L’agriculture congolaise à l’heure des réformes structurelles
Dans les cercles diplomatiques comme dans les couloirs des ministères sectoriels, la question agricole congolaise s’impose désormais comme l’une des déclinaisons prioritaires du développement économique. Le pays dispose de plus de dix millions d’hectares arables, d’une pluviométrie généreuse et d’un réseau hydrographique propice à l’irrigation. Pourtant, selon les données consolidées par la Banque mondiale, près de 70 % des denrées alimentaires consommées à Brazzaville et Pointe-Noire proviennent encore de l’importation. Ce paradoxe structurel, récurrent depuis les années 1980, est régulièrement souligné par le président Denis Sassou Nguesso qui rappelait récemment qu’« un peuple qui ne produit pas demeure dépendant ». La marge de progression est donc considérable et s’inscrit dans le sillage du Plan national de développement (PND 2022-2026) qui confère à la souveraineté alimentaire un statut de chantier stratégique.
UNICOOPAC, un syndicat nouvelle génération
C’est dans ce contexte que l’Union congolaise des coopératives, producteurs et artisans du Congo (UNICOOPAC) a été portée sur les fonts baptismaux en juin 2025. Pilotée par le dynamique Aser Sidney N’se Adzeney et placée sous le parrainage institutionnel de Mme Joël Longonda, l’organisation se définit comme un « pont » entre les exploitants, les artisans de la transformation et l’administration. À Talangaï, lors de sa première conférence de presse, son président a décliné une feuille de route qui conjugue plaidoyer, encadrement technique et intégration régionale. « Notre ambition est de hisser le Congo vers l’excellence agricole en faisant du syndicat un levier d’émergence », a-t-il expliqué, revendiquant un modèle hybride emprunté tant aux unions coopératives rwandaises qu’aux fédérations paysannes brésiliennes.
ZLECAF : horizon d’un marché continental
La prochaine entrée en vigueur opérationnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine constitue un catalyseur supplémentaire. Avec plus d’un milliard de consommateurs potentiels et un PIB agrégé dépassant 3 000 milliards de dollars, la ZLECAF promet de reconfigurer les chaînes de valeur régionales. Pour l’UNICOOPAC, il s’agit moins de célébrer l’accès au marché que de se préparer à l’honorer. « Aucun tarif préférentiel ne compensera un déficit de productivité », prévient un économiste de la Commission de l’Union africaine, rappelant que la compétitivité commence dans le champ, se poursuit dans la logistique et se conclut à la frontière. D’où l’urgence, pour le Congo, d’accroître l’offre exportable en manioc transformé, fruits tropicaux et tubercules, autant de créneaux identifiés par l’Agence congolaise de promotion des investissements.
Cap sur la formation et la mécanisation
Consciente que le capital humain demeure le premier intrant, l’UNICOOPAC veut déployer des sessions de formation itinérantes dans les douze départements. Les modules couvriront la gestion des sols, l’agro-écologie raisonnée, la contractualisation et le marketing digital. « Sans connaissances, le tracteur reste un décor », insiste Sidney Adzeney, plaidant pour des partenariats avec l’Université Marien-Ngouabi et le Centre régional Songhaï. En parallèle, le syndicat compte négocier avec l’État l’implantation de centres de mécanisation accessibles en crédit-bail. L’option se veut pragmatique : mutualiser les coûts d’entretien, garantir la disponibilité de pièces détachées et souscrire des assurances indexées aux aléas climatiques.
Défis logistiques et financements innovants
L’autre nœud gordien tient au transport. Les pistes rurales demeurent saisonnièrement impraticables, grevant la compétitivité des filières vivrières. À cet égard, la réhabilitation du corridor routier Brazzaville-Ouesso et la finalisation annoncée du port sec d’Oyo constituent des signaux encourageants. Mais le béton n’est pas la seule réponse ; la finance l’est tout autant. L’UNICOOPAC explore la mise en place d’un fonds de garantie mixte, adossé à la Caisse congolaise d’amortissement, pour faciliter l’accès des coopératives aux lignes de crédit vertes proposées par la Banque africaine de développement. Un premier projet-pilote, estimé à 8 millions de dollars, vise l’installation de mini-usines de transformation de manioc à Loudima et Mossendjo, réduisant ainsi les pertes post-récolte de près de 30 % selon les projections internes.
Vers une souveraineté alimentaire inclusive
Au-delà des chiffres, le discours de l’UNICOOPAC recèle une dimension sociétale. L’organisation entend promouvoir une gouvernance inclusive, intégrant femmes et jeunes à hauteur d’au moins 40 % des postes décisionnels dans les coopératives affiliées. Cette orientation épouse les priorités du gouvernement, réitérées lors du dernier Conseil des ministres dédié au suivi du PND. Pour les chancelleries partenaires, le signal est positif : l’agriculture congolaise n’est plus circonscrite à un débat technique, elle devient vecteur de stabilité sociale et argument diplomatique. À l’horizon 2030, si la trajectoire escomptée se confirme, le Congo pourrait non seulement réduire de moitié sa facture alimentaire mais également repositionner sa diplomatie économique sur la sécurité alimentaire régionale, renforçant ainsi l’aura du pays dans la sous-région CEEAC.