Violences persistantes dans l’Est congolais
Les affrontements qui secouent depuis des années le Nord-Kivu et le Sud-Kivu connaissent une nouvelle flambée, malgré l’accord de trêve parrainé par le Qatar en juillet. Dans ces provinces riches en minerais, l’insécurité a déjà forcé plus de deux millions de Congolais à fuir.
Les délégués du gouvernement de la République démocratique du Congo et ceux du Mouvement du 23 mars sont revenus à Doha dans l’espoir de sauver ce cessez-le-feu. Les discussions portent sur un document en trois phases censé stabiliser les lignes de front et désamorcer la crise.
Trois phases pour un accord de cessez-le-feu
La première phase prévoit le retrait graduel des unités M23 de positions stratégiques, sous observation conjointe. La deuxième instaure un mécanisme de vérification, composé de représentants congolais, qataris et de la Monusco. La troisième organise les échanges de prisonniers et la réintégration communautaire.
Selon des sources diplomatiques, le président Félix Tshisekedi juge le projet insuffisant, estimant que les garanties de sécurité doivent être renforcées avant tout retrait rebelle. Kinshasa réclame aussi un calendrier contraignant, condition qu’une partie des médiateurs considère encore prématurée.
Revendications et rôle des acteurs clés
Le M23, qui se présente comme un mouvement politique armé défendant la minorité tutsie congolaise, reproche au gouvernement d’ignorer des accords passés sur la démobilisation et la représentation. « Nous voulons un dialogue direct, pas des injonctions », a déclaré un porte-parole du groupe à Doha.
Les Nations unies attribuent une part de la capacité militaire du M23 au soutien logistique rwandais. Kigali dément ces allégations, affirmant n’avoir aucun intérêt à prolonger la crise. La frontière poreuse et l’histoire de violences transfrontalières compliquent néanmoins la tâche des observateurs.
Dans ce contexte, Doha cherche à consolider une image de médiateur fiable, déjà rodée au Soudan et en Afghanistan. Le chef de la diplomatie qatarie assure que « la neutralité et la patience » constituent la seule méthode pour bâtir une architecture de sécurité durable dans les Grands Lacs.
Le département d’État américain a confirmé son soutien technique, évoquant une fenêtre diplomatique à « ne pas laisser se refermer ». Parallèlement, le Comité international de la Croix-Rouge se dit prêt à superviser le volet humanitaire, notamment l’accès sans entrave aux familles déplacées.
Qatar veille néanmoins à ne pas se substituer aux organisations régionales. L’Union africaine et la Communauté d’Afrique de l’Est ont été invitées à envoyer des observateurs, afin d’éviter les doublons et de légitimer le dispositif de suivi hors des cercles strictement qataris.
Crise humanitaire et droits humains au Kivu
Sur le terrain, la crise humanitaire demeure l’une des plus graves au monde. Des camps improvisés ceinturent Goma, Sake ou Rutshuru. Les agences estiment que huit habitants sur dix manquent d’eau potable. Les intempéries récentes aggravent le risque de choléra et d’insécurité alimentaire.
Des ONG locales dénoncent aussi des massacres ciblés, imputés au M23, contre des communautés hutu ou nande. Amnesty International évoque des « violations susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité ». Les négociateurs affirment placer la protection des civils au cœur de leurs priorités.
Pour Kigali, ces accusations visent à occulter l’existence de groupes armés hostiles au Rwanda opérant depuis le Congo. La présidence rwandaise répète que la coopération sécuritaire régionale est la voie la plus sûre, tout en rappelant son droit à la légitime défense.
Garanties, économie et scénarios d’avenir
Le chapitre humanitaire du texte discute un échange simultané de prisonniers et un couloir sécurisé pour l’acheminement de l’assistance. Le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères estime qu’un « geste de confiance visible » pourrait ramener une partie des déplacés vers leurs localités.
La surveillance envisagée repose sur des drones commerciaux et des patrouilles conjointes. Les responsables militaires congolais avertissent toutefois qu’aucun dispositif ne sera efficace sans financement pérenne. Doha propose un fonds multi-bailleurs, tandis que Washington explore la possibilité d’intégrer la Banque mondiale au schéma.
L’Union africaine envisage de relancer, en parallèle, le Mécanisme régional de vérification déjà testé dans la crise de 2013. Selon un diplomate basé à Addis-Abeba, « l’enjeu est de faire converger toutes les feuilles de route afin d’éviter la cacophonie sécuritaire ».
Les intérêts économiques pèsent aussi dans la balance. Les exportations de coltan, d’or et de cuivre du Kivu alimentent des chaînes d’approvisionnement mondiales. La persistance des combats accroît les primes de risque pour les investisseurs et réduit les recettes fiscales escomptées par Kinshasa.
Si les trois phases obtiennent l’aval des parties, une période probatoire de 180 jours devrait suivre, avec des bilans réguliers à Doha. Dans le cas contraire, les observateurs redoutent une propagation vers l’Ituri ou vers des pays voisins, compliquant davantage la diplomatie de crise.
Pour l’heure, les délégations s’accordent à dire que l’initiative qatarie reste la meilleure occasion de rompre le cycle de la méfiance. Mais aucune plume ne signera tant que la situation militaire évoluera quotidiennement. Le chronomètre humanitaire, lui, ne laisse aucun répit.
