Cap sur la confiance monétaire
Depuis Brazzaville, le gouvernement congolais multiplie les signaux destinés à renforcer la solidité du franc CFA, pièce maîtresse d’une économie encore tributaire des exportations pétrolières et des remous géopolitiques. Les autorités estiment que la stabilité monétaire conditionne désormais la crédibilité diplomatique du pays.
En Conseil des ministres, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que “la confiance se nourrit de cohérence”, invitant son exécutif à accompagner la Banque des États de l’Afrique centrale dans ses ajustements prudents de taux directeurs et ses récentes injections de liquidités ciblées.
En 2024, la zone CEMAC a contenu l’inflation à 4,8 %, un palier salué par le Fonds monétaire international. À Brazzaville, on estime que la discipline commune sert de rempart contre une dollarisation excessive de la comptabilité publique et du circuit commercial informel.
Le ministre des Finances, Rigobert Roger Andely, assure que 62 % des règlements pétroliers s’effectuent déjà en francs CFA contre 49 % il y a trois ans, “preuve que la réassurance du marché progresse, même sans rupture brusque avec le billet vert”.
Les ambitions de dédollarisation régionale
Si le Congo-Brazzaville n’envisage pas d’abandonner le régime de change arrimé à l’euro, il scrute néanmoins les plans de dédollarisation lancés à Kinshasa et à Abuja. Brazzaville veut consolider une position médiane, attentive aux marges de manœuvre offertes par une diversification monétaire progressive.
Dans un document interne consulté par notre rédaction, la Commission nationale de planification projette que la part des dépôts en devise dans le bilan bancaire national pourrait reculer de 10 points d’ici 2028, via des incitations fiscales et la rémunération bonifiée des comptes en franc CFA.
Les banquiers rencontrés à Pointe-Noire saluent cette perspective, tout en soulignant la nécessité de préserver le degré actuel de convertibilité externe afin de rassurer les investisseurs asiatiques présents dans les terminaux gaziers et sur le corridor maritime du Golfe de Guinée.
Réformes structurelles et discipline budgétaire
Le Parlement vient d’adopter une loi de programmation des finances publiques prévoyant un déficit inférieur à 3 % du PIB dès 2026. Pour le gouvernement, cet ancrage budgétaire constitue le complément indispensable à la lutte contre l’indexation clandestine des prix sur le dollar.
Quant aux réformes structurelles, Brazzaville accélère la numérisation du Trésor pour réduire le recours au cash dollar sur les paiements domestiques de gros œuvre. Le secrétaire permanent du Comité de politique monétaire évoque un déploiement complet du portail de paiements d’ici le quatrième trimestre.
Les premiers tests menés avec le concours d’opérateurs télécoms locaux ont fait ressortir un taux de réussite de 97 % sur les règlements interbancaires instantanés. Selon un consultant basé à Paris, ces progrès techniques “positionnent Brazzaville parmi les capitales régionales les plus en avance”.
La diplomatie financière de Brazzaville
Au Sommet de Riyad sur l’investissement souverain, Denis Sassou Nguesso a insisté sur la “responsabilité partagée” dans la préservation des équilibres africains, obtenant des engagements de la Banque islamique de développement pour une ligne de crédit en franc CFA dédiée aux PME congolaises.
Ce soutien extérieur renforce le signal adressé au marché, selon lequel la devise communautaire peut servir de véhicule fiable pour les investisseurs du Golfe sans passer par le billet vert. L’effet d’annonce a aussitôt enclenché une révision à la hausse de plusieurs notations.
Parallèlement, Brazzaville conduit avec Pékin un dialogue technique sur la compensation directe en yuan pour certains achats de matériel ferroviaire. Aucune décision n’est encore actée, mais la démarche illustre l’attitude pragmatique de la présidence, “ouverte à toute innovation qui consolide le socle domestique”.
Perspectives et défis mesurés
Les analystes du cabinet NKC projettent une croissance congolaise de 4,2 % en 2025, portée par l’entrée en production du champ pétrolier Marine XXII et par l’amélioration attendue de la logistique portuaire. Mais ils préviennent que l’économie reste vulnérable à la volatilité du Brent et aux chocs climatiques sur l’agriculture.
Pour limiter ces risques, le gouvernement entend finaliser le Fonds de stabilisation budgétaire, abondé par les excédents de recettes hydrocarbures. Ce mécanisme, inspiré du modèle norvégien, devra être géré par un comité indépendant, rassure Rigobert Roger Andely face aux questions des députés.
La société civile plaide pour une transparence accrue, notamment sur les placements du futur fonds. Les autorités promettent un portail public trimestriel ouvertement consultable, mais rappellent que le maintien de la confiance passe d’abord par le respect des seuils budgétaires inscrits dans la nouvelle loi.
En somme, Brazzaville mise sur un cocktail de prudence budgétaire, d’ouverture diplomatique et d’innovations financières pour arrimer durablement la stabilité monétaire. Plusieurs partenaires saluent la trajectoire, estimant qu’elle crédibilise le franc CFA sans sacrifier la flexibilité nécessaire à la transformation économique annoncée.
La dernière réunion du Comité de stabilité financière s’est conclue sur un mot d’ordre résumant l’état d’esprit du moment : “la confiance se gagne par étapes, mais se perd d’un coup”. À Brazzaville, chacun sait que la vigilance reste la meilleure monnaie d’échange.