Scrutin sous haute tension
La Fédération congolaise de handball, institution centrale d’un sport apprécié dans les capitales régionales, connaît un tournant crucial après l’élection, le 16 août 2025, de Linda Ambroisine Noumazalayi Ebendzé à la présidence. Cette victoire, obtenue par treize voix sur dix-huit, reste discutée.
Le scrutin, organisé par visioconférence sous l’égide de la Commission électorale indépendante dirigée depuis Tunis par maître Mouadh Ben Zaied, s’est déroulé à huis clos dans la salle V.I.P du Stade Alphonse-Massamba-Débat, loin des caméras, à la surprise de nombreux observateurs sportifs et juristes.
Enjeux juridiques et institutionnels
Selon plusieurs délégués présents, le changement de lieu, décidé au dernier moment, visait à garantir la sérénité des débats après des semaines de requêtes contradictoires déposées devant la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport, structure consultative du Comité national olympique et sportif congolais.
La liste concurrente menée par Avicenne Cléoface Nzikou Bigoundou avait été invalidée pour dossier incomplet, décision contestée devant le Tribunal arbitral institué par la fédération. L’organe juridictionnel avait ordonné la suspension temporaire du vote, mais l’huissier porteur de l’ordonnance n’a pu infléchir le calendrier électoral.
Implication étatique et diplomatie sportive
Présent symboliquement, le directeur général des sports, Jean-Robert Bindélé, a rappelé que le gouvernement souhaite « une gouvernance apaisée pouvant protéger les athlètes et préparer les échéances continentales ». Cette déclaration souligne l’importance accordée par l’État à la mise sous tutelle harmonieuse des instances sportives nationales.
Pour nombre d’experts de la Zone IV de la Confédération africaine de handball, le scrutin intervient à un moment charnière, la sélection féminine congolaise ayant récemment brillé à Yaoundé. La fédération doit capitaliser sur cet élan afin d’attirer des partenaires privés et renforcer la diplomatie sportive du pays.
Les juristes interrogés estiment toutefois que la pérennité des décisions prises samedi dépendra de la suite du contentieux annoncé pour le 18 août. Un arrêt confirmant la validité de l’assemblée générale renforcerait l’exécutif, tandis qu’un renvoi créerait un vide institutionnel délicat à combler avant la prochaine saison.
Priorités du nouvel exécutif
Linda Noumazalayi, ancienne pivot internationale devenue dirigeante, assure dans un entretien téléphonique vouloir installer « une culture de la conformité et de la performance ». Ses priorités incluent la mise à jour des statuts, la formation des entraîneurs régionaux et la relance du championnat junior suspendu durant la pandémie.
Du côté des clubs, plusieurs présidents, notamment à Pointe-Noire, redoutent la réduction éventuelle des subventions publiques si la crise s’éternise. La fédération dépend encore à 65 % des dotations de l’État, un ratio considéré comme trop élevé par les économistes du sport qui recommandent une diversification immédiate.
Dans ce contexte, la diplomatie sportive congolaise mise sur l’organisation, en 2026, d’un tournoi zonal à Brazzaville pour afficher sa stabilité. Le ministère des Sports mène déjà des discussions avec la Confédération africaine afin d’obtenir l’aval final qui garantirait un flux touristique bienvenu pour l’économie locale.
Sur le plan technique, l’une des attentes majeures concerne la professionnalisation de l’arbitrage. Les erreurs répétées lors des play-offs 2024 avaient alimenté une grogne populaire. La nouvelle équipe annonce la création d’un centre d’excellence pour officiels, soutenu par la Fédération internationale, afin d’unifier les critères d’évaluation.
Partenariats et développement régional
Le soutien des partenaires extérieurs reste crucial. Selon une source diplomatique française, l’Agence française de développement pourrait reconduire son programme d’équipement des gymnases scolaires si la fédération adopte une gouvernance transparente. Une telle démarche renforcerait la formation des jeunes et la pratique féminine, deux axes prioritaires du gouvernement.
En interne, l’équilibre régional constitue également un enjeu. Les ligues de la Cuvette et du Niari souhaitent davantage de stages décentralisés pour réduire le sentiment de marginalisation. À ce propos, Mme Noumazalayi promet un calendrier rotatif des compétitions, soulignant que « chaque département doit se sentir copropriétaire du projet national ».
Réforme globale en toile de fond
Dans les coulisses, certains analystes notent que l’élection s’inscrit dans la dynamique de réforme globale des fédérations congolaises, engagée depuis 2022. Celle-ci vise à arrimer le mouvement sportif aux standards internationaux et à asseoir une image de fiabilité indispensable aux candidatures pour les Jeux africains.
La prochaine fenêtre internationale, en novembre, offrira un premier test à la nouvelle présidente. Les Diables rouges masculins doivent affronter la RD Congo lors des éliminatoires de la CAN 2026. Un résultat positif apaiserait les sceptiques et démontrerait la capacité de la fédération à fonctionner malgré les recours.
Projections financières et gouvernance durable
Au-delà du résultat judiciaire attendu, la reconquête de la confiance collective apparaît comme le véritable chantier. Si la concertation promise s’installe, le handball congolais pourrait transformer une controverse passagère en levier de modernisation, offrant au pays un instrument supplémentaire de rayonnement dans la sphère sportive africaine.
Le cabinet d’audit Kila Consulting, mandaté avant le scrutin, remettra en octobre un rapport sur les flux financiers de la saison passée. Ses recommandations, axées sur la traçabilité numérique des recettes billetterie, devraient constituer le premier test concret de la nouvelle gouvernance.
