Une trajectoire sous contrôle relatif
La Caisse autonome d’amortissement a livré, dans sa note de conjoncture datée du 31 juillet 2025, un cliché instantané de la situation obligataire camerounaise : 14 105 milliards de FCFA, l’équivalent de 24,5 milliards de dollars, soit 43 % du produit intérieur brut. Ce ratio, inférieur au seuil de 70 % retenu par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, traduit une trajectoire que les autorités estiment « maîtrisée », fruit d’une discipline budgétaire renforcée depuis la crise sanitaire. L’Exécutif met en avant une croissance projetée à 4,2 % pour 2025 et la remontée progressive des recettes pétrolières pour justifier cette lecture optimiste.
Structure et maturité de l’encours
Derrière le chiffre agrégé se cache une composition nuancée : 59 % de l’encours relève de créanciers extérieurs, dominés par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’EximBank de Chine, lesquels offrent des maturités longues et des taux concessionnels oscillant autour de 2,3 %. Les 41 % restants correspondent à la dette domestique, essentiellement portée par des obligations du Trésor souscrites par les banques locales et la BEAC. La maturité moyenne, évaluée à 9,7 ans, confère au Trésor un espace de respiration, bien que le service de la dette doive franchir la barre des 1 300 milliards de FCFA dès 2026, un jalon que Yaoundé prépare par le lissage de son profil de remboursement.
Tolérance au choc et marges budgétaires
Le Fonds monétaire international, dans sa dernière consultation au titre de l’article IV, considère le risque de surendettement comme « modéré » mais sensible aux chocs exogènes. Une contraction prolongée des cours du pétrole ou des retards dans la mise en production du gisement de Kribi réduirait la trésorerie de l’État d’environ 1 % du PIB, faisant grimper l’indice de soutenabilité au-delà de 50 %. Pour contenir ce scénario, le ministère des Finances a récemment plafonné les emprunts non concessionnels à 600 millions de dollars par an et accéléré la rationalisation des subventions énergétiques, mesure présentée par un haut fonctionnaire comme « un arbitrage délicat mais indispensable à la crédibilité extérieure ».
Enjeux régionaux et coopération monétaire
La dette camerounaise ne peut se lire isolément : premier PIB de la CEMAC, le pays joue un rôle d’ancrage pour ses voisins, dont le Congo-Brazzaville, engagé dans une trajectoire de consolidation similaire. La tenue régulière des Comités de politique monétaire de la BEAC, où Yaoundé défend une politique de taux compatible avec le financement des infrastructures régionales, illustre cette interdépendance. Les obligations assimilables du Trésor camerounais, très recherchées par les investisseurs institutionnels congolais, participent de la profondeur du marché régional des capitaux et renforcent la stabilité de la zone franc.
Perspectives et signaux des bailleurs
La stratégie camerounaise repose désormais sur une combinaison de financements verts, à travers un premier euro-obligation durable envisagé pour 2026, et sur la poursuite des réformes de gouvernance. La Banque mondiale conditionne déjà 220 millions de dollars de prêts budgétaires à la digitalisation de la chaîne de dépense publique, tandis que l’Agence française de développement suit de près le plan d’apurement des arriérés commerciaux. Au-delà des chiffres, la confiance des bailleurs se nourrit de signaux politiques : la stabilité institutionnelle et la coopération sécuritaire régionale demeurent au cœur des discussions diplomatiques, facteurs que soulignait récemment un analyste de Standard & Poor’s en jugeant que « le pays conserve un levier stratégique puissant, celui d’être incontournable pour la connectivité logistique du golfe de Guinée ».
