Coup d’œil sur un ouvrage pionnier
Paru chez Acoria en 2017, « Fantastique football congolais, rétrospective 1919-2000 » étire sur 235 pages illustrées une fresque sportive que peu d’ouvrages avaient abordée avec autant d’ambition. Son auteur, le regretté journaliste Fulbert Kimina-Makumbu, y livre quarante ans d’archives personnelles mises en récit.
L’édition est préfacée par Sylvain Ntari-Bemba, autre figure de la presse sportive nationale. Il annonce d’emblée une plongée entre heures fastes et traversées du désert, rappelant que le cuir rond congolais a connu des sommets continentaux tout comme des périodes d’oubli.
Le livre vise un lectorat large : amoureux du sport, chercheurs, dirigeants de clubs et même décideurs publics désireux de comprendre comment un loisir colonial est devenu un marqueur culturel et, parfois, diplomatique pour le Congo-Brazzaville.
Une structure en deux actes : genèse et évolution
La première partie sonde la naissance du jeu à Brazzaville et Pointe-Noire, alors façonnées par les comptoirs commerciaux. Kimina-Makumbu décrit les premiers ballons cousus main, l’influence des missionnaires, puis l’émergence des tournois inter-quartiers où le mimétisme remplaçait l’entraîneur officiel.
La seconde partie suit l’expansion jusqu’à l’an 2000 : professionnalisation timide, formation d’un public fervent, création de la Fédération et, surtout, la victoire des Diables Rouges à Yaoundé en 1972, moment que le préfacier qualifie de « coup de tonnerre glorieux ».
L’auteur restitue ces étapes dans une chronologie serrée, soutenue par coupures de presse, statistiques et photos d’époque. L’ensemble offre un outil de mémoire collective autant qu’un tableau de bord pour les stratèges actuels du sport congolais.
Les plumes de la mémoire sportive
Fulbert Kimina-Makumbu, alias « Pilote », avait débuté au service des sports de La Semaine Africaine en 1959, avant d’y rester plus de quatre décennies. Décoré en 2000 par le Comité national olympique, il fut sacré « journaliste sportif congolais du siècle ».
Son style, sobre et précis, tranche avec la grandiloquence parfois associée au commentaire sportif. Ntari-Bemba estime dans la préface que cette retenue constitue « un travail de journaliste absolument exemplaire », rappelant que la passion n’exclut pas l’exactitude.
Le livre s’inscrit ainsi dans une tradition d’écriture sportive d’utilité publique : documenter, transmettre, inspirer. En filigrane, il rappelle qu’une nation se reconnaît aussi dans le récit de ses exploits ludiques.
Des héros et des mécènes sur la pelouse
Kimina-Makumbu convoque une galerie de personnages hauts en couleur, des mécènes tels Aimé Brun, artisan des premiers systèmes tactiques proches du 4-2-4, aux artistes du ballon comme Mambéké-Boucher, surnommé « roi de la plaine », ou Boniface Massengo, le « Professeur ».
Ces portraits donnent chair à la statistique et soulignent la fertilité d’une école congolaise longtemps admirée en Afrique centrale. Le livre rappelle également les apports des clubs historiques, à commencer par le CARA, champion d’Afrique en 1974, fierté encore vivace dans les travées de Massamba-Débat.
L’auteur ne passe pas sous silence les périodes de doute, marquées par des crises administratives ou un financement fragile. Mais il montre comment le tissu associatif, la ferveur populaire et la diplomatie sportive ont permis des rebonds réguliers.
À travers ces récits, se dessine un écosystème où l’État, les entreprises et les collectivités locales jouent un rôle complémentaire, illustrant la capacité du pays à faire converger intérêt général et passion populaire.
Une leçon pour les générations futures
« Le passé est l’avenir rendu au présent », écrit la quatrième de couverture. L’ouvrage résonne justement comme un manuel stratégique pour les nouvelles académies, les investisseurs et les autorités qui placent le sport au cœur du développement social.
En reconstituant la trajectoire du football congolais, Kimina-Makumbu invite à capitaliser sur les réussites, à éviter les errements et à bâtir des structures résilientes. Le message reste d’actualité, alors que le pays s’emploie à professionnaliser ses championnats et à moderniser ses infrastructures.
Relire cette rétrospective, c’est enfin offrir un hommage mérité à un homme dont l’encre a immortalisé les gestes de ses compatriotes. À l’heure où la mémoire numérique s’emballe, ce livre papier rappelle qu’archiver, c’est déjà construire l’avenir.