Un décret de référence pour institutionnaliser la participation
Adopté le 30 décembre 2024, le décret n° 2024-2947 fonde juridiquement les Comités de gestion (Coges) dans les établissements scolaires publics congolais. Au-delà d’un simple acte réglementaire, le texte ouvre un espace de dialogue permanent entre chefs d’établissement, enseignants, parents d’élèves, autorités locales et représentants de la société civile. Dans les faits, il consacre l’idée selon laquelle la communauté éducative, prise au sens large, partage la responsabilité de la performance de l’école. En s’appuyant sur l’expérience déjà acquise dans le secteur de la santé, le législateur institue un mécanisme visant à rapprocher la prise de décision des usagers des services publics, tout en garantissant la cohérence avec les priorités nationales.
Une dynamique soutenue par le Programme accélérer la gouvernance institutionnelle
Le lancement opérationnel des Coges a bénéficié d’un appui technique et financier du Pagir, dispositif financé par la Banque mondiale et spécialement conçu pour accompagner les réformes structurelles. Durant l’atelier tenu à Kintélé du 12 au 14 juin 2025, une centaine de cadres issus des ministères sectoriels, des préfectures et des collectivités locales ont pu confronter leurs pratiques et harmoniser leurs attentes. Le ministre Jean-Luc Mouthou, entouré du préfet inspecteur général Jacques Ississongo et du secrétaire permanent aux réformes publiques Nicolas Okanzi, a rappelé que la gouvernance éducative est l’un des piliers du Plan national de développement 2022-2026. En déclarant que « le chemin vers une gouvernance éducative participative, responsable et performante exige des efforts continus » (Mouthou, 14 juin 2025), il a fixé un cap clair : rendre l’école redevable devant les citoyens tout en préservant l’autorité pédagogique de l’État.
Le rôle pivot des collectivités territoriales dans la chaîne décisionnelle
Dans un pays engagé dans la décentralisation depuis la loi de 2003, l’émergence des Coges offre une opportunité supplémentaire de renforcer la subsidiarité. Comme l’a souligné Jacques Ississongo, « les nouvelles dispositions promeuvent la démocratie participative, en donnant la possibilité aux populations de suivre la gestion des affaires scolaires ». Concrètement, les conseils départementaux et municipaux disposeront d’un siège au sein de chaque Comité, garantissant la circulation de l’information entre niveau local et niveau central. Cette architecture devrait, à terme, réduire les délais de réponse aux besoins infra-structurels ou logistiques des écoles, tout en permettant un suivi plus fin des indicateurs de performance scolaire.
Financement, redevabilité et indicateurs de performance
La question des ressources constitue le nerf de la réforme. Si le budget de l’État demeure la principale source de financement, la présence de partenaires techniques et financiers, tels que la Banque mondiale, ouvre la voie à des mécanismes d’appui budgétaire conditionné aux résultats. Les Coges auront notamment pour mission de publier, à échéances régulières, des rapports d’exécution financière et pédagogique. En retour, les inspections académiques pourront réorienter l’allocation budgétaire vers les établissements affichant le plus fort impact. De l’avis de plusieurs experts réunis à Kintélé, cette logique de performance mesurable pourrait accélérer la réduction des disparités entre zones urbaines et rurales, à condition que les indicateurs soient établis dans la transparence.
Perspectives et défis d’une gouvernance éducative partagée
L’entrée en vigueur des Coges marque un moment charnière pour le système éducatif congolais. Les expériences internationales montrent qu’une gouvernance partagée améliore la qualité de l’enseignement lorsqu’elle repose sur une culture de collaboration et un cadre réglementaire stable. Dans le contexte national, trois défis majeurs se dessinent. D’abord, la formation des membres des Comités, indispensable pour assurer la maîtrise des outils de planification et de suivi-évaluation. Ensuite, la mise en place d’outils numériques facilitant la traçabilité des décisions et la remontée des données. Enfin, la consolidation d’un climat de confiance entre acteurs, condition sine qua non de la pérennité du dispositif. Pour l’heure, l’engagement affiché des autorités, couplé à l’expertise du Pagir et au soutien des collectivités, conforte l’hypothèse d’une transition réussie vers un modèle où la salle de classe devient, symboliquement, l’affaire de la Cité.