Une initiative qui prend de la hauteur
Au cœur d’une Afrique australe où la connectivité aérienne demeure le baromètre d’une intégration économique encore inachevée, l’Angola vient de faire sa mue la plus symbolique. En annonçant la création d’une Académie d’aéronautique à Luanda, le Secrétaire d’État Rui Carreira a engagé son pays sur une trajectoire ascendante qui vise autant la souveraineté technologique que la projection d’influence. L’initiative, saluée par le président d’ACI Africa Manuel Chaves, épouse une conviction désormais partagée sur le continent : sans une main-d’œuvre domestique hautement qualifiée, l’ambition de capter les dividendes du ciel restera lettre morte.
Un secteur au croisement des réformes
Le projet d’académie ne surgit pas ex nihilo. Depuis 2021, Luanda orchestre une série de réformes qui vont de la mise sur pied de l’Autorité nationale de l’aviation civile à la libéralisation partielle des services au sol. La table ronde du 21 juillet 2025, consacrée à la rentabilité des aéroports, a offert la tribune idéale pour officialiser ce nouveau jalon. Car si le nouvel aéroport Dr. António Agostinho Neto a déjà modifié la cartographie logistique régionale, la fréquentation commerciale demeure timide, révélant une équation économique encore fragile.
Former pour retenir les compétences
Avec son académie, l’Angola entend rompre le cycle coûteux des bourses à l’étranger. Pilotes, contrôleurs aériens, mécatroniciens et gestionnaires seront formés in situ, sous une gouvernance académique sélectionnée par appel d’offres. Rui Carreira insiste sur la dimension inclusive du projet : « Nous voulons que le quartier de Viana devienne un véritable campus de référence pour la jeunesse africaine », a-t-il déclaré (Agence Angop). Au-delà du transfert de compétences, l’État voit dans ce centre la possibilité de retenir une diaspora technique souvent courtisée par l’Europe et le Golfe.
Le nouveau hub Dr. António Agostinho Neto
Le dispositif s’appuie sur l’effet d’entraînement du nouvel aéroport international, auquel TAAG compte adosser son futur hub. L’entreprise publique, malgré une flotte vieillissante, négocie avec Boeing un plan de modernisation assorti d’une digitalisation du réseau de maintenance. Les simulations montrent qu’une augmentation de 5 % du trafic passagers, couplée à la réduction des coûts de formation, pourrait ramener la compagnie à l’équilibre opérationnel dès 2028, soit deux exercices plus tôt que prévu par le ministère des Transports.
Partenariats internationaux à la manœuvre
La réussite du programme s’arrime également à des partenariats tactiques. Une équipe d’ingénieurs sud-africains du centre de formation de Johannesburg doit encadrer le premier cursus, tandis que l’Agence française de développement étudie une ligne de crédit dédiée à l’acquisition de simulateurs. Pour sa part, l’Organisation de l’aviation civile internationale, dont Luanda briguera le conseil en 2026, a proposé un accompagnement normatif afin de garantir la certification européenne EASA pour les diplômés.
Effets d’entraînement sur la sous-région
L’académie angolaise pourrait, à terme, irriguer toute la sous-région. Brazzaville, dont l’École supérieure des métiers de l’aérien arrive à saturation, a déjà fait savoir qu’elle accueillerait favorablement des places réservées à ses cadets. Une coopération Sud-Sud qui, loin de constituer une concurrence, renforce la cohérence de la Zone de libre-échange continentale en matière de services aériens, sans susciter la moindre crispation politique.
Défis financiers et assurance qualité
Les défis ne manquent pas : la soutenabilité financière d’un curriculum de 18 mois, le maintien d’une faculté de haut niveau et la volatilité du kérosène risquent de peser sur les comptes publics. Toutefois, le ministre angolais des Finances rappelle que moins de 0,4 % du budget sera mobilisé la première année, un niveau jugé « parfaitement digeste » par Fitch Solutions. S’y ajoute la garantie que les frais de scolarité resteront indexés au revenu moyen national, un signal fort pour l’équité sociale.
Cap sur une diversification inclusive
En misant sur la formation, Luanda ambitionne de transformer un passif historique – l’absence de compétences disponibles – en actif stratégique. Si le pari est tenu, l’académie pourrait devenir une brique fondatrice d’une économie moins dépendante du pétrole, valorisant un capital humain jusqu’ici sous-exploité. L’heure est à l’optimisme mesuré, comme le résume un diplomate européen : « Le ciel n’est pas la limite, il devient l’atelier de l’avenir angolais. »
