Une monnaie sous pression depuis 2024
Depuis la fin de 2024, le franc congolais évolue dans une zone de turbulences où se conjuguent inflation importée, faiblesse des recettes minières et hausse de la demande de dollars en période préélectorale. L’augmentation annuelle des prix a dépassé 18 %, raréfiant la liquidité en monnaie locale.
Cette dynamique a poussé les agents économiques à stocker des devises, accentuant la dépréciation. Entre août 2024 et août 2025, la monnaie a perdu près de 15 % de sa valeur face au billet vert, passant d’environ 2 450 CDF à près de 2 890 CDF pour un dollar américain.
Le geste inaugural d’André Wameso
Nommé gouverneur de la Banque centrale du Congo le 4 août, André Wameso a fait de la stabilité monétaire son premier chantier. « Il faut restaurer la confiance dans le franc congolais », a-t-il rappelé lors de sa prise de fonctions, regrettant la dollarisation à près de 80 % des transactions.
Dix jours plus tard, la BCC a injecté 50 millions de dollars sur le marché interbancaire à un cours de 2 776 CDF pour un dollar. Le signal est double : rappeler la capacité d’intervention de l’institution et offrir un prix de référence plus compétitif que celui du marché parallèle.
Le volume reste modeste comparé aux réserves brutes proches de 5 milliards de dollars, mais il vise à casser une spirale spéculative nourrie par des anticipations négatives. En fixant un niveau clairement communiqué, la BCC tente de réduire l’incertitude et les écarts entre marché indicatif et marché informel.
Effets immédiats sur le marché
Pour les opérateurs miniers, la détente est moins palpable. Les contrats d’exportation demeurent libellés en devise, et la problématique cruciale reste le rapatriement des recettes. Cependant, un cadre de la chambre des mines affirme que « la clarté du taux officiel facilite la planification mensuelle des trésoreries ».
Encadrement de la dollarisation
Au-delà de l’injection ponctuelle, la BCC insiste sur la nécessité de canaliser les opérations de change vers les circuits bancaires. Cette mesure répond aux standards de lutte contre le blanchiment de capitaux et soutient la modernisation des paiements, objectif partagé par le ministère des Finances et la FEC.
Un banquier de la place reconnaît toutefois que la confiance populaire ne se décrète pas. Il rappelle qu’en zones rurales, l’accès aux guichets reste limité ; l’usage du mobile money en francs pourrait donc devenir l’outil privilégié de reconquête, à condition d’améliorer la couverture réseau et la sécurité des plateformes.
Défis structurels persistants
Les fondamentaux extérieurs du pays demeurent contrastés. Le cours du cuivre a reculé d’environ 12 % depuis janvier, réduisant les entrées de change, tandis que les importations de carburant se renchérissent sous l’effet de la prime logistique sur le corridor atlantique. La balance des paiements reste donc vulnérable.
Les analystes de la société de bourse Equity DS estiment que la Banque centrale devra continuer ses ventes ciblées tout en maintenant un taux directeur positif en termes réels. Ils soulignent que l’assainissement budgétaire engagé depuis 2023 est indispensable pour ne pas monétiser le déficit et nourrir de nouvelles tensions.
Lectures régionales comparées
Dans la sous-région, le franc CFA d’Afrique centrale, arrimé à l’euro, évolue autrement. Certains analystes kinois observent avec intérêt la stabilité relative de Brazzaville, fruit d’une coordination monétaire avec Paris et d’un encadrement budgétaire strict. Ils y voient un argument pour renforcer la discipline interne plutôt qu’envisager un ancrage externe.
L’expérience récente du Ghana, qui a vu le cedi perdre plus de 25 % en six mois malgré des interventions massives, rappelle cependant qu’aucun outil ne remplace la crédibilité. La BCC semble l’avoir intégré : elle communique désormais chaque semaine sur ses réserves, ses adjudications et ses projections d’inflation.
Perspectives à court terme
Selon la note de conjoncture publiée le 15 août, la Banque centrale table sur un taux de change indicatif stabilisé autour de 2 800 à 2 850 CDF d’ici la fin du trimestre. Ce scénario repose sur des ventes de devises additionnelles et sur la reconduction d’un moratoire sur les dépenses non prioritaires.
Les partenaires multilatéraux suivent de près ces engagements. Le FMI, qui a déboursé en mars la troisième tranche de son programme élargi de crédit, encourage la BCC à renforcer la transparence des opérations de change. Une mission d’examen est attendue mi-septembre pour évaluer la cohérence entre politique monétaire et réformes.
Entre prudence et optimisme mesuré
Sur le boulevard du 30 Juin, la trajectoire du dollar reste le premier indicateur scruté par les ménages. L’épisode de 2020, où le franc s’était déprécié de 30 % malgré des ventes record, nourrit la prudence. Mais l’institution entend démontrer que l’arsenal actuel est plus robuste et mieux calibré.
« Nous voulons éviter tout choc brutal et restaurer graduellement la préférence pour notre monnaie », confie un conseiller du gouverneur. La tonalité reste donc à l’équilibre : offensive sur la communication, vigilance sur les réserves et coordination accrue avec le Trésor. Les prochaines semaines diront si le pari est tenu.
