De Kinshasa à Brazzaville, une dynamique transfrontalière
Sur la rive droite du fleuve Congo, Brazzaville a accueilli fin août une délégation du Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique, conduite par son président Jonathan Lumbeya Masuta, venue présenter les conclusions de la table-ronde organisée le 12 août à Kinshasa.
Face à un auditoire composé de responsables associatifs, de partenaires onusiens et de cadres du Conseil consultatif de la jeunesse, le dirigeant congolais-rdc a délivré un message centré sur la circulation des idées, plus que sur la circulation des personnes, entre les deux capitales les plus proches du monde.
Cette tournée de vulgarisation, premier déplacement officiel du Fijada au Congo-Brazzaville depuis sa création en 2022, s’inscrit dans un calendrier diplomatique ambitieux visant à installer des représentations nationales et à fédérer l’expertise de la jeunesse autour des objectifs africains de croissance inclusive.
Le rôle stratégique des jeunes leaders africains
Jonathan Masuta rappelle souvent que « la démographie est une chance si elle est orientée ». À Brazzaville, il a repris cette formule pour souligner que plus de 60 % des citoyens africains ont moins de 25 ans et qu’ils doivent devenir des coproducteurs de politiques, non de simples bénéficiaires.
Dans cette optique, le Fijada a installé Daniel Biangoud au poste de représentant national, lui confiant la mission de cartographier les initiatives locales et de bâtir des passerelles avec les ministères sectoriels, en cohérence avec la stratégie gouvernementale de valorisation des compétences jeunes.
L’ancien député José Cyr Ebina, qui a supervisé la rencontre, salue « un processus participatif répondant aux orientations du président Denis Sassou Nguesso sur la promotion de la jeunesse ». Pour ce vétéran de la sphère publique, l’enjeu est de faire converger ambitions privées et programmes nationaux.
Un agenda vert en phase avec les priorités nationales
Les conclusions présentées par l’ambassadrice Deborah Bowa Baïke placent l’environnement au cœur de l’agenda. Le document recommande un enseignement axé sur l’économie circulaire, des incitations fiscales pour l’entrepreneuriat vert et une meilleure interopérabilité des bases de données climatiques entre États.
Ces pistes résonnent avec la Feuille de route nationale pour le climat adoptée à Brazzaville en 2023, qui prévoit la création d’emplois verts et l’augmentation de la couverture forestière. Les interlocuteurs soulignent ainsi la complémentarité entre mouvements citoyens et politiques publiques.
Pour matérialiser ces engagements, le Fijada envisage un fonds de micro-subventions destiné aux start-up dirigées par des femmes et des jeunes. L’idée est de faciliter l’accès au capital patient, sans contredire l’écosystème bancaire local mais en l’orientant vers des solutions bas-carbone.
« Le développement durable n’est pas une mode, c’est une nécessité économique », assure Mme Bowa Baïke, citant les projections de la Banque africaine de développement sur la croissance verte. Son intervention a suscité un vif intérêt parmi les entrepreneurs sociaux présents.
Les autorités congolaises étudient l’intégration de ces propositions dans la plateforme de données environnementales, fruit d’un partenariat avec la Banque mondiale. Un tel arrimage institutionnel pourrait donner aux start-up locales un accès direct aux informations satellitaires indispensables à la gestion des risques.
Visas, diplomatie et coopération : questions clés
Un segment nourri du débat a porté sur la question des visas intra-africains, perçue comme un frein à la mobilité du savoir. Plusieurs jeunes ont rappelé que seulement sept pays du continent offrent une politique d’entrée totalement libre aux ressortissants africains, d’où l’urgence d’un passeport unique.
Sur la différence entre diplomatie et coopération, Jonathan Masuta a expliqué que la première relève de la souveraineté tandis que la seconde repose sur des projets concrets, souvent multisectoriels. Cette clarification a permis de replacer l’Agenda 2063 dans une perspective pragmatique, orientée résultats.
Les participants ont aussi évoqué le rôle clé des diasporas, puissantes plateformes de plaidoyer pour l’intégration régionale. Selon le statisticien Éric Massamba, intervenant virtuellement depuis Paris, les transferts de compétences dépassent désormais les seuls transferts financiers et commencent à influer sur la conception des politiques migratoires.
Interrogé sur les solutions, le représentant du ministère des Affaires étrangères a évoqué le chantier du laissez-passer biométrique de la Communauté des États de l’Afrique centrale, en phase pilote. Selon lui, ce document simplifiera les formalités sans compromettre les impératifs de sécurité.
Perspectives d’une prochaine table-ronde à Brazzaville
Avant de clore, la délégation a remis à M. Ebina un trophée symbolisant l’engagement partagé. Le geste, hautement protocolaire, ancre le partenariat dans la durée et ouvre la voie à une prochaine table-ronde, que le Fijada souhaite organiser à Brazzaville courant 2026.
Côté congolais, plusieurs hauts fonctionnaires voient dans cette perspective une plateforme d’échanges complémentaires aux forums déjà impulsés par le gouvernement autour du Plan national de développement 2022-2026. Pour eux, la présence du Fijada confirme l’attractivité régionale de Brazzaville en matière de diplomatie jeunesse.
En quittant Brazzaville, Jonathan Masuta a déclaré vouloir « transformer chaque recommandation en jalon mesurable ». Ses mots résument l’esprit de la tournée : un plaidoyer pragmatique qui s’inscrit dans la vision continentaliste de l’Agenda 2063 et renforce les passerelles entre société civile et autorités nationales.
