Washington, théâtre d’une conciliation pilotée
À la faveur d’une médiation soutenue par les États-Unis, les ministres des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo et du Rwanda sont attendus à Washington pour parapher un texte présenté comme « intégral » : cessez-le-feu en Ituri et au Nord-Kivu, garanties de circulation pour les biens et les personnes, et, surtout, cadre d’investissement conjoint dans la filière des métaux de transition. L’administration américaine, soucieuse de diversifier ses chaînes d’approvisionnement en cobalt et en coltan, s’est employée à réunir les deux capitales autour d’un même narratif sécuritaire et économique. Un négociateur congolais glisse, mi-serein, mi-prudent : « Nos partenaires veulent des assurances de stabilité ; nous voulons des retombées tangibles pour les communautés riveraines ».
Les sous-sols congolais, clef de voûte d’une paix rentable
Les projections de la Banque africaine de développement évaluent à près de 8 % la part du cobalt congolais dans la fabrication mondiale de batteries d’ici à 2030. Dans ce contexte, l’accord prévoit la création d’un fonds d’infrastructure de 1,2 milliard de dollars alimenté pour moitié par des partenaires privés nord-américains, le solde devant provenir d’obligations souveraines rwandaises et congolaises. Selon un économiste de la SADC, « le pari consiste à transformer la dépendance aux minerais en moteur de co-développement plutôt qu’en prétexte à la prédation ». La clause dite de « transformation locale » oblige en effet les investisseurs à monter sur place des unités de raffinage, promesse de valeur ajoutée et d’emplois qualifiés pour la jeunesse congolaise.
Kigali, de la ligne de front à la joint-venture
Sous la pression de Washington et de l’Union européenne, Kigali accepte de réduire sa présence militaire présumée dans l’Est congolais en échange d’un accès formalisé aux gisements situés le long de la frontière. Un conseiller rwandais résume la position de son gouvernement : « Nous sécurisons la logistique, nous participons au raffinage, et les recettes fiscales profitent aux deux Trésors publics ». Cette approche pragmatique suscite toutefois de vives réserves au sein de la société civile congolaise, encore meurtrie par les violences des groupes armés. Kinshasa, pour rassurer, insiste sur la mise en place d’un mécanisme conjoint de vérification et sur le recours aux standards de traçabilité fixés par l’OCDE.
Brazzaville et l’équation sous-régionale
Observateur attentif, le Congo-Brazzaville voit dans ce rapprochement une opportunité de consolider la paix sur la rive droite du fleuve. Le président Denis Sassou Nguesso, doyen des chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique centrale, s’est félicité d’« une étape susceptible d’apaiser durablement les frontières communes et de stimuler les corridors fluviaux ». Brazzaville mise sur la stabilité de son grand voisin pour accélérer la mise en concession du port en eaux profondes de Pointe-Noire, appelé à devenir la porte d’exportation naturelle des minerais transformés à l’intérieur des terres. L’Union africaine, de son côté, envisage déjà d’étendre le mandat de la Force régionale d’Afrique centrale afin d’y inclure des missions de sécurisation des axes logistiques.
Vers une diplomatie économique de nouvelle génération
Au-delà de son volet sécuritaire, l’accord RDC-Rwanda marque peut-être l’avènement d’une diplomatie économique dont la priorité assumée est la création de chaînes de valeur africaines. Le texte innove en subordonnant l’octroi de concessions minières à des objectifs de développement humain mesurables : taux de scolarisation, accès à l’eau, inclusion numérique. Un diplomate américain confie : « Nous voulons un accord gagnant-gagnant qui stabilise l’Est tout en sécurisant la chaîne d’approvisionnement des technologies vertes ». Reste l’épreuve du terrain, où la méfiance accumulée ne s’efface pas d’une signature. Kinshasa et Kigali ont promis un calendrier de désengagement militaire et d’ouverture des routes commerciales dans les quatre-vingt-dix jours. Si les engagements sont tenus, l’Afrique centrale pourrait s’offrir l’illustration inédite d’une paix bâtie sur l’industrialisation partagée, plutôt que sur la seule alternance de rapports de force.