Un drame centrafricain qui résonne au-delà du fleuve
Le 25 juin dernier, l’explosion d’un transformateur au lycée Barthélemy Boganda, en pleine session d’examens, a bouleversé l’opinion publique d’Afrique centrale. Alors que Bangui décrétait un deuil de trois jours, les chancelleries voisines, au premier rang desquelles celle de la République du Congo, ont immédiatement dépêché des messages de condoléances et d’appui logistique. « Nous ne pouvons rester indifférents lorsque la jeunesse de la sous-région est frappée », a souligné un communiqué du ministère congolais des Affaires étrangères, rappelant l’attachement de Brazzaville à une “paix sociale dont l’école constitue la clef de voûte”.
Brazzaville, chef d’orchestre discret d’une réponse coordonnée
Dans les heures qui ont suivi le drame, le président Denis Sassou Nguesso a pris l’initiative de consulter ses homologues de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. D’après une source diplomatique proche du dossier, il s’est agi de “fixer un cadre opérationnel minimal pour l’acheminement des équipes médicales” et pour “favoriser une lecture commune des circonstances techniques ayant mené à la catastrophe”. Le choix de la discrétion n’amoindrit pas la portée de ce leadership : c’est depuis la capitale congolaise que les premières recommandations de sécurité électrique en milieu scolaire ont été transmises aux ministères concernés de la région.
Prévention des risques scolaires : l’expertise congolaise mise en partage
Depuis 2018, le Congo-Brazzaville pilote, avec l’appui de l’UNESCO, un programme d’audit des installations électriques dans les établissements secondaires. Cette expérience, saluée par la Banque africaine de développement, fournit aujourd’hui un canevas précieux. Une équipe mixte d’ingénieurs congolais et centrafricains inspecte déjà les infrastructures de Bangui, tandis que des modules de formation à distance sont proposés aux proviseurs de la sous-région. Interrogé sur l’origine de cette mobilisation, un conseiller technique du ministère congolais de l’Enseignement général affirme que “la meilleure solidarité passe par le transfert de compétences, au-delà des secours d’urgence”.
Entre obligation de protection et diplomatie de proximité
Si la société civile centrafricaine réclame des éclaircissements sur le bilan exact de l’explosion, Brazzaville adopte une posture d’équilibre, rappelant « la souveraineté pleine et entière de Bangui » tout en insistant sur l’impératif d’une enquête « transparente et crédible ». Aux yeux des observateurs, cette position renvoie à la doctrine congolaise de non-ingérence coopérative : soutenir sans contraindre, encadrer sans s’ingérer. Le politologue camerounais Ekoko Ngono y voit « la marque d’un pays qui a tiré les leçons de ses propres transitions sécuritaires et privilégie désormais la stabilité par la concertation ».
Le rôle catalyseur des partenaires internationaux
La représentation de l’Union européenne à Brazzaville a confirmé la mise à disposition d’un fonds d’urgence pour l’achat de matériel de diagnostic électrique, décision actée après un échange téléphonique entre le chef de la diplomatie congolaise et le commissaire européen chargé du Partenariat international. De leur côté, la Banque mondiale et la BAD étudient un guichet spécifique dédié à la résilience scolaire, saluant la capacité du Congo à “fédérer rapidement les acteurs”, selon un mémo interne consulté par nos soins. Ces annonces illustrent la confiance dont bénéficie Brazzaville dans la gestion expéditive des crises régionales.
Réaffirmer la centralité de la jeunesse dans l’agenda sous-régional
Lors du Conseil des ministres du 2 juillet, le gouvernement congolais a validé l’envoi d’un lot additionnel de consommables médicaux à Bangui et a mandaté son ambassade pour participer au comité ad hoc d’investigation. Cette décision, présentée comme “un devoir envers la jeunesse africaine”, s’inscrit dans la continuité des initiatives du président Sassou Nguesso pour la création d’un espace éducatif commun en Afrique centrale. Déjà, des étudiants congolais en médecine se portent volontaires pour des stages d’appui aux hôpitaux de la capitale centrafricaine, preuve que la coopération n’est pas qu’institutionnelle mais résolument sociétale.
Vers un protocole régional de sécurité des établissements
À la faveur de cette tragédie, l’idée d’un protocole régional de sécurité scolaire, défendue depuis plusieurs mois par Brazzaville, gagne en pertinence. Un avant-projet, obtenu par nos services, prévoit la certification périodique des réseaux électriques, la sensibilisation des élèves aux premiers secours et la constitution de brigades de réponse rapide. « La sécurisation des parcours éducatifs est notre meilleure arme contre la radicalisation et l’exode des talents », affirme un haut fonctionnaire congolais impliqué dans la rédaction du texte. Les discussions, qui pourraient aboutir avant la fin de l’année, témoignent de la volonté partagée de transformer l’émotion collective en réforme structurelle.