Un diagnostic régional nuancé
Réunis le 30 juin 2025 au siège de Yaoundé, les membres du Comité de politique monétaire de la Banque des États de l’Afrique centrale ont dressé un tableau contrasté de l’activité. Sous la présidence d’Yvon Sana Bangui, le conclave a acté une révision de la croissance sous-régionale à 2,4 %, contre 2,9 % l’année précédente, principalement en raison d’un repli attendu de la production pétrolière. La décision intervient alors que la sous-région s’était habituée, depuis la crise sanitaire, à des taux supérieurs à la moyenne africaine, portés par l’énergie et les chantiers d’infrastructures.
Les moteurs extérieurs sous pression
Le Fonds monétaire international projette pour l’économie mondiale un ralentissement à 2,8 % en 2025, conséquence d’une guerre commerciale persistante entre puissances et d’une tension géopolitique accrue. Cette toile de fond limite l’élan exportateur des États d’Afrique centrale et renchérit le coût du capital, tandis que la désynchronisation des cycles monétaires complique la gestion des réserves. Pour les pays producteurs, la volatilité du baril entraîne une prudence budgétaire accrue, même si les cours demeurent au-dessus des hypothèses de finances publiques.
La résilience mesurée des États membres
Dans cet environnement, les secteurs non pétroliers devraient progresser de 3,5 %, preuve d’une diversification lente mais tangible. Au Congo-Brazzaville, les programmes de modernisation agricole et les partenariats public-privé dans les télécommunications soutiennent l’activité hors hydrocarbures. Les autorités de Brazzaville, respectueuses des engagements communautaires, maintiennent un déficit contenu et poursuivent des réformes structurelles favorables à la compétitivité. Cette orthodoxie, saluée par plusieurs chancelleries, conforte la crédibilité financière du pays et consolide la position de ses eurobonds sur les marchés émergents.
Intermédiation bancaire et arbitrages nouveaux
Face au rétrécissement des marges, les banques commerciales privilégient les titres publics au détriment du crédit au secteur productif. Le gouverneur, lors d’un échange récent avec les dirigeants bancaires à Bangui, a rappelé que « le rôle de l’intermédiation ne saurait se limiter à la détente des taux souverains ». Un groupe de travail, auquel participent des représentants congolais, planche sur des incitations prudentielles visant à rediriger une part de la liquidité vers les PME régionales, reconnues comme moteurs de valeur ajoutée et d’emplois qualifiés.
Convergence nominale et réformes monétaires
Le ralentissement attendu n’obère pas toutes les avancées. L’inflation, à 4,1 % en 2024, devrait refluer à 2,8 % en 2025, retrouvant ainsi la cible communautaire de 3 %. Cette modération, conjuguée à une masse monétaire en hausse de 10,7 %, témoigne d’une reprise graduelle de la demande interne sans surchauffe des prix. Parallèlement, la mise en circulation de la nouvelle gamme de pièces, lancée le 1ᵉʳ avril, atteint déjà 35 % de dissémination. Les marchés de Brazzaville et les réseaux de transport urbain rapportent une acceptation fluide, signe d’une transition réussie vers un numéraire plus sécurisé et durable.
Perspectives et marges de manœuvre diplomatiques
À court terme, la légère détérioration du solde budgétaire régional –1,2 % du PIB en 2025 ne remet pas en cause les équilibres essentiels. Le niveau toujours confortable des réserves, supérieur à cinq mois d’importations, confère à la banque centrale une capacité d’absorption des chocs exogènes. À moyen terme, la priorité ira à l’amplification du contenu local, à l’optimisation fiscale et à la coopération financière Sud-Sud. Dans cette équation, la République du Congo entend jouer un rôle d’entraînement, forte de sa stabilité institutionnelle et de son dialogue constant avec les investisseurs partenaires. À Yaoundé, le Comité a rappelé que « la confiance collective demeure le premier déterminant de la croissance ». C’est sur ce socle que la sous-région espère convertir l’actuelle décélération en une pause féconde pour réformer.