Ce qu’il faut retenir
Face aux attentes générées par la Zone de libre-échange continentale africaine, la douane congolaise s’offre une cure de renforcement. Brazzaville abrite, du 29 septembre au 3 octobre, une formation avancée pilotée par l’Organisation mondiale des douanes et financée par l’Union européenne.
Objectif affiché: familiariser les agents congolais avec les règles d’origine, véritable passeport vers les préférences tarifaires promises par la Zlecaf, et transformer ces agents en relais techniques indispensables pour fluidifier la circulation des marchandises sur tout le continent.
Contexte du Programme UE-OMD
Lancée en 2020, l’initiative UE-OMD vise à accompagner les administrations douanières africaines dans l’application harmonisée des critères d’origine. À Brazzaville, un premier module avait déjà été organisé en décembre 2023; les retours positifs ont encouragé une session plus approfondie cette année.
Le choix du Congo-Brazzaville n’est pas anodin. Situé à la charnière CEMAC-CEEAC, le pays ambitionne de devenir un hub logistique sous-régional. « Pour y parvenir, la montée en gamme des ressources humaines est déterminante », résume un cadre de la Direction générale des douanes.
Objectifs stratégiques
Durant cinq jours, les participants planchent sur la classification tarifaire, les méthodes de cumul, les régimes spéciaux ou encore la certification numérique. L’objectif est d’aboutir à une interprétation homogène des règles d’origine afin de réduire les litiges aux frontières et d’accélérer le dédouanement.
Dans le même temps, les formateurs insistent sur la collecte de données, indispensable pour mesurer l’impact réel de la Zlecaf. Une base d’indicateurs communs permettra d’identifier les goulots d’étranglement, de calibrer les politiques publiques et de rassurer investisseurs et opérateurs.
Contenu de la formation
Les modules alternent exposés théoriques et études de cas portant sur le cacao ivoirien, le ciment nigérian ou le bois congolais transformé localement. Chaque étude illustre la manière de prouver l’origine, élément clé pour obtenir le certificat continental attendu par les entreprises.
Une session pratique introduit également le nouveau système automatisé de gestion des demandes de préférence. Grâce au numérique, l’exportateur pourra bientôt télécharger sa facture, joindre ses preuves et recevoir son attestation en quelques clics, limitant ainsi les déplacements et la paperasserie.
Le point éco
Selon la Commission économique pour l’Afrique, la Zlecaf pourrait augmenter de 7 % le revenu réel du continent d’ici 2035. Pour le Congo, dont 80 % des échanges restent extravertis, toute diversification passe par une administration douanière capable d’identifier rapidement les produits éligibles aux préférences.
Déjà, la zone économique spéciale de Maloukou attire des industriels camerounais et rwandais désireux de profiter d’une porte fluviale vers Kinshasa. Simplifier l’origine des marchandises pourrait réduire leurs coûts logistiques de 15 %, selon une estimation du Centre congolais du commerce extérieur.
Voix d’experts
Pour Jean-Richard Massamba, consultant auprès de la Banque africaine de développement, « les règles d’origine représentent l’épine dorsale de la Zlecaf; mal appliquées, elles peuvent devenir un labyrinthe. Former les douanes est donc un investissement public à fort rendement privé ».
Même son de cloche du côté des transitaires. Micheline Oko, dirigeante d’une PME logistique, souligne que les incertitudes actuelles sur l’origine conduisent certains importateurs à payer des droits inutiles. « Une clarification réduira nos frais et rendra le made in Congo plus compétitif », estime-t-elle.
Scénarios de mise en œuvre
À court terme, l’administration prévoit la création d’une cellule d’assistance dédiée aux règles d’origine, joignable en ligne et en poste frontière. À moyen terme, un manuel unique CEMAC devrait harmoniser les procédures, limitant le forum shopping entre pays voisins.
Le scénario long terme intègre l’interconnexion des systèmes informatiques nationaux via le cloud régional de la Zlecaf. Cette architecture rendrait possible l’audit a posteriori des certificats, étape cruciale pour éviter la fraude sans ralentir les flux légitimes.
Et après ?
À l’issue de la session, un examen validera les acquis. Les douaniers certifiés deviendront formateurs régionaux, créant un effet multiplicateur. Le Congo envisage déjà d’accueillir, en 2025, un centre de formation CEMAC financé par des partenariats public-privé.
Sur le terrain, le secteur privé reste vigilant. Plusieurs organisations patronales souhaitent être associées aux prochains ateliers pour s’assurer que les règles d’origine reflètent la réalité industrielle locale et non un modèle importé, jugé trop coûteux.
En coulisses, certains bailleurs étudient déjà la possibilité de coupler les certifications d’origine avec des crédits carbone, le Congo possédant une des plus vastes forêts d’Afrique centrale. De quoi relier, à terme, politiques commerciales et stratégies climatiques au bénéfice d’une croissance plus verte.
Coopération institutionnelle
Le ministère du Commerce, la Chambre de commerce et l’Agence de promotion des investissements participent aux travaux pour s’assurer que les ajustements réglementaires iront de pair avec les besoins des exportateurs. Cette approche interinstitutionnelle limite les doublons et sécurise l’environnement des affaires.
Perspective régionale
Au-delà des frontières nationales, les douanes congolaises collaborent déjà avec leurs homologues gabonaises et camerounaises via des couloirs verts. L’harmonisation des règles d’origine pourrait faire gagner deux jours sur le trajet Pointe-Noire-Douala, avantage décisif pour les denrées périssables.