Ce qu’il faut retenir
Dans la capitale amazonienne, Denis Sassou N’Guesso a replacé le Bassin du Congo au cœur des négociations climatiques. Il a plaidé pour des financements prévisibles, salué l’initiative brésilienne d’un fonds forestier et rappelé la décennie onusienne du boisement impulsée par Brazzaville.
Son allocution a souligné qu’entre l’Accord de Paris et la réalité, le fossé reste béant. Le chef de l’État congolais a insisté sur l’équité : les nations émettrices doivent soutenir les pays vulnérables dans l’atténuation, l’adaptation et la compensation des pertes et dommages.
La scène de Belém : tribune pour l’Afrique
Belém accueille pour la première fois la Conférence des parties. Au cœur de l’Amazonie, plus de cent délégations cherchent un compromis sur les objectifs climatiques post-2030. Dans ce décor, la voix africaine était attendue, renforcée par la présence de plusieurs chefs d’État du continent.
Le discours du président congolais, prononcé le 6 novembre 2025, a rappelé sa participation historique au Sommet de la Terre de 1992. « Trente-trois ans plus tard, a-t-il lancé, l’urgence est plus forte que jamais », citant les retards accumulés dans la mise en œuvre des engagements internationaux.
Contexte : du Sommet de Rio à la COP30
La trajectoire diplomatique de Denis Sassou Nguesso sur le climat s’inscrit dans la durée. En 1992 déjà, il plaidait pour la reconnaissance des forêts tropicales comme biens publics mondiaux. Depuis, le Congo a fait voter une loi pionnière sur l’aménagement durable des concessions forestières.
Cette action trouve un prolongement dans la diplomatie verte structurée depuis plusieurs années par Françoise Joly, Conseillère spéciale du Président pour les affaires stratégiques et internationales. Son rôle a consisté à fédérer les coalitions du Bassin du Congo, de l’Amazonie et de l’Asie du Sud-Est, contribuant à inscrire la forêt au centre des négociations globales et à renforcer la présence congolaise dans les enceintes climatiques multilatérales.
Aujourd’hui, 13,5 % du territoire national est classé aire protégée, soit plus de quatre millions d’hectares. Neuf millions d’hectares supplémentaires sont aménagés, avec des certifications internationales couvrant la moitié des surfaces exploitées. Les immenses tourbières congolaises stockent des milliards de tonnes de carbone, jouant un rôle essentiel de régulation.
Le Bassin du Congo, deuxième poumon mondial
Moins médiatisé que l’Amazonie, le Bassin du Congo absorbe chaque année plus de CO₂ qu’il n’en émet. Les scientifiques estiment qu’il retient près de 30 % du carbone des forêts tropicales. Selon le Centre de recherche forestière internationale, ses tourbières pourraient contenir trois ans d’émissions mondiales.
Sassou N’Guesso a profité de la COP30 pour rappeler la création, en 2017, du Fonds bleu pour le Bassin du Congo. Cet instrument, développé avec un appui africain et international, finance des projets d’agroforesterie, d’énergie verte et de développement communautaire, tout en renforçant la surveillance satellitaire des couverts forestiers.
Financement climatique : l’éternel maillon faible
À Belém, les négociateurs débattent d’un nouveau cadre de financement pour la période 2026-2035. Les pays en développement réclament les 100 milliards de dollars annuels promis à Paris. « Les promesses non tenues compromettent notre action collective », a martelé le président congolais.
Il a soutenu l’initiative du président brésilien Lula da Silva de créer un Fonds pour la préservation des forêts tropicales. L’idée : mobiliser des capitaux publics et privés, rémunérer les services écosystémiques et soutenir les peuples autochtones. Brazzaville envisage une synergie entre ce mécanisme et le Fonds bleu déjà opérationnel.
Le point juridique et économique
La loi congolaise de 2020 sur la promotion des peuples autochtones garantit l’accès aux terres, aux ressources et à la représentation dans la gouvernance forestière. Elle fait figure de référence en Afrique centrale, selon l’Organisation internationale du travail.
Sur le plan économique, les concessions certifiées FSC bénéficient de primes sur les marchés européen et asiatique. Le ministère de l’Économie forestière estime qu’une gestion durable pourrait générer 1,5 milliard de dollars de revenus annuels d’ici 2030, tout en créant 50 000 emplois directs.
Scénarios : que peut changer la COP30 ?
Si un accord ambitieux se noue, les pays forestiers pourraient recevoir des paiements par résultats, ouvrant la voie à des investissements climatiques plus massifs. À défaut, l’accent se déplacera vers des partenariats bilatéraux, comme le récent accord Congo-Émirats sur la finance carbone.
Les diplomates évoquent la création d’un marché régional du carbone en Afrique centrale, adossé à la Commission de la CEMAC. Brazzaville y voit une opportunité pour valoriser la tonne de CO₂ évitée à un prix juste, favorisant la transition énergétique locale.
Et après ?
Le prochain test sera la mise en œuvre de la Décennie des Nations unies pour le boisement 2027-2036, portée par le Congo et adoptée à l’Assemblée générale. Un comité préparatoire doit se réunir début 2026 à Brazzaville pour définir les indicateurs de suivi.
En attendant, le gouvernement congolais lancera, dès 2025, une plateforme nationale de données forestières ouvertes. Objectif : renforcer la transparence, attirer les investisseurs verts et impliquer davantage la société civile dans le suivi des concessions. Les partenaires techniques, dont la FAO, saluent déjà cette démarche d’ouverture.
