Ce qu’il faut retenir
Le chef de l’État gabonais a brandi une menace claire lors du conseil des ministres du 23 octobre 2025 : tout détourneur de fonds publics sera poursuivi sans ménagement.
Brice Clothaire Oligui Nguema, placé à la tête de la transition depuis 2023, entend tourner la page des années d’impunité financière et rassurer partenaires internationaux, hommes d’affaires et société civile sur sa détermination réformatrice.
Le tournant anti-corruption au sommet
Le communiqué final du conseil précise qu’un audit généralisé des marchés publics sera lancé avant la fin de l’année.
Il s’ajoute aux enquêtes déjà ouvertes par la Task Force pour la restitution des avoirs de l’État, active depuis septembre 2023 et présentée comme l’épine dorsale du dispositif de recouvrement.
En coulisses, des hommes d’affaires ayant bénéficié de concessions controversées négocieraient, selon des sources proches du dossier, des accords amiables pour éviter la prison et rendre une partie des sommes.
Contexte historique et institutionnel
La lutte contre la corruption figure déjà dans la Constitution révisée en mars 2024, qui consacre un chapitre entier à la transparence budgétaire et aux obligations de déclaration de patrimoine des hauts fonctionnaires.
Avant le coup d’État d’août 2023, le Gabon occupait la 124e place de l’indice Perception de la corruption de Transparency International, une position que Libreville juge désormais « incompatible » avec ses ambitions de hub financier régional.
Les chiffres-clés de la dérive budgétaire
Selon la Cour des comptes, les pertes annuelles liées aux surfacturations et exonérations indûment accordées approchaient 500 millions d’euros entre 2019 et 2022.
Un graphique présenté au conseil, dont notre rédaction a consulté la copie, montre que quatre ministères concentrent 68 % des anomalies, en tête les Infrastructures et les Mines.
La même source signale que 312 ordonnateurs n’avaient pas déposé leurs justificatifs de dépenses avant la date limite réglementaire.
Scénarios économiques et risques perçus
Pour l’économiste gabonais Mays Mouissi, « si la récupération des fonds dépasse 1 % du PIB, on pourrait neutraliser la pression sur la dette intérieure et relancer les chantiers suspendus ».
D’autres experts soulignent que la sévérité de la campagne doit s’accompagner de garanties procédurales pour éviter l’effet d’arbitraire, facteur de frilosité pour les investisseurs.
Le point juridique
Le Code pénal modifié en juillet 2024 aggrave les délits de concussion et impose désormais des peines pouvant aller jusqu’à vingt ans de réclusion et la confiscation des avoirs.
Le ministère de la Justice prépare un tribunal spécialisé, inspiré du modèle rwandais de la chambre anti-corruption, afin d’accélérer les procédures sans engorger les juridictions ordinaires.
Et après ? Transition sous surveillance
À court terme, Libreville veut afficher des premiers résultats avant la conférence des partenaires prévue début 2026, où seront discutés financement climatique et diversification de l’économie.
Le président Oligui Nguema a déjà annoncé que les montants récupérés serviraient en priorité à la réfection des écoles publiques et à la modernisation des centres de santé ruraux.
Reste la question politique : la rigueur affichée constituera-t-elle un socle de légitimité durable pour la transition ? Les prochains mois fourniront la réponse dans la rue comme dans les chiffres des finances publiques.
Dans les administrations, des formations à la comptabilité publique numérique sont lancées avec l’appui de la Banque mondiale, afin de sécuriser la chaîne de dépense et réduire les manipulations manuelles propices aux fuites.
Un tableau de bord interactif, accessible au public, doit être mis en ligne pour suivre chaque franc recouvré ; une innovation de gouvernance saluée par la plateforme citoyenne Publiez Ce Que Vous Payez.
