Nouvelle carte préfectorale au Congo
Le décret présidentiel du 31 mars 2025, signé par Denis Sassou Nguesso, redessine la haute administration territoriale congolaise avec la nomination simultanée des quinze préfets départementaux. L’initiative traduit la volonté déclarée de rapprocher l’État des citoyens et d’ancrer la réforme annoncée de la territorialité.
Selon le porte-parole du gouvernement, « ces désignations finalisent la phase administrative de la décentralisation », expression qui résonne auprès des partenaires techniques, toujours attentifs aux signaux de gouvernance. Les observateurs y voient une étape structurante vers une administration de mission plutôt que de simple gestion.
L’annonce s’inscrit aussi dans le calendrier symbolique de la fête nationale du 15 août, date propice pour souligner l’unité territoriale. À Brazzaville, plusieurs chancelleries considèrent que cet alignement renforce la cohérence du message institutionnel destiné tant au public domestique qu’aux partenaires étrangers.
Continuité et renouvellement des préfets
Parmi les préfets promus, dix étaient déjà en poste, preuve d’une continuité administrative appréciée des bailleurs de fonds, tandis que cinq nouveaux visages comme Marcel Ganongo ou Emma Berthe Bassing Nganzali incarnent un renouvellement mesuré. Cette combinaison stabilité-innovation sert souvent de référence dans la diplomatie régionale.
Le maintien de Gilbert Mouanda-Mouanda dans la capitale est interprété comme un gage de maîtrise des dossiers urbains stratégiques, notamment la sûreté métropolitaine et les projets d’infrastructures financés par la Banque africaine de développement. Un diplomate européen évoque « une figure expérimentée dans la négociation multilatérale ».
À Pointe-Noire, Pierre Cébert Ibocko-Onanga, ancien conseiller maritime, devra articuler la gestion portuaire avec la politique énergétique. Son profil technicien est salué par la Chambre de commerce franco-congolaise, qui y voit un relais pour accélérer l’intégration logistique du corridor Pointe-Noire-Dolisie-Brazzaville.
La création du département Djoué-Léfini et la nomination de Léonidas Mottom Mamoni symbolisent l’objectif déclaré de valoriser l’intérieur du pays. Ce nouveau découpage, évoqué depuis 2022, devrait, selon le ministère de la Coopération, faciliter la coordination des projets forestiers et hydrauliques appuyés par la Banque mondiale.
Le duo préfet-secrétaire, pivot local
Les secrétaires généraux des départements, nommés début mai, forment la cheville ouvrière de l’action publique locale. Leur rôle, souvent méconnu, consiste à décliner les priorités nationales en plans d’exécution concrets. Le duo préfet-secrétaire devient ainsi l’axe de responsabilité devant les partenaires techniques et financiers.
Pour la Bouenza, Parfaite Eurydice Kodia Tendelet Tongo, ancienne planificatrice à la CEEAC, devra harmoniser les projets agricoles avec les nouvelles zones économiques spéciales. « Sa connaissance des procédures régionales est un atout pour sécuriser les fonds verts », assure un expert du PNUD.
À Brazzaville, Thévy Duvel Mongouo Wando affiche un parcours financier qui intéresse les agences multilatérales. Son défi principal, selon le think tank local CERCLE, consistera à fiabiliser la collecte de données pour guider les investissements urbains en cohérence avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Dans la Likouala, Servais Kiba traitera la question délicate de la mobilité fluviale et des flux transfrontaliers avec la République démocratique du Congo. L’exécutif espère, indique une note diplomatique reçue à Paris, améliorer la surveillance sanitaire et douanière tout en préservant les échanges communautaires.
Résonances diplomatiques et partenaires
Au siège de la CEEAC, un responsable souligne que la cartographie préfectorale clarifie les interlocuteurs pour les programmes transfrontaliers, notamment le projet de route Ouesso-Bangui. Cette clarification devrait accélérer la signature des protocoles d’alignement budgétaire attendus depuis les conclusions du sommet de Kinshasa.
Plusieurs représentations africaines, à commencer par le Cameroun, saluent la présence accrue de femmes dans les postes de préfet et de secrétaire. Elles y voient une convergence avec l’Objectif 5 des ODD. Micheline Nguessimi, nouvelle préfète du Niari, promet de faire de l’égalité un levier d’attractivité.
Côté bailleurs, la Banque mondiale évoque « un alignement opérationnel positif » tandis que l’AFD souligne l’importance d’équipes locales stables pour le suivi-évaluation des projets climatiques. En off, un conseiller affirme que la récurrence des nominations respecte les standards de transparence exigés par la coopération financière.
Réformes budgétaires et feuilles de route
Selon l’universitaire Francis Abéla, la réforme ouvre désormais la voie à la déconcentration budgétaire, prochain volet attendu du chantier étatique. Il rappelle que la loi organique sur les finances locales, en examen, pourrait offrir aux préfets une autonomie contrôlée pour accélérer les services sociaux de base.
Dans l’immédiat, les nouveaux responsables doivent élaborer, sous trois mois, des feuilles de route départementales alignées sur le Plan national de développement 2022-2026. Les observateurs suivront de près le dispositif d’évaluation trimestrielle, présenté comme la clef de voûte d’une gouvernance tournée vers les résultats.
Le ministère des Affaires étrangères prépare, apprend-on, un séminaire de formation destiné aux nouveaux cadres départementaux, en partenariat avec l’École nationale d’administration et plusieurs instituts allemands. Objectif affiché : diffuser les standards de gestion axée sur les résultats et renforcer les compétences en diplomatie économique.
À moyen terme, la présidence prévoit une évaluation indépendante pour mesurer l’impact de ces nominations sur les indicateurs de service public. Les conclusions, attendues avant le sommet Union africaine-Congo 2026, nourriront le plaidoyer national en faveur d’une coopération renforcée et d’investissements ciblés dans les départements.