Ce qu’il faut retenir
Le tête-à-tête du 14 septembre à Mascate entre Denis Christel Sassou Nguesso et Badr Albusaidi a posé la première pierre d’une relation diplomatique inédite entre Brazzaville et le Sultanat. Une missive présidentielle a officialisé l’intention d’ouvrir un axe de coopération multisectorielle.
Les deux ministres ont décidé d’élaborer rapidement un accord-cadre qui servira de colonne vertébrale aux futurs protocoles commerciaux, énergétiques ou logistiques. Cet article décrypte les motivations, les gains attendus et les éventuels écueils, cartes et données macroéconomiques à l’appui.
Contexte Mascate
Oman, État carrefour du Golfe, mise sur la diversification de son économie au-delà du pétrole, via sa Vision 2040. La République du Congo, pour sa part, cherche des partenaires alternatifs pour financer ses ambitions de transformation industrielle et consolider sa diplomatie économique rénovée.
Jusqu’ici, aucun ambassadeur n’était accrédité entre les deux pays et les échanges se limitaient à quelques opérations privées. Le déplacement du ministre congolais rompt cette absence de canal officiel, dans un moment où Mascate explore l’Afrique centrale pour sécuriser des débouchés agricoles et forestiers.
Les intérêts stratégiques des deux rives
Pour Brazzaville, Oman offre une porte d’entrée vers les marchés du Golfe, réputés solvables et friands d’investissements à long terme. Le Sultanat gère d’importants fonds souverains susceptibles de co-financer les zones économiques spéciales congolaises et des infrastructures portuaires sur l’Atlantique.
Oman, de son côté, voit dans le Congo un hub au cœur de la CEMAC, doté d’un réseau fluvial et routier en expansion. L’accès à la forêt du bassin du Congo peut répondre à sa demande croissante de bois certifié et à ses engagements climatiques.
Sur le plan diplomatique, cette convergence renforce la stratégie d’équilibre chère au Président Denis Sassou Nguesso : maintenir des relations solides avec les partenaires traditionnels tout en diversifiant le spectre vers l’Asie et le Moyen-Orient, sans sigle partisan ni alignement exclusif.
Scénarios de coopération sectorielle
Les équipes techniques planchent déjà sur un accord-cadre qui pourrait inclure trois chapitres : facilitation des investissements, suppression de la double imposition et coopération douanière. Dans un scénario optimiste, un comité mixte pourrait être installé dès le premier semestre 2024 à Brazzaville.
Le secteur énergie attire particulièrement l’attention. Les compagnies omanaises d’engrais et de gaz liquéfié prospectent en Afrique centrale. Le Congo veut valoriser son gaz associé et étendre sa capacité de production d’engrais pour son agriculture, limitant ainsi les importations coûteuses en devises.
Dans l’agro-business, Oman importe 80 pour cent de ses denrées. Les plaines fertiles du Niari ou de la Cuvette peuvent sécuriser ses approvisionnements en sucre, volaille ou soja. Des fermes intégrées à capitaux mixtes figurent parmi les scénarios discutés par les délégations.
Les services logistiques constituent une autre piste. Mascate a développé le port en eau profonde de Duqm et son expertise pourrait aider au renforcement de Pointe-Noire. Des corridors maritimes réguliers raccourciraient de dix jours le transit des marchandises congolaises vers l’Asie.
Et après ?
Les observateurs notent que la rapidité de mise en œuvre sera déterminante. La signature d’un mémorandum est attendue avant la fin de l’année. Un échange d’ambassades, même à niveau chargé d’affaires, crédibiliserait le processus et rassurerait les investisseurs privés.
Les parlementaires congolais devront ratifier les futurs accords, étape qui testera la cohérence institutionnelle. Les autorités prévoient déjà des séances d’information pour expliquer les retombées socio-économiques et l’articulation avec le Plan national de développement 2022-2026.
Sur la scène régionale, cet axe naissant pourrait servir de plateforme pour la CEMAC. Libreville et Yaoundé guettent l’évolution des pourparlers, susceptibles de catalyser un corridor Golfe de Guinée-Golfe d’Oman, créant des chaînes de valeur transcontinentales dans la logistique, l’agro-alimentaire et l’énergie.
Denis Christel Sassou Nguesso se veut confiant : « Nos peuples partagent le même désir de prospérité. Nous allons avancer vite, mais bien ». À Mascate, Badr Albusaidi a répondu en écho, saluant une « coopération durable fondée sur la confiance et la complémentarité ».
Si le calendrier est respecté, la première commission mixte pourrait se conclure par des signatures sectorielles dès 2024. Dans un paysage international mouvant, Brazzaville mise sur la constance de ses institutions et la diplomatie du partenariat gagnant-gagnant pour transformer l’essai omanais en réussite partagée.
Les partenaires au développement, tels que la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, observent également ce rapprochement. Des lignes de crédit concessionnelles pourraient appuyer les PME congolaises cherchant à exporter vers le Golfe, multipliant ainsi les chaînes de valeur locales.
