Ce qu’il faut retenir
Sous les chapiteaux de la soirée caritative Elombé, organisée à Brazzaville, l’Organisation mondiale de la santé et l’association congolaise Marcher Courir ont déclenché un nouvel élan contre le diabète, misant sur une prise en charge holistique pour ralentir l’épidémie silencieuse.
Au-delà de la collecte de fonds, les partenaires se sont engagés à connecter soins de première ligne, dépistage mobile et hôpitaux de référence, afin de prévenir les complications, maintenir les patients actifs et réduire les coûts pour un système de santé déjà sous tension.
Contexte sanitaire au Congo
Le Congo-Brazzaville enregistre une transition épidémiologique rapide ; les maladies non transmissibles, dont le diabète, gagnent du terrain, alors que la couverture sanitaire universelle demeure incomplète, notamment dans les districts ruraux isolés.
Une étude régionale de 2019 estimait déjà la prévalence du diabète à près de 6 % chez les adultes d’Afrique centrale, mais aucun chiffre national actualisé n’existe pour le Congo, compliquant la planification des ressources et la priorisation des investissements.
Approche holistique : de la famille à l’hôpital
Le représentant résident de l’OMS, Vincent Dossou Sodjinou, défend une approche où le dépistage communautaire déclenche un parcours coordonné : éducation nutritionnelle à domicile, suivi glycémique dans les centres de santé intégrés et orientation rapide vers les spécialistes quand une complication se profile.
Cette philosophie s’inscrit dans la stratégie nationale de renforcement des soins de santé primaires soutenue par le gouvernement, qui vise à rapprocher les services essentiels des quartiers périphériques et à renforcer la confiance du public dans la médecine préventive.
Le rôle moteur de l’OMS à Brazzaville
En accueillant le bureau régional africain de l’OMS depuis 1976, Brazzaville dispose d’un vivier d’expertise unique sur le continent, capable d’accompagner la formation des agents, l’élaboration de protocoles et la logistique d’outils numériques de suivi des patients.
« En travaillant ensemble, nous pouvons vaincre le diabète », a rappelé M. Sodjinou, précisant que l’agence onusienne fournit déjà des glucomètres, des réactifs et des modules de télémédecine pour sécuriser la continuité des soins même dans les zones fluviales difficiles d’accès.
Le secteur privé s’engage
La Société nationale des pétroles du Congo, par la voix de son directeur général, Maixent Raoul Ominga, a annoncé un appui financier dédié au dépistage mobile et à la couverture des frais d’insuline pour les patients les plus vulnérables inscrits au programme Marcher Courir.
Pour ce cadre, le soutien des entreprises aux causes d’intérêt national n’est pas accessoire mais stratégique : un personnel en bonne santé réduit l’absentéisme et renforce la productivité, tandis que la responsabilité sociétale consolide l’acceptabilité sociale des projets industriels.
Données manquantes, enquête nationale attendue
L’absence de statistiques nationales actualisées constitue un obstacle majeur pour calibrer les politiques publiques et pour négocier des financements internationaux sur des bases solides.
L’OMS et Marcher Courir lanceront donc, dès cette année, une enquête de prévalence combinant questionnaires, tests sanguins et géolocalisation des ménages, avec l’appui méthodologique de l’Institut national de la statistique afin de produire une cartographie fine des foyers à risque.
Scénarios pour la prise en charge
Selon les premières modélisations internes, si la prévalence dépassait 8 %, le pays devrait tripler le nombre de médecins endocrinologues d’ici 2030 et étendre le remboursement des antidiabétiques oraux au régime d’assurance maladie universelle en cours de déploiement.
Si, en revanche, elle se situait autour de 5 %, l’effort pourrait se concentrer sur la prévention primaire : taxation des boissons sucrées, campagnes dans les écoles et développement de pistes cyclables afin d’encourager l’activité physique quotidienne.
Le point économique
Le diabète coûte déjà en moyenne 1,5 % du PIB africain, selon la Fédération internationale du diabète ; pour le Congo, cela représenterait près de 200 millions de dollars par an en dépenses directes et pertes de productivité, un fardeau que la diversification économique veut contenir.
Investir dans des soins de proximité et des technologies de télésuivi pourrait générer un retour sur investissement social estimé à cinq pour un, en évitant les complications coûteuses comme les amputations ou les accidents cardiovasculaires.
Et après ?
Les premiers bus de dépistage doivent prendre la route des départements de la Cuvette et du Kouilou au premier semestre, tandis qu’un registre électronique unifié des patients sera testé à l’hôpital de Talangaï avant d’être élargi au reste du pays.
Le succès dépendra de la formation continue des infirmiers, de la disponibilité d’insuline subventionnée et de la participation active des familles, rappelant que la lutte contre le diabète est autant sociale que médicale.
Des start-up congolaises du numérique sanitaire participent déjà à l’intégration de capteurs connectés, permettant aux patients de transmettre leurs glycémies par SMS aux infirmiers, une solution peu coûteuse adaptée à la couverture mobile croissante du pays.
L’ambition est d’atteindre, d’ici 2025, 70 % de personnes à risque dépistées au moins une fois par an, un objectif aligné sur le Plan national de développement sanitaire salué par les partenaires techniques et financiers.
Brazzaville compte tester également l’implication des clubs sportifs de quartier pour promouvoir l’exercice physique régulier, transformant les terrains de football en espaces de sensibilisation durant les week-ends.
