Une impulsion présidentielle axée sur la transformation locale
Depuis sa prise de fonctions, le général Brice Clotaire Oligui Nguema martèle l’ambition de hisser le Gabon au rang de puissance manufacturière d’Afrique centrale. La signature d’accords totalisant 1 700 milliards de FCFA avec Afreximbank vient matérialiser cette volonté politique. Au-delà du volume financier, l’opération traduit une inflexion stratégique : rompre avec le modèle d’exportation brute des ressources et favoriser leur transformation domestique. Cette orientation, également encouragée par les pairs régionaux, s’inscrit dans la continuité des efforts de diversification prônés à Brazzaville par le président Denis Sassou Nguesso, dont la diplomatie économique demeure ouverte à toute initiative susceptible de consolider la stabilité macro-régionale.
Afreximbank, catalyseur financier continental
L’institution panafricaine, présidée par Benedict Oramah, consolide sa réputation de bras armé de la Zone de libre-échange continentale africaine. « Nous finançons ici la compétitivité future du Golfe de Guinée », a-t-il déclaré lors de la cérémonie de signature, rappelant que le portefeuille gabonais rejoint des engagements analogues en République du Congo et au Cameroun. En libérant trois milliards de dollars pour les infrastructures structurantes et 200 millions d’euros dédiés à l’énergie, la banque mise sur un effet de levier public-privé de l’ordre de 1 pour 4, selon des calculs internes relayés par le ministère gabonais de l’Économie.
Infrastructures énergétiques, nerf de la compétitivité industrielle
Les trois futures centrales thermiques de Libreville, Port-Gentil et Lambaréné devraient ajouter 300 MW à la capacité nationale d’ici 2026. Cette augmentation, équivalente à près de 80 % de la puissance actuellement disponible, vise à réduire les délestages chroniques, abaisser le coût du kilowattheure industriel et attirer les investisseurs dans l’agro-transformation et la métallurgie légère. Philippe Tonangoye, ministre gabonais de l’Accès universel à l’Eau et à l’Énergie, souligne que « le bouquet sera progressivement verdis, conformément aux lignes directrices fixées par la COP 28 ». La trajectoire rejoint les priorités énergétiques de la République du Congo, qui, sous l’impulsion de Pointe-Noire Énergie, poursuit l’interconnexion de ses réseaux avec ceux du Gabon, fomentant un marché électrique sous-régional compétitif et sécurisé.
Chaîne de valeur minière et ferroviaire interconnectée
L’entrée en production des gisements de Belinga et Baniaka coïncide avec le démarrage du programme ferroviaire financé par Afreximbank. L’objectif est de moderniser le Transgabonais, d’ajouter des embranchements vers les sites miniers et, à terme, de prolonger l’épine dorsale jusqu’à la frontière congolaise. Gilles Nembe, ministre des Mines, insiste sur « l’opportunité de mutualiser les corridors » et rappelle qu’un comité technique bilatéral avec Brazzaville étudie déjà la standardisation des gabarits. Pour les analystes de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, la densification du rail en Afrique centrale pourrait réduire de 30 % les coûts logistiques intra-régionaux, stimulant un commerce Sud-Sud crucial à l’heure où les chaînes d’approvisionnement mondiales se recomposent.
Implications régionales et coopération avec Brazzaville
La dynamique gabonaise s’inscrit dans un environnement politique régional désormais jugé « relativement prévisible » par l’Institut de la Banque africaine de développement. La continuité institutionnelle incarnée à Brazzaville par Denis Sassou Nguesso rassure Afreximbank sur la cohérence des politiques publiques à cheval sur les deux rives de l’Ogooué et du Kouilou. Henri-Claude Oyima, ministre d’État gabonais, évoque même la perspective d’un accord quadripartite avec la République du Congo, la RDC et le Cameroun pour la sécurisation des corridors miniers. Une telle configuration renforcerait l’autonomie stratégique de l’Afrique centrale, tout en laissant ouvertes les portes d’un dialogue constant avec les partenaires européens et asiatiques.
Vers une gouvernance inclusive du financement
Louise Ovono, ministre de la Planification et de la Prospective, précise que les décaissements seront liés à des indicateurs de bonne gouvernance, conformément au cadre ESG d’Afreximbank. La société civile gabonaise est invitée à siéger dans un comité de suivi où siègeront également des représentants de la CEMAC et de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale. Cette approche, déjà encouragée par les autorités de Brazzaville dans leurs propres programmes énergétiques, tend à crédibiliser les engagements climatiques et sociaux de la sous-région. À cet égard, l’Observatoire africain des pratiques financières salue une « coopétition vertueuse » entre États voisins, gage de résilience face aux chocs exogènes.
Cap sur 2026 : un calendrier à la croisée des agendas sous-régionaux
En arpentant la feuille de route, le gouvernement gabonais entend lancer simultanément les travaux des centrales, le renforcement du Transgabonais et l’optimisation des terminaux portuaires. Afreximbank, qui table sur un taux de décaissement de 40 % dès la première année, a mobilisé un syndicat international de banques commerciales pour compléter le tour de table. Des consultants basés à Pointe-Noire notent qu’un tel phasage coïncide avec les propres objectifs de diversification économique que poursuit la République du Congo à l’horizon 2026. Cette synchronisation, loin d’alourdir la compétition, pourrait consolider un véritable marché commun des infrastructures, porté par une gouvernance conjointe et une volonté politique convergente.