Un financement multilatéral au service d’un engagement régional
Réunis les 24 et 25 juin 2025, les représentants du ministère camerounais de l’Environnement, de la Banque mondiale, d’ONU-Environnement et du Fonds pour l’Environnement mondial ont officialisé le démarrage du projet GEFID11756 « Phasing out of PCB use and its elimination in Cameroon ». La capitale économique s’est ainsi transformée, l’espace de deux journées, en laboratoire d’une diplomatie verte qui dépasse les frontières nationales. Cette deuxième phase, dotée d’un financement additionnel, prolonge les actions entreprises depuis 2016 pour aligner la politique publique sur les exigences de la Convention de Stockholm, ratifiée par Yaoundé en 2005.
Les polychlorobiphényles : un héritage industriel encombrant
Liquide diélectrique longtemps prisé pour ses performances dans les transformateurs, le polychlorobiphényle s’est mué, avec l’avancée des connaissances toxicologiques, en symbole d’une modernité aux effets collatéraux sévères. Persistant, bioaccumulable et capable de voyager sur de longues distances atmosphériques, le PCB appartient à la famille des polluants organiques persistants dont la dangerosité n’est plus à démontrer. Les experts alertent sur ses corrélations avec certaines pathologies endocriniennes et sur son impact durable sur les écosystèmes aquatiques. Dès lors, l’objectif fixé par la communauté internationale d’éliminer toute utilisation active de PCB à l’horizon 2028 fait figure de ligne rouge sanitaire et environnementale.
La méthodologie camerounaise : expertise locale et technologie éprouvée
Dans son intervention, le secrétaire général du MINEPDED, le professeur Paul Tchawa, a rappelé que « ce projet constitue la seconde étape d’une stratégie qui mise résolument sur l’expertise locale renforcée par des partenariats technologiques de haut niveau » (Douala, 24 juin 2025). Concrètement, les inventaires nationaux seront actualisés pour intégrer les dix-huit nouveaux produits chimiques récemment ajoutés aux annexes de la Convention de Stockholm. Des laboratoires universitaires, appuyés par des centres d’excellence nigérians et sud-africains, seront mobilisés pour caractériser les huiles contaminées, tandis que les entreprises énergétiques publiques et privées signeront des protocoles de prise en charge des équipements obsolètes. La dimension capacitaire n’est pas en reste : un programme de certification de techniciens locaux au traitement sécurisé des déchets PCB est déjà esquissé, confirmant la volonté de faire émerger un savoir-faire endogène.
Enjeux sanitaires et diplomatiques d’un calendrier ambitieux
La fenêtre temporelle est étroite : en trois ans, près de 800 tonnes d’équipements imprégnés devront être identifiées, sécurisées puis éliminées selon les normes de l’Organisation internationale de normalisation. Pour y parvenir, le Cameroun entend combiner l’exportation d’huiles fortement contaminées vers des installations spécialisées en Europe et la mise en place, à Douala même, d’une unité pilote de déchloration alcaline. L’enjeu sanitaire se double d’un enjeu de crédibilité diplomatique. En affichant un calendrier plus resserré que celui prescrit par la convention, Yaoundé espère se positionner comme interlocuteur incontournable lors des prochaines négociations climatiques régionales, tout en consolidant l’accès aux financements climatiques post-2026.
Vers une synergie sous-régionale gagnante
L’initiative de Douala s’inscrit dans le « Global Elimination Program for PCB » qui associe le Nigeria, Madagascar, l’Ouganda, le Gabon et l’Eswatini pour une phase pilote coordonnée. Ce maillage crée un écosystème d’échange de données et de bonnes pratiques où chaque État conserve la maîtrise de sa feuille de route tout en profitant d’économies d’échelle, notamment pour le transport transfrontalier sécurisé des déchets. La République du Congo, qui conduit un programme similaire sous l’égide du FEM, a d’ores et déjà proposé la tenue d’un séminaire conjoint sur la traçabilité numérique des stocks, illustrant la maturation d’une diplomatie environnementale constructive en Afrique centrale. À terme, cette synergie pourrait déboucher sur un mécanisme régional de mutualisation des infrastructures de traitement, confortant la position de la sous-région comme partenaire fiable de la communauté internationale dans la lutte contre les polluants organiques persistants.