Brazzaville vibre pour les Diables rouges
Les drapeaux rouge, vert et jaune ondulent encore autour du stade Alphonse Massamba-Débat. Mardi soir, malgré la pluie fine, plus de vingt mille supporters ont poussé les Diables rouges, dans un chant continu mêlé de klaxons, de vuvuzelas et de slogans patriotiques.
Le match nul un partout face aux Taifa Stars tanzaniens, obtenu lors de la septième journée des éliminatoires africains pour le Mondial 2026, n’a pas terni l’ambiance. Au contraire, il ravive un espoir nouveau autour d’une sélection congolaise en pleine refonte.
Un score de parité qui interroge
Déchan Moussavou a concrétisé la domination locale à la 68e minute d’un tir croisé limpide, soulevant les tribunes. Moins de vingt minutes plus tard, Selemani Abdallah égalisait pour la Tanzanie, profitant d’un léger flottement défensif sur corner que le banc congolais regrettera.
Les statistiques officielles confirment cette impression : 61 % de possession pour les Diables rouges, douze frappes dont six cadrées, contre seulement quatre tirs visiteurs. Pourtant, le tableau d’affichage reste bloqué à 1-1, révélateur du chantier offensif que l’encadrement reconnaît désormais sans détour.
Les choix tactiques de Fabrizio Cesana
Nommé fin août, l’Italo-Congolais Fabrizio Cesana disposait de neuf jours d’entraînement. Il a opté pour un 4-3-3 résolument haut, fruit d’analyses vidéo partagées avec le staff technique de la Fédération. « Pressing, transitions rapides », répète-t-il, conscient de la nécessité d’imprimer une identité.
L’entraîneur salue l’engagement d’un groupe composé à 70 % de joueurs du championnat local, moins exposés aux joutes continentales que leurs homologues expatriés. « Ils ont prouvé qu’ils pouvaient rivaliser, à nous de peaufiner l’efficacité », confie-t-il en zone mixte, sourire contenu.
Reste à convertir la supériorité territoriale. Trois occasions franches manquées, dont la reprise de Mignon Koto repoussée par la barre à la 87e minute, nourrissent les séances vidéo de cette semaine. Cesana compte instaurer des ateliers spécifiques devant le but dès jeudi.
Reconstruction de la sélection congolaise
La Fédération congolaise de football, soutenue par le ministère des Sports, a lancé un programme baptisé « Cap 2026 » visant la qualification au Mondial nord-américain. Les volets académie, détection des binationaux et mise à niveau médicale figurent parmi les priorités.
Selon un responsable technique joint à Brazzaville, une tournée européenne est envisagée en novembre pour rencontrer de jeunes talents issus de la diaspora. L’idée est de combiner leur expérience avec la fougue locale afin de constituer, d’ici 2025, un groupe resserré.
Impacts sur la course au Mondial 2026
Dans le groupe E, le Maroc caracole avec 18 points après son large succès 5-0 contre le Niger. La Tanzanie suit avec dix unités. Zambie et Niger comptent six points, tandis que le Congo ferme la marche avec un petit point.
Seules les premières places offrent une qualification directe, mais les deux meilleures deuxièmes disputeront un barrage intercontinental. Les Diables rouges n’ont donc mathématiquement pas dit leur dernier mot. Les deux rencontres d’octobre, au Niger puis au Maroc, seront décisives pour rester en vie.
Regards croisés avec la Tanzanie
Hemed Suleiman, sélectionneur tanzanien, reconnaît « une équipe congolaise surprenante d’intensité ». Son analyse relève la fébrilité de ses latéraux face au pressing congolais, mais aussi la solidité de l’axe défensif tanzanien qui a contenu les centres adverses dans le dernier quart.
Les médias de Dar es-Salaam saluent un point précieux à l’extérieur, tout en soulignant qu’il faudra battre la Zambie pour sécuriser la deuxième place. Les observateurs locaux estiment que la Tanzanie, plus régulière, dispose désormais d’un petit matelas psychologique sur ses poursuivants.
Et après ? Les scénarios d’octobre
Les Diables rouges se déplaceront d’abord à Niamey le 6 octobre. Une victoire redonnerait corps au rêve, avant le choc du 13 octobre à Rabat. Le staff travaille déjà sur l’acclimatation, l’altitude et la gestion de la récupération entre les deux voyages.
Sur le plan administratif, la Fédération compte soumettre, d’ici fin septembre, les dossiers de naturalisation sportive de trois joueurs binationaux actifs en Ligue 1 française. Leur arrivée, espérée avant la fenêtre FIFA de novembre, pourrait renforcer la concurrence dans les couloirs offensifs.
Le point économique autour du stade
Chaque match international à Brazzaville génère, selon la municipalité, près de 200 millions de francs CFA de retombées immédiates : restauration, transport, hébergement. Les vendeurs ambulants saluent ce regain d’activités, preuve que le sport demeure un levier d’économie locale résiliente.
Passion populaire et soft power sportif
Au-delà du classement, la ferveur autour des Diables rouges renforce le sentiment d’unité nationale vanté par les autorités. Pour de nombreux jeunes, le foot devient vitrine et ascenseur social. Le succès populaire de mardi illustre ainsi le potentiel diplomatique et culturel du ballon.
Contexte historique des confrontations
Depuis 1992, Congolais et Tanzaniens se sont affrontés neuf fois, pour quatre victoires congolaises, trois nuls et deux défaites. La dernière confrontation à Brazzaville remontait à 2014, déjà conclue sur un partage des points, preuve d’un duel souvent accroché.
Les experts rappellent que le Congo n’a plus participé à une Coupe du monde depuis 1974, tandis que la Tanzanie n’y est jamais encore parvenue. « Chaque génération se bat pour écrire l’histoire », résume l’ancien international Oscar Ewolo, aujourd’hui consultant pour la télévision publique.