Ce qu’il faut retenir
Le 15 septembre, l’association Avenir Nepad a réuni à Brazzaville une trentaine d’anciens ministres, professeurs, ONG et jeunes leaders pour interroger l’état de la démocratie congolaise, profitant de la Journée internationale dédiée à cet idéal universel.
Les échanges ont mis en lumière des données parfois sévères mais aussi les efforts constants du gouvernement pour renforcer l’État de droit, poussant les participants à formuler des recommandations orientées vers l’inclusion des femmes et des jeunes.
Contexte : la Journée internationale à Brazzaville
Célébrée sous l’égide des Nations unies, la Journée internationale de la démocratie sert de plateforme aux États pour réaffirmer leurs engagements. À Brazzaville, l’édition 2024 s’est inscrite dans la continuité des initiatives nationales de modernisation institutionnelle et de promotion des libertés publiques.
Le ministère en charge de la Réforme de l’État a salué l’atelier, soulignant que la Constitution garantit déjà un cadre pluraliste et que les consultations régulières avec la société civile nourrissent la stratégie de gouvernance participative.
Indicateurs contrastés de participation citoyenne
Le coordonnateur d’Avenir Nepad, Dr Etanislas Ngodi, a rappelé qu’Afrobaromètre relève que 62 % des sondés jugent le Congo « pas assez démocratique » (Afrobaromètre 2024). Il a pourtant reconnu que ces perceptions varient fortement selon l’âge, la localisation et le degré d’information.
Le rapport Civicus 2022 classe le pays dans la catégorie « réprimé ». Les participants ont nuancé cette lecture, soulignant les réformes récentes sur l’accès à l’information, l’ouverture de médias communautaires et la création de tribunaux administratifs dédiés aux libertés publiques.
Regards académiques sur la démocratie importée
Invité principal, le Pr Didier Ngalebaye a développé l’idée d’un décalage entre la matrice occidentale fondée sur liberté, égalité, fraternité et la matrice bantu axée sur spiritualité, droit d’aînesse et solidarité. Il plaide pour une « démocratie nominative » reposant sur la reconnaissance communautaire.
Selon lui, ce mécanisme garantirait transparence et alternance apaisée, car le contrôle social reste permanent. Son intervention a suscité un vif intérêt chez les jeunes chercheurs, désireux de tester empiriquement ce modèle auprès d’échantillons urbains et ruraux.
Débats sur l’héritage des conférences nationales
L’ancien ministre Alain Akouala Atipault a brossé un tableau critique des conférences nationales africaines des années 1990, présentées comme des « règlements de comptes » ayant dispersé le consensus hérité du parti unique. Il estime que l’explosion de partis à base ethnique a fragmenté l’espace politique.
Pour autant, il considère la période actuelle comme propice à l’élaboration d’une « culture patriotique » fondant la souveraineté sur des valeurs partagées plutôt que sur la seule compétition partisane, une perspective saluée par plusieurs responsables d’associations de jeunesse présents dans la salle.
Le point juridique : libertés et régulation
Des juristes ont rappelé que la République du Congo a ratifié la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, offrant un socle normatif solide. La Commission nationale des droits de l’homme suit, chaque semestre, les recommandations qui en découlent.
Les journalistes présents ont souligné leur position au 69ᵉ rang du classement 2024 de Reporters sans frontières. Le Conseil supérieur de la liberté de communication assure, pour sa part, que l’adoption du nouveau code de la presse facilitera un meilleur équilibre entre liberté et responsabilité.
Scénarios : vers une participation élargie
Les experts réunis envisagent trois pistes convergentes. Premièrement, renforcer l’éducation civique dès le primaire pour familiariser les élèves aux procédures électorales. Deuxièmement, instituer des quotas progressifs favorisant la représentation des femmes et des jeunes. Troisièmement, généraliser les consultations numériques pour capter les attentes locales.
Selon Dr Ngodi, ces scénarios complètent les engagements gouvernementaux déjà actés dans le Plan national de développement, lequel prévoit un portail des données ouvertes sur les politiques publiques. L’atelier a proposé un tableau de bord citoyen pour suivre la mise en œuvre.
Et après ? Cap sur l’inclusion économique
Les participants jugent indissociable la question démocratique de l’équité économique. Ils recommandent un soutien ciblé aux PME dirigées par des femmes, vecteur d’autonomisation et de débat pluraliste. Une note sera transmise aux ministères sectoriels concernés.
Un second atelier, axé sur la décentralisation budgétaire, est déjà programmé. Il permettra d’évaluer comment les collectivités peuvent disposer d’espaces délibératifs propres et financer des projets communautaires validés par vote populaire, prolongeant ainsi la dynamique enclenchée à Brazzaville.
Le mot de la société civile
Plusieurs associations ont salué l’ouverture manifestée par les pouvoirs publics qui ont accompagné les travaux. « Nos échanges se sont déroulés sans aucune censure », confie une militante de la plateforme des droits des femmes, convaincue que la co-construction est désormais la voie la plus sûre.
Avenir Nepad ambitionne de poursuivre son rôle d’interface constructive. L’organisation estime qu’une veille citoyenne basée sur des indicateurs partagés, plutôt que sur la seule dénonciation, créera la confiance nécessaire à toute évolution démocratique durable.
Relier valeurs bantu et ambitions globales
Le Pr Ngalebaye conclut que l’Afrique peut articuler traditions communautaires et exigences contemporaines sans renier ses partenaires internationaux. Il voit dans la Zone de libre-échange continentale un terrain d’application pour un leadership concerté et responsable.
Les intervenants rappellent que le Congo, géographiquement au cœur du continent, a un rôle fédérateur à jouer. En misant sur l’inclusion citoyenne et la stabilité institutionnelle, Brazzaville pourrait devenir un laboratoire de gouvernance innovante pour l’ensemble de la sous-région.