Dakar, carrefour de la réflexion panafricaine sur l’égalité des genres
Durant quatre journées intenses, du 14 au 17 mai 2025, la capitale sénégalaise a accueilli un aréopage de penseurs, de décideurs politiques et de représentants de la société civile venus des trois continents. Sous l’égide de la Fondation de l’innovation pour la démocratie, les travaux ont placé la question du genre au cœur d’un débat diplomatique élargi, soulignant les enjeux de citoyenneté inclusive dans les États africains contemporains. L’organisation méticuleuse des séances plénières et la présence d’acteurs institutionnels ont conféré à la rencontre une dimension stratégique pour les agendas nationaux comme pour les organisations régionales.
Fatou Sow, matrice intellectuelle d’un féminisme décomplexé
La figure tutélaire de Fatou Sow, sociologue et icône du féminisme africain, a servi de fil rouge aux échanges. Son documentaire « Devenir féministe en Afrique », projeté en séance spéciale, retrace un itinéraire fait de résilience, d’audace scientifique et de diplomatie académique. Plusieurs intervenants ont salué « la capacité de Mme Sow à universaliser l’expérience féminine sans la déraciner de ses ancrages locaux » (déclaration de Binta Camara, professeure à l’Université Cheikh Anta Diop). Cette production audiovisuelle, en conjuguant archives et témoignages, a ravivé la mémoire d’une génération de pionnières dont l’influence dépasse désormais les cloisonnements disciplinaires.
Franche Orchidée Malanda, voix congolaise au service d’une démocratie paritaire
Juriste de formation et responsable des programmes au sein de Kaani Assistance, la Congolaise Franche Orchidée Malanda a rappelé, au cours d’une intervention très suivie, que « la parité n’est pas un slogan mais la condition de la légitimité démocratique ». Elle a souligné les avancées notables enregistrées à Brazzaville, où la volonté politique d’élargir la participation féminine aux sphères de décision s’inscrit dans les engagements internationaux du Congo-Brazzaville, tout en plaidant pour une accélération des réformes administratives destinées à réduire la disparité statistique. Son propos, étayé par des données issues du dernier rapport national sur le genre, a trouvé écho auprès de diplomates présents, convaincus qu’une gouvernance équilibrée renforce la stabilité institutionnelle.
Métaphores familiales et transmission intergénérationnelle des savoirs
Les panels thématiques ont mis en lumière une constellation de sujets allant des circuits de vie féminins aux rapports entre générations. Les oratrices ont souligné que les métaphores de la famille, loin d’être de simples figures de style, structurent les représentations sociales de l’autorité et de la solidarité. En s’appuyant sur des études de terrain menées au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Congo, les chercheuses ont montré que la codification des rôles parentaux influence directement la participation citoyenne des femmes. La diplomatie culturelle, vecteur discret mais efficace d’influence, a été identifiée comme un levier pertinent pour déconstruire ces schémas, notamment à travers les échanges universitaires et artistiques.
Un cycle triennal pour enclencher l’innovation féministe
Moment phare de la rencontre, le lancement officiel d’un cycle triennal d’enquêtes et de recherches féministes a été annoncé par le comité scientifique. Ce programme prévoit de financer des projets portés exclusivement par des chercheuses et des activistes, dans l’objectif de documenter les savoir-faire des femmes et de traduire ces expertises en recommandations de politiques publiques. Franche Orchidée Malanda, désignée membre du comité de suivi, a précisé que « l’enjeu sera d’articuler recherche scientifique, plaidoyer juridique et actions de terrain », afin d’aboutir à des indicateurs mesurables susceptibles de guider les gouvernements, y compris celui de Brazzaville, dans leurs stratégies de développement inclusif.
Vers une diplomatie régionale de la parité
Au terme du symposium, les participants ont adopté une déclaration finale exhortant les États à inscrire la question du genre dans leurs priorités diplomatiques. Si le texte se veut non contraignant, il n’en constitue pas moins une boussole pour les représentations permanentes auprès de l’Union africaine et des Nations unies. Plusieurs observateurs notent d’ores et déjà que la convergence des positions sénégalaise et congolaise illustre une dynamique constructive au sein de l’Afrique centrale et de l’Ouest, capable de peser dans les négociations multilatérales sur les Objectifs de développement durable. En creux, se dessine l’idée qu’une démocratie effective, respectueuse des équilibres sociaux, ne saurait se passer du regard et de la compétence des femmes.