Ce qu’il faut retenir
L’entrée simultanée de Coris Bank International Bénin, Togo et Sénégal dans le tour de table de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l’UEMOA fait passer la participation du Groupe Coris à 3,5 %. Le conglomérat devient ainsi le sixième investisseur bancaire de l’institution.
La manœuvre soutient l’ambition partagée des deux organisations : rendre le crédit immobilier plus accessible dans une région où le déficit de logements dépasse encore huit millions d’unités, selon la BOAD, et où l’urbanisation progresse de 4 % par an.
Un capital panafricain en mouvement
Avec cinq filiales désormais actionnaires — Burkina Faso et Côte d’Ivoire depuis 2016, puis Bénin, Togo, Sénégal en 2025 — le Groupe Coris consolide une approche multi-juridictionnelle qui renforce la gouvernance commune des acteurs financiers de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
La participation globale du secteur privé dans le capital de la CRRH-UEMOA atteint désormais 64 banques sur les huit pays membres, un signal de confiance dans un marché obligataire régional qui se cherche de nouvelles signatures pour diversifier ses sources de refinancement.
Selon des responsables proches du dossier, Coris pourrait encore monter marginalement au capital lors d’éventuelles augmentations futures, sans viser le contrôle mais pour garder une influence dans la définition des produits de titrisation verte attendus d’ici l’exercice 2027.
Logement abordable : un défi régional
La région UEMOA enregistre un besoin estimé à 400 000 nouveaux logements par an, alors que l’offre formelle n’en fournit qu’un quart, d’après l’Organisation pour l’habitat social en Afrique de l’Ouest.
Le modèle de la CRRH-UEMOA consiste à refinancer, sur les marchés de capitaux régionaux, des portefeuilles de prêts consentis par les banques partenaires, abaissant ainsi la durée de refinancement et, in fine, le taux servi aux emprunteurs.
Depuis 2010, plus de 100 000 ménages ont obtenu un financement, principalement de primo-accédants urbains dont le revenu médian se situe autour de 250 000 FCFA mensuels, montrent les chiffres consolidés de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest.
Contexte d’un partenariat de confiance
La collaboration entre la CRRH-UEMOA et Coris débute officiellement en 2014 par une première ligne de refinancement accordée à la filiale burkinabè, avant l’entrée au capital de 2016 qui marque un virage stratégique dans la finance logement du groupe.
Depuis, les deux entités ont structuré un cadre d’échanges techniques trimestriels portant sur la digitalisation des dossiers, l’intégration des critères ESG et la préparation de futures obligations sociales alignées sur les référentiels de l’International Capital Market Association.
Le cadre réglementaire en évolution
La réforme récente de la directive 14-2023/CB-UMOA sur la gestion des risques de crédit impose aux établissements une pondération favorable de 35 % pour les prêts logement, contre 50 % auparavant, créant une incitation réglementaire directe à recourir à la plateforme de refinancement.
Dans le même temps, la BCEAO finalise un cadre macroprudentiel permettant la reconnaissance des obligations CRRH comme collatéral éligible aux opérations de pension livrée, un statut qui renforcerait la liquidité secondaire et pourrait attirer davantage de compagnies d’assurances dans l’actionnariat.
Scénarios d’impact 2026-2030
Sous hypothèse d’une croissance annuelle de 12 % du portefeuille refinancé, la CRRH-UEMOA pourrait dépasser 700 milliards FCFA mobilisés en 2030, dont plus de 75 milliards apportés par les seules filiales Coris, avancent des estimations internes consultées par notre rédaction.
Un tel scénario générerait environ 35 000 nouveaux crédits chaque année et soutiendrait la création indirecte de près de 150 000 emplois dans le bâtiment, l’artisanat et la logistique immobilière, selon un modèle d’impact de la Banque mondiale adapté au contexte ouest-africain.
Dans une hypothèse basse, limitée à 7 % de croissance annuelle, l’impact social demeurerait significatif avec plus de 20 000 ménages financés par an, soit déjà le double du rythme actuel, tout en maintenant des ratios prudentiels conformes à Bâle II.
Le point économique
Le ticket moyen d’un prêt refinancé s’élève à 17 millions FCFA, pour une maturité de 15 ans et un taux fixe autour de 6,75 %. L’écart de coût par rapport à un financement classique reste de 150 points de base, un avantage décisif pour les primo-accédants.
Du côté de Coris, la rentabilité sur fonds propres reste soutenue malgré la baisse des marges nettes d’intérêt, grâce à un volume accru et à la titrisation partielle des portefeuilles qui libère du capital réglementaire pour d’autres segments, notamment l’agriculture et les PME.
Et après ? Les chantiers à surveiller
Les négociations avancées avec Shelter Afrique pour co-arranger une émission d’obligations vertes axées sur l’efficacité énergétique des logements pourraient se concrétiser en 2026, ouvrant la voie à des programmes labellisés Climate Bond Initiative sur le marché régional.
Parallèlement, la digitalisation complète du parcours client, encore au stade pilote au Burkina Faso, doit être étendue aux cinq nouvelles banques partenaires d’ici 2027 ; un jalon jugé essentiel par la Directrice générale Yedau Ogoundélé pour maintenir la cadence d’octroi et la transparence des données.
En coulisses, plusieurs pays d’Afrique centrale observent le modèle de la CRRH-UEMOA pour évaluer la pertinence d’une plateforme similaire autour du franc CFA de la CEMAC, une perspective suivie avec intérêt par Coris.
