à Pointe-Noire.
Selon Marco Rotondi, directeur d’Eni Congo, « l’intégration amont-aval assure la viabilité économique même lorsque le marché international fluctue ». Les contrats de vente anticipée couvriraient déjà plus de 70 % des volumes des cinq premières années, d’après des sources industrielles.
Contenu local, levier de croissance
Au pic du chantier, près de 2 500 techniciens congolais ont été mobilisés. Formés sur simulateurs 3D puis en situation réelle, ils deviennent à présent opérateurs permanents, ce qui limite la dépendance future à l’expertise étrangère et consolide une classe moyenne technique.
Les ateliers de tuyauterie de Vindoulou, modernisés pour le projet, fournissent désormais d’autres chantiers régionaux. « La chaîne de valeur gaz stimule notre tissu industriel au-delà du hydrocarbure », souligne un responsable de la Chambre de commerce de Pointe-Noire.
Signal continental et attractivité des capitaux
La CEMAC évalue qu’un cinquième de sa demande en électricité pourrait être assuré par les cargos de LNG congolais, si les interconnexions avancent. Abuja et Rabat suivent également le dossier, dans la perspective d’une dorsale gazière ouest-africaine.
Pour les analystes, la rapidité d’exécution constitue un argument décisif face aux plateformes d’Australie ou du Qatar. Fitch Solutions estime que la prime-pays sur le Congo s’est déjà réduite de 30 points de base depuis l’annonce de la phase 2.
Scénarios à dix ans pour le gaz congolais
Le scénario haut table sur l’ajout d’une troisième unité flottante à l’horizon 2030, portant la production au-delà de 6 mtpa, tout en alimentant deux centrales à cycle combiné dans le corridor Pointe-Noire—Brazzaville.
Dans une trajectoire intermédiaire, le pays viserait surtout la substitution de diesel importé dans le transport et la pétrochimie régionale. Un tel choix améliorerait la balance commerciale sans accroître significativement les volumes exportés, mais requerrait de nouveaux investissements dans le réseau domestique.
Et après ? Les défis de la durabilité
La question carbone reste cruciale. Eni prévoit un système de captage et réinjection de CO2 dès 2027, profitant de réservoirs déplétés du permis Marine VI. Les ONG locales demandent un suivi indépendant pour garantir la transparence des données d’émission.
Sur le volet sociétal, un fonds de développement communautaire de 100 millions de dollars doit financer écoles, dispensaires et pistes rurales dans le Kouilou. Le ministère des Hydrocarbures assure que les décaissements seront publiés trimestriellement sur le portail ITIE national.
Contexte
Découvert en 2009, le champ Marine XII couvre 571 km² au large de Pointe-Noire. Il délivre déjà du gaz associé à l’industrie pétrolière et alimente la centrale électrique du Congo à Djeno, réduisant les délestages pour la zone économique spéciale.
Le partenariat public-privé associe l’État congolais (participation de 15 %), Eni (65 %) et des partenaires asiatiques. Les accords fiscaux prévoient une redevance progressive basée sur le prix du Brent, un schéma jugé équilibré par plusieurs économistes de la CEMAC.
Le point juridique/éco
L’entrée en production de la phase 2 s’appuie sur la loi portant Code des hydrocarbures de 2016, qui exige 30 % de contenu local et un partage de risque environnemental entre opérateur et État. Peu de pays africains disposent encore d’un texte aussi précis.
Le régime fiscal, plafonné à 25 % d’impôt sur les sociétés pour les activités gazières, reste compétitif dans la région. Les exonérations douanières sur les équipements FLNG, limitées à dix ans, ont été adossées à une clause de transfert technologique obligatoire.
Innovation technologique et numérique
La plateforme embarque un jumeau numérique qui modélise en temps réel pression, température et composition du gaz, permettant une maintenance prédictive. Les données remontent au centre de contrôle de Pointe-Noire via un réseau 5G privé, première installation industrielle de ce type au Congo.
Le ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique envisage de tirer parti de ces infrastructures pour étendre la connectivité côtière. Des start-up locales testent déjà des applications de supervision énergétique basées sur les flux anonymisés du jumeau numérique.
Vers un standard africain
Congo LNG démontre qu’un cadre clair, une gouvernance stable et des partenariats alignés peuvent livrer des projets complexes en un temps record. En capitalisant sur ce succès, Brazzaville consolide sa position de hub gazier et offre au continent un standard réplicable.
