Cap sur 2030 : ambition énergétique congolaise
Lors de la Quinzaine du gouvernement à Brazzaville, le ministre des Hydrocarbures, Bruno Jean Richard Itoua, a rappelé que la République du Congo vise à porter sa production pétrolière à 500 000 barils par jour d’ici 2030. Derrière ce chiffre se dessine une stratégie économique et géopolitique assumée.
Cette ambition intervient dans un contexte international marqué par la transition énergétique, la volatilité des prix et la concurrence africaine. Brazzaville veut simultanément consolider ses recettes, renforcer son autonomie énergétique et accroître son influence dans le Golfe de Guinée, espace crucial pour les échanges transatlantiques.
État des lieux de la production pétrolière
Au 31 juillet, les opérateurs ont extrait 56 945 552 barils, soit une moyenne de 268 000 barils quotidiens. Ce volume représente une hausse annuelle de 5,2 %, résultat d’une optimisation des puits matures, d’un taux de disponibilité technique amélioré et d’un suivi métrologique plus exigeant.
Les chiffres, exposés par le ministre Itoua, s’inscrivent dans la dynamique enclenchée dès 2022, lorsque la reprise post-pandémie avait stimulé la demande asiatique. Ils traduisent également la confiance persistante des investisseurs, malgré la tendance mondiale à la diversification hors hydrocarbures.
Majors internationales et nouveaux gisements
TotalEnergies a récemment mis en production quatre gisements supplémentaires au large de la côte atlantique congolaise, apportant environ 900 barils supplémentaires chaque jour. Pour le directeur régional de la société, « le plateau de déclin est freiné grâce à des forages horizontaux et à l’injection d’eau de mer ».
Parallèlement, la société Perenco affiche un rythme de 60 000 barils quotidiens et ambitionne 200 000 d’ici 2030. Le groupe franco-britannique mise sur des plateformes légères, moins coûteuses, et sur des partenariats avec la Société nationale des pétroles du Congo, afin d’améliorer la rentabilité locale.
Capacités de raffinage et distribution intérieure
Si l’exploration progresse, la question du raffinage reste centrale. La Congolaise de raffinage couvre aujourd’hui 65 % des besoins, laissant 35 % à l’importation. Les arrêts programmés pour maintenance, nécessaires à la sécurité industrielle, provoquent des tensions conjoncturelles sur les stations-service de Brazzaville à Pointe-Noire.
Le gouvernement explore des solutions, dont le relèvement des capacités de la Coraf par une modernisation de l’unité de craquage catalytique, et la construction d’un dépôt côtier de 200 000 mètres cubes. Selon un conseiller technique, ces projets pourraient réduire la facture d’importation de 40 %.
Subventions et arbitrages budgétaires
Le soutien public au carburant frôle 300 milliards de FCFA par an, soit près de 3 % du PIB. La tendance à la baisse observée ces derniers mois découle de la volonté de préserver l’équilibre macro-budgétaire, condition clé des discussions en cours avec les institutions financières.
Brazzaville garde toutefois un œil sur la stabilité sociale. Une hausse brutale du prix à la pompe pourrait entamer le pouvoir d’achat urbain. Le ministère des Finances travaille donc à un mécanisme de prix indicatif, indexé sur le Brent et sur le franc CFA, pour amortir les chocs.
Impacts socio-économiques et régionaux
À terme, un accroissement de la production et un raffinage renforcé pourraient sécuriser l’approvisionnement domestique, mais aussi alimenter le corridor CEMAC. Les États voisins, souvent dépendants de cargaisons nigérianes, voient d’un bon œil l’émergence d’un hub congolais, potentiellement stabilisateur pour les marchés frontaliers.
Sur le plan social, l’exécutif espère que l’augmentation des recettes publiques financera l’éducation, la santé et les infrastructures routières. « Le baril doit se transformer en kilomètres de routes et en salles de classe », résume un économiste du Centre d’études prospectives de l’Université Marien-Ngouabi.
Défis logistiques et gouvernance énergétique
La réalisation de ces objectifs dépendra aussi de la modernisation du réseau de pipelines et de la sécurisation maritime. Les actes de piraterie, bien que moins fréquents qu’en 2015, exigent une coordination navale continue avec les partenaires régionaux et l’appui de la Zone d’interdiction maritime intégrée.
Côté gouvernance, la publication trimestrielle des chiffres de production renforce la transparence. Le Congo, membre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, entend conserver sa note « conformité ». Selon un diplomate européen, cette démarche améliore la perception des bailleurs et réduit la prime de risque souverain.
Partenariats extérieurs et transition verte
La stratégie 2030 mise aussi sur l’ouverture à de nouveaux partenaires Sud-Sud. Les discussions avancent avec la société nationale indienne ONGC et la compagnie brésilienne Petrobras pour des blocs on-shore à potentiel gazier. L’objectif est double : diversifier les apporteurs de capitaux et préparer l’ère du gaz.
Au-delà de 2030, les autorités projettent un mix énergétique où le gaz naturel, l’hydrogène vert et l’hydroélectricité compenseront graduellement la baisse potentielle du brut. Le Plan national de développement 2022-2026 réserve déjà 600 milliards de FCFA à l’efficacité énergétique et à la promotion des énergies propres dans tout le pays.
Regards des bailleurs internationaux
Des bailleurs saluent la feuille de route, exigeant plus de transparence.