Ce qu’il faut retenir
Le Congo-Brazzaville mise sur l’expérience de son diplomate Firmin Édouard Matoko pour diriger l’Unesco. Vendredi 5 septembre 2025, le ministre Thierry Moungalla a rappelé devant la presse l’engagement de l’État, multipliant les actions diplomatiques pour convaincre le Conseil exécutif appelé à trancher le 6 octobre.
Brazzaville réaffirme sa candidature
Réunis à l’Hôtel Hilton de Brazzaville, journalistes congolais et étrangers ont écouté un porte-parole confiant qui a vanté “un projet tourné vers l’Afrique et la jeunesse”. Présente dans la salle, Claudia Ikia Sassou-Nguesso a salué “une candidature fédératrice et ambitieuse”.
Le ministre a insisté sur le calendrier : pré-sélection par 58 États le 6 octobre, puis vote final en Ouzbékistan le 6 novembre. Deux Africains restent en lice, l’Égyptien soutenu par Paris et le Congolais, ce qui garantit “une victoire continentale” selon Brazzaville.
Matoko, un profil maison à l’Unesco
Matoko, âgé de soixante-deux ans, incarne l’“homme de la maison”. Arrivé à l’Unesco en 1987, il a gravi tous les échelons jusqu’au poste de sous-directeur général pour l’Afrique. Ses soutiens vantent sa connaissance fine du système onusien et sa capacité de consensus.
À Brazzaville, plusieurs universitaires rappellent qu’il fut le premier Africain à piloter le programme Jeunes Professionnels, l’un des couloirs de recrutement internes les plus sélectifs. “Il a ouvert des portes aux talents du continent”, souligne la politologue Grâce Mankessi, estimant que ce bilan parle aux électeurs.
Le candidat met aussi en avant la préservation des langues endogènes, un thème cher aux communautés du bassin du Congo et aligné sur les priorités de l’agenda 2030. Son manifeste promet d’augmenter les fonds affectés à la formation numérique des enseignants africains.
Diplomatie congolaise en action
Côté coulisses, la campagne congolaise s’appuie sur un trio rodé : Anatole Collinet Makosso sillonne les capitales, Jean-Claude Gakosso coordonne les courriers diplomatiques, et Thierry Moungalla gère la communication. “Une diplomatie de proximité et d’écoute”, explique un conseiller au ministère des Affaires étrangères.
Des lettres de soutien ont circulé à la CEEAC, au Commonwealth et au sein du Groupe des 77. Brazzaville insiste sur le consensus africain, tout en contestant l’idée d’un alignement automatique derrière Le Caire. “Chaque État conserve sa souveraineté de vote”, rappelle Moungalla, serein.
Le pari s’avère délicat : l’Europe compte plusieurs voix déterminantes et l’Amérique latine hésite encore. Pour convaincre, la délégation met en avant l’expertise de Matoko sur les biens culturels en danger, sujet sensible au Mexique, au Pérou ou en Grèce.
Enjeu africain d’une course à deux
Si deux Africains se disputent la direction, c’est aussi parce que le continent n’a plus occupé le fauteuil depuis Amadou-Mahtar M’Bow, Sénégalais, parti en 1987. Addis-Abeba évoque “une alternance équitable” dans les institutions multilatérales, rappelée au dernier sommet de l’Union africaine.
Le soutien français à l’Égyptien a fait réagir Brazzaville, mais sans crispation. “La France pèse autant qu’un autre membre du Conseil exécutif”, relativise le ministre. Les diplomates misent sur le vote secret : certains pays pourraient préférer un profil venu d’Afrique centrale plutôt que d’Afrique du Nord.
Des observateurs rappellent toutefois que la candidate qatarie avait surpris en 2017, preuve que les alliances changent jusqu’à la dernière minute. D’où un lobbying serré dans les couloirs de Paris, New York et Kigali, où se tiendront plusieurs forums culturels d’ici octobre.
Retombées nationales et budget
À Brazzaville, le discours officiel se veut rassembleur : “Quel que soit le vainqueur, l’Afrique aura gagné”, insiste Moungalla. Cette posture vise à éviter les divisions régionales tout en ne lâchant rien. “Nous restons optimistes, mais lucides”, confie un diplomate proche du dossier.
Pour les milieux culturels congolais, l’élection représente un tremplin. Un directeur d’école d’art de Pointe-Noire espère “plus de programmes patrimoine” si Matoko l’emporte. Des associations de jeunes plaident déjà pour un hub numérique Unesco à Brazzaville, projet conditionné à la future feuille de route du vainqueur.
Sous l’angle politique intérieur, soutenir Matoko permet aussi de valoriser les ressources humaines nationales engagées au sein des Nations unies. L’argument résonne avec la stratégie gouvernementale qui promeut le retour des cadres formés à l’étranger pour renforcer l’administration et l’image du pays.
Le Congo a inscrit une enveloppe dédiée à la campagne dans le collectif budgétaire 2025. Les Finances parlent d’un coût “maîtrisé” au regard des retombées prévues pour les programmes Unesco et l’économie créative.
Le Conseil constitutionnel a confirmé la compatibilité d’une haute fonction à l’Unesco avec la nationalité congolaise, sécurisant le parcours de Matoko et ouvrant la voie à d’autres candidatures internationales.
Et après le scrutin de novembre
Le compte à rebours s’accélère. Brazzaville prépare déjà une présence renforcée à Tachkent pour la Conférence générale, avec expositions sur la rumba congolaise et la biodiversité forestière. “Montrer la créativité et la responsabilité du Congo parlera mieux que de longs discours”, sourit un organisateur.
Si Firmin Édouard Matoko franchit l’ultime étape le 6 novembre, Brazzaville comptera un relais stratégique au sommet d’une institution clé pour la culture, l’éducation et la science. À défaut, le pays aura consolidé son réseau diplomatique et rappelé son ambition d’influencer positivement l’agenda multilatéral.