La santé communautaire, pilier d’une gouvernance partagée
À la faveur d’un atelier organisé dans l’enceinte du Forum des jeunes entreprises, cinquante délégués issus des Comités de santé de divers arrondissements de Brazzaville se sont penchés, deux jours durant, sur les ressorts de la cogestion des Centres de santé intégrée. L’initiative, portée par l’Observatoire congolais des droits des consommateurs (O2CD), traduit une volonté assumée de consolider la participation communautaire au moment où les autorités sanitaires veulent joindre l’efficacité opérationnelle à la transparence. Selon le Dr Nelson Bokalé, médecin-chef du district sanitaire de l’île Mbamou, « les formations sanitaires ne peuvent plus être administrées selon un schéma vertical ; le patient-citoyen doit siéger à côté du technicien ». Son propos éclaire la trajectoire choisie par le ministère de la Santé, convaincu que l’adhésion populaire demeure un levier incontournable pour faire reculer les inégalités d’accès aux soins.
Un appui financier tricolore qui s’inscrit dans la diplomatie sanitaire
L’atelier n’aurait pas vu le jour sans la contribution substantielle de l’Ambassade de France, qui mobilise près de 26 millions de francs CFA via le dispositif Kotonga. Paris lie ainsi sa diplomatie d’influence à un secteur de la santé congolais en quête de modernisation, prolongeant l’accord-cadre de coopération signé en marge du sommet de Paris sur le financement des économies africaines en 2021. Pour un diplomate européen en poste à Brazzaville, « soutenir les COSA, c’est investir dans la stabilité sociale, car la santé demeure un marqueur de la confiance entre l’État et le citoyen ». L’enjeu dépasse donc la formation stricto sensu : il s’agit de consolider un socle institutionnel que plusieurs partenaires techniques et financiers considèrent comme gage de viabilité des politiques publiques.
Éclairages comparés : de Brazzaville à Paris, le modèle s’internationalise
Les organisateurs ont veillé à confronter l’expérience congolaise à des références extérieures. Par visioconférence depuis Paris, Christian Khaliffa, président d’INDECOSA-CGT, a déroulé le cadre réglementaire régissant les comités de défense des usagers dans les hôpitaux français. Ce parallèle a permis de souligner l’importance d’un statut juridique clair, de procès-verbaux publics et d’indicateurs de performance partagés. Le Pr Richard Bileckot, inspecteur général de la santé, a pour sa part rappelé qu’au Congo, le comité des usagers est reconnu comme organe consultatif depuis la révision de la politique nationale de santé de 2018. Il estime que la diffusion de bonnes pratiques internationales « doit inspirer, non se substituer ». Cette hybridation pragmatique contribue à professionnaliser les représentants des usagers tout en préservant les spécificités socioculturelles locales.
De la théorie à la pratique : défis et marges de progression
Sur le terrain, les COSA interrogent l’équilibre entre dynamisme associatif et contraintes administratives. Les présidents de comités de Talangaï, Ouenzé ou Makélékélé évoquent la difficulté à mobiliser des ressources propres pour financer le suivi des plaintes ou l’affichage des tarifs officiels. Ils saluent toutefois les avancées liées à la formation : connaissance des textes, maitrise des outils de collecte de données et capacité à dialoguer avec les chefs de postes de santé. Arsène Ibara, qui représente le Centre de santé intégré Fleuve Congo, note que « les séances de simulation de réunion ont mis en lumière la nécessité de comptes rendus accessibles ». Les participants réclament désormais un cadre de concertation trimestriel avec les directions départementales de la santé, afin de pérenniser l’élan créé par l’atelier.
Vers une consolidation pérenne de la participation citoyenne
La feuille de route issue des travaux prévoit l’élaboration d’un guide pratique de la cogestion, la mise en place d’un mécanisme de médiation au sein des Centres de santé intégrée et l’instauration d’un tableau d’affichage des indicateurs clés, accessible en langue locale. Autant d’outils destinés à crédibiliser une démarche que les bailleurs, tout comme les autorités nationales, appellent de leurs vœux. René Ngouala, coordinateur du comité de suivi de l’O2CD, rappelle que la revue du secteur de la santé de 2018 avait pointé la faible implication de la société civile : « Le projet corrige une lacune stratégique, il rapproche l’offre de soins des attentes réelles des populations ». Dans un contexte où le gouvernement congolais affiche son ambition d’atteindre la couverture sanitaire universelle à l’horizon 2030, la montée en compétences des COSA représente une pièce maîtresse. Elle offre à la République du Congo l’opportunité de présenter, lors des forums internationaux, un modèle de gouvernance sanitaire qui conjugue expertise locale et partenariats extérieurs, garantissant une amélioration tangible de la qualité des soins pour les citoyens.