Un carrefour stratégique à Brazzaville
Sous les lambris feutrés d’un hôtel de la capitale, la deuxième session ordinaire du Conseil national de santé réunit depuis le 16 juillet un aréopage de décideurs publics, de représentants d’organisations internationales et d’acteurs privés. Trois jours durant, ce forum institué par le décret 84-290 sert de boussole pour orienter la politique sanitaire congolaise vers une plus grande résilience. L’objectif avoué est d’esquisser une architecture de gouvernance capable de conjuguer exigence financière, impératifs de service public et stabilité macroéconomique, dans un contexte où le budget alloué à la santé plafonne à 4,2 % des dépenses nationales.
Financement innovant au cœur des discussions
Le ministre de la Santé et de la Population, Jean Rosaire Ibara, ne se contente pas de dresser le constat d’un financement en deçà du seuil d’Abuja. Il plaide pour une diversification assumée des ressources, allant de la responsabilité sociétale des entreprises aux mécanismes de fiscalité comportementale visant les produits nocifs. Cette approche inspirée de l’expérience de plusieurs capitales africaines entend éviter de faire peser l’effort exclusivement sur le Trésor public. Selon une étude préliminaire du ministère des Finances, l’instauration d’une modeste taxe sur les boissons sucrées pourrait, à elle seule, dégager chaque année l’équivalent de 0,6 % du PIB en recettes dédiées à la santé, sans obérer la compétitivité du secteur privé.
Renforcer un système de soins résilient
La résilience post-pandémique demeure le fil rouge des séances plénières. Les experts de l’Organisation mondiale de la Santé, à l’instar du Dr Vincent Dossou Sodjinou, soulignent que la crise liée à la Covid-19 a agi comme un révélateur des fragilités structurelles, mais aussi des atouts nationaux. La mise en service récente de deux hôpitaux généraux de référence à Brazzaville et Pointe-Noire, accompagnée de dix-huit centres de santé intégrés en milieu rural, illustre la capacité de l’État à déployer des infrastructures dans des délais contraints. Ces investissements, salués par les partenaires techniques, forment désormais le socle d’une riposte plus agile face aux épidémies à venir.
Le défi des ressources humaines médicales
Un système médical tient d’abord par les femmes et les hommes qui l’incarnent. Conscient de la difficulté à stabiliser les personnels dans les zones à faible densité, le Conseil explore des mesures incitatives allant des bourses de spécialisation conditionnées au service public jusqu’à des primes géographiques indexées sur le coût de la vie. Une matrice d’évaluation, inspirée du modèle rwandais, doit permettre de mesurer l’impact réel de ces incitations sur la répartition des effectifs. Dans le même esprit, la digitalisation des dossiers médicaux est pensée comme un levier d’attractivité, en offrant aux jeunes médecins une pratique professionnelle alignée sur les standards internationaux.
Lutte intégrée contre la double charge de morbidité
Sur le front épidémiologique, le Congo fait face à une double contrainte : la persistance de maladies transmissibles telles que le paludisme ou la tuberculose et la montée rapide des pathologies non transmissibles, désormais responsables de 45 % des décès. Les intervenants préconisent une stratégie intégrée, articulant campagnes de vaccination, prévention communautaire et détection précoce. L’option d’un fonds dédié aux maladies chroniques, abondé par le secteur extractif via des contrats de partage de production, fait consensus, dans la mesure où elle concilie responsabilité sociétale et nécessité de long terme.
Vers une gouvernance sanitaire concertée et durable
La session de Brazzaville, qualifiée par plusieurs diplomates de « moment charnière », devrait déboucher sur une feuille de route finalisée avant la fin du trimestre. Celle-ci inclura un calendrier d’alignement progressif sur la cible d’Abuja, l’opérationnalisation d’un guichet unique pour les partenariats public-privé et un mécanisme d’audit participatif impliquant la société civile. En filigrane, il s’agit de consolider le pacte social sans compromettre la trajectoire de stabilisation économique. Les conclusions, attendues par les bailleurs comme par les capitales voisines, confirmeraient la volonté affichée de placer la santé publique au cœur du projet national, conformément à la vision du président Denis Sassou Nguesso d’un développement humain inclusif et soutenable.