Un indicateur international sous surveillance
Chaque publication du Corruption Perceptions Index, l’indice annuel de Transparency International, agit comme un sismographe de la gouvernance mondiale. En février 2025, l’organisation a positionné la République du Congo au 151e rang sur 180 États, soit un score encore perfectible mais en amélioration par rapport aux années précédentes. Dans un environnement où la perception de la corruption influence aussi bien les flux d’investissements que le crédit politique d’un pays sur la scène internationale, ce classement revêt un caractère stratégique. L’indicateur n’est pas un verdict définitif ; il traduit plutôt un instantané, alimenté par des enquêtes d’experts, producteurs de risques et organismes multilatéraux.
Progression mesurée mais tangible depuis 2020
Le bond de quatorze places enregistré en cinq ans mérite d’être contextualisé. Au moment de l’installation de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption en 2020, le Congo occupait la 165e position. Cette avancée souligne une tendance qu’il convient de suivre, sans triomphalisme, mais avec l’attention qu’impose la matière anticorruption. Les observateurs retiennent que le progrès s’est opéré dans un climat économique mondial tendu, ce qui ajoute à la performance une dimension de résilience. Des bailleurs de fonds comme la Banque africaine de développement considèrent aujourd’hui cette évolution comme un signal positif pour l’attractivité du marché congolais.
La HALC, cheville ouvrière de la dynamique nationale
Créée par la loi n° 3-2019, la HALC s’est vu confier une triple mission : prévention, éducation et répression. Son président, Emmanuel Ollita Ondongo, a rappelé à l’occasion de la 9e Journée africaine de lutte contre la corruption que « le Congo ne saurait traiter la corruption comme une fatalité ». Sous son impulsion, la plateforme téléphonique 10 23 a renforcé la collaboration entre citoyens et autorités judiciaires. Signe d’une diplomatie de résultats, plusieurs dossiers emblématiques ont été transmis aux juridictions compétentes, instaurant une chaîne de responsabilité régulièrement saluée par les partenaires techniques. Si le dispositif légal reste perfectible, il a désormais le mérite d’exister et d’être actionné.
La dignité humaine, socle de la stratégie continentale
Le thème retenu cette année par l’Union africaine, « Promouvoir la dignité humaine dans la lutte contre la corruption », offre au Congo l’occasion d’inscrire ses réformes dans une matrice de droits humains. En rappelant qu’Émile Kant définissait la dignité comme la fin ultime de toute action publique, la HALC lie expressément son action préventive à la protection des plus vulnérables. Ce cadrage éthique rapproche la lutte anticorruption des engagements internationaux du pays, de la Déclaration universelle des droits de l’homme aux Objectifs de développement durable, et consolide le discours diplomatique de Brazzaville dans les enceintes multilatérales.
Partenariats externes et transferts de compétences
L’appui du Programme des Nations Unies pour le développement, qui a organisé un atelier technique en 2022 sur l’évaluation des politiques publiques, illustre la logique de co-construction chère aux autorités congolaises. Les experts du PNUD ont, à cette occasion, sensibilisé les cadres nationaux à la gestion des risques de corruption dans les marchés publics et les entreprises d’État. Par ailleurs, la coopération bilatérale avec plusieurs États d’Afrique centrale facilite l’échange d’informations financières transfrontalières, un volet essentiel pour tracer les flux illicites et récupérer les avoirs détournés. Ces convergences techniques nourrissent une diplomatie de partage d’expériences qui renforce la crédibilité externe du pays.
Défis persistants et perspectives diplomatiques
S’il est admis que la progression reste modeste en valeur absolue, les diplomates en poste à Brazzaville soulignent qu’elle confère au pays une marge de négociation élargie dans la mobilisation des financements concessionnels. Les priorités identifiées pour la période 2025-2030 incluent l’opérationnalisation complète du registre des bénéficiaires effectifs, la digitalisation intégrale des procédures douanières et l’harmonisation des textes avec la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Autant de chantiers qui requièrent des compromis institutionnels et un dialogue constant avec la société civile. La consolidation de cette dynamique pourrait, à terme, favoriser un positionnement régional de référence sur les questions de transparence.
Vers un narratif renouvelé de la gouvernance congolaise
En définitive, la place de 151e obtenue par le Congo dans l’indice CPI 2025 incarne moins un aboutissement qu’un point d’étape. Elle valide la pertinence des réformes engagées tout en rappelant la distance à parcourir. Dans l’écosystème diplomatique, la performance est perçue comme un signal structurant : elle conforte les partenaires internationaux dans l’idée que Brazzaville adopte une approche systémique, intégrant la dimension humaine et le respect de l’État de droit. L’enjeu est désormais de transformer l’essai, en inscrivant la lutte contre la corruption dans la culture administrative quotidienne et en maintenant un dialogue ouvert avec la communauté des bailleurs. De l’avis même d’Emmanuel Ollita Ondongo, « la lutte contre la corruption est une course de fond plutôt qu’un sprint » – un mot d’ordre qui résonne comme une feuille de route pour la prochaine décennie.