Ce qu’il faut retenir
À Brazzaville, la 22ᵉ session du Comité conjoint de mise en œuvre de l’APV-FLEGT a dressé le bilan à mi-parcours et fixé le cap 2024-2028. Première priorité : délivrer des certificats de légalité avant la fin de l’année. Deuxième enjeu : adapter le système informatique de traçabilité aux exigences européennes.
Les parties ont convenu qu’à partir de 2026, une session annuelle unique suffira, signe d’une confiance croissante. Dans un contexte de crise climatique, la ministre Rosalie Matondo et l’ambassadrice Anne Marchal affirment la détermination partagée de faire du secteur forestier un pilier de diversification économique, tout en répondant au nouveau règlement UE sur la déforestation.
Convergence Congo-UE sur la légalité du bois
Depuis 2010, Brazzaville et Bruxelles coopèrent pour tarir le commerce de bois illégal. Douze ans après l’entrée en vigueur de l’APV, le partenariat passe un test stratégique : le règlement européen EUDR, effectif en décembre, exigera une preuve de conformité pour tout produit dérivé du bois entrant sur le marché communautaire.
Le Congo, fort de 22 millions d’hectares de forêts denses, voit dans cette évolution une opportunité plutôt qu’une contrainte. « Nous voulons que chaque grume exportée raconte une histoire de durabilité », résume un cadre de la direction générale de l’économie forestière.
Un APV-FLEGT en quête de maturité
Le plan d’action 2024-2028, examiné séance tenante, fixe trois jalons : finaliser les derniers décrets d’application de la loi 33-2020, achever l’audit indépendant du système de vérification et tester, en conditions réelles, la chaîne de traçabilité jusqu’au port de Pointe-Noire.
Selon le rapport de la task-force conjointe, 68 % des mesures initiales sont accomplies. Restent des défis techniques, notamment l’interconnexion entre la plateforme Sigef et les bases de données douanières. Les experts recommandent un renforcement des capacités numériques des inspecteurs forestiers dans les départements éloignés.
La tech au service de la traçabilité
Au cœur du dispositif se trouve le Système informatisé de vérification de la légalité (SIVL). Mis à jour fin 2023, il attribue un identifiant unique à chaque lot de bois. La prochaine évolution intègrera un module d’émission automatisée des permis d’exportation, compatible avec la douane européenne.
Un test pilote, mené avec deux concessions de la Sangha, a réduit le temps de traitement des dossiers de 30 %. Les ingénieurs congolais, épaulés par Expertise France, planchent sur un tableau de bord analytique pour anticiper les zones à risque de coupe illicite et déclencher des missions de contrôle.
Encadré : le point juridique
La loi 33-2020 a introduit l’obligation d’aménagement simplifié pour les concessions inférieures à 50 000 hectares. Ses décrets d’application, en cours de finalisation, préciseront le régime des sanctions et le délai de mise en conformité. Les opérateurs saluent une clarification attendue depuis dix ans, gage de sécurité pour l’investissement.
Cartes et graphiques : photographier la forêt
Une carte interactive, présentée en session, superpose concessions, zones protégées et communautés villageoises. Les données proviennent de l’Observatoire satellitaire des forêts d’Afrique centrale. Un graphique montre que les exportations certifiées FSC ou PEFC ont progressé de 12 % en 2023, malgré un marché mondial du bois en ralentissement.
Scénarios à l’horizon 2028
Premier scénario, qualifié de « projection ambitieuse », anticipe 100 % des exportations couvertes par un certificat de légalité et 60 % par une certification de gestion durable. Les recettes d’exportation pourraient croître de 150 millions de dollars, grâce à un bonus sur les prix d’achat européen.
Dans le scénario intermédiaire, le Congo atteint 75 % de couverture légale, suffisant pour éviter les refus de cargaisons aux frontières européennes. Enfin, le scénario minimaliste miserait sur 50 %, exposant les opérateurs à des pénalités douanières et à un risque d’image. Les discussions au CCM penchent pour l’option ambitieuse.
Et après ? Perspectives pour les filières bois
Pour les scieries de Dolisie et d’Owando, la montée en gamme passe par la transformation locale. Le ministère de l’Industrie prépare une incitation fiscale ciblée sur le lamellé-collé et les panneaux contrecollés. Objectif : capter plus de valeur ajoutée et créer 5 000 emplois d’ici 2027.
Les collectivités locales, bénéficiaires de la taxe de superficie, espèrent que la transparence accrue se traduira par des retombées tangibles : routes entretenues, centres de santé équipés, écoles réhabilitées. « La certification n’a de sens que si le citoyen voit la différence », rappelle un maire de la Sangha.
Encadré : contexte régional
Le Congo s’aligne sur la stratégie CEMAC de lutte contre l’exploitation illégale, tandis que le Gabon, voisin, envisage un moratoire sur certaines essences. Cette émulation régionale pourrait accélérer l’harmonisation des normes et faciliter les corridors logistiques du bois certifié vers les ports atlantiques.
Regards d’experts
Pour Arnaud Dupuis, économiste forestier, « l’APV-FLEGT démontre qu’une régulation co-construite peut réconcilier compétitivité et conservation ». De son côté, Mireille Eba’a, chercheuse à l’université Marien-Ngouabi, souligne l’enjeu social : « La gouvernance forestière doit inclure les communautés, gardiennes d’un savoir crucial. »
Le rôle moteur de l’État
Les autorités congolaises ont investi dans la modernisation des inspections, recrutant 120 agents depuis 2021. Brazzaville entend poursuivre la politique de tolérance zéro envers la fraude, tout en soutenant les PME forestières dans l’apprentissage des nouvelles procédures. Une plateforme d’e-learning, lancée ce trimestre, offrira des modules gratuits sur la conformité FLEGT.
Encadré : le point éco
Selon la Banque africaine de développement, une gouvernance forestière efficace pourrait accroître la contribution du secteur au PIB congolais de 3,4 % à 5,2 % d’ici cinq ans. Les crédits carbone issus de la réduction de la déforestation pourraient générer des recettes additionnelles estimées à 30 millions de dollars par an.
Entre transparence et compétitivité
Les industriels redoutent un surcoût initial, mais la certification devient un passeport commercial. « Mieux vaut investir maintenant que perdre des marchés demain », confie le directeur d’une grande concession mixte. L’UE prévoit un appui financier de 16 millions d’euros pour accompagner la transition vers la pleine conformité.
Un partenariat durablement ancré
La réduction à une session annuelle du Comité conjoint, décidée pour 2026, illustre la maturité du dialogue. Les parties misent sur des groupes de travail techniques en ligne, moins coûteux et plus réactifs. Des photos officielles, diffusées après la session, montrent une poignée de main symbolique entre Rosalie Matondo et Anne Marchal.
