Ce qu’il faut retenir
Le Congo-Brazzaville accélère sa transition gazière. Dès 2026, le deuxième navire de liquéfaction opéré par Eni portera la production à trois millions de tonnes de GNL par an. De nouveaux projets et des réformes ciblées soutiennent une croissance hors pétrole, estimée à 3,6 %.
Contexte énergétique national
Dans son adresse annuelle au Parlement, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que les hydrocarbures demeurent la première source de recettes publiques, mais que l’enjeu consiste désormais à élargir la base industrielle et à sécuriser l’accès domestique à l’énergie.
Depuis 2024, le pays figure parmi les rares exportateurs africains de gaz naturel liquéfié, un statut qui conforte sa diplomatie énergétique tout en diversifiant les revenus budgétaires fortement corrélés au pétrole brut.
L’essor du gaz naturel liquéfié
Eni pilote la première unité flottante de liquéfaction, déjà opérationnelle au large de Pointe-Noire. Le second navire, actuellement en finition en Corée du Sud, doit lever l’ancre dans quelques mois pour rejoindre les eaux congolaises et doubler la capacité existante.
Selon une source interne au ministère des Hydrocarbures, les premiers contrats long terme couvrent l’Asie et l’Europe du Sud, avec un prix indexé sur le Brent. « La visibilité commerciale garantit la bancabilité du projet », explique l’expert, confiant dans la compétitivité congolaise.
Le gouvernement met en avant l’impact local: fourniture de gaz domestique, création de 800 emplois directs et un fonds de développement communautaire financé à 1 % du chiffre d’affaires annuel. Les autorités espèrent réduire la facture énergétique des ménages urbains.
Wing Wah valorise le gaz associé
Parallèlement, l’opérateur chinois Wing Wah a lancé en novembre 2025 un programme de valorisation du gaz associé sur le champ Marine XIII. L’unité modulable traitera cinq millions de mètres cubes par jour, les convertissant en propane, butane et électricité.
D’après le directeur général de Wing Wah Congo, « le projet atteindra le seuil de rentabilité en moins de trois ans grâce au contenu local compétitif ». Les autorités saluent une initiative qui limite le torchage et renforce la sécurité énergétique de la zone industrielle.
Nouvelle raffinerie à Pointe-Noire
Si le gaz ouvre des perspectives, le pétrole reste central. La vétusté de la raffinerie Congolaise de Pétrole entraîne des ruptures de carburant, comme en juillet dernier. La société Atlantique Pétrochimie porte donc un projet de raffinerie neuve dans la zone économique spéciale.
La première phase, déjà financée, visera 1,5 million de tonnes par an dès 2027, avant de monter progressivement à cinq millions. Les études d’impact environnemental ont reçu un avis favorable, tandis que 35 % des marchés de construction sont réservés aux PME congolaises.
Le point juridique/éco
Le point juridique: le contrat de partage de production intègre pour la première fois des clauses de contenu local obligatoires, une disposition saluée par les syndicats tout en rassurant les investisseurs sur la stabilité du cadre fiscal.
Selon le cabinet Ernest & Young, l’intégration locale pourrait créer 4 000 emplois indirects et générer 200 millions de dollars de retombées fiscales annuelles. « C’est un projet structurant pour la souveraineté énergétique » résume un conseiller économique du Trésor public.
Vie chère et régulation des prix
L’exécutif lie ces grands chantiers à la lutte contre la vie chère. La disponibilité d’essence et d’électricité influence le prix du transport, donc des aliments. Pendant le Plan de résilience 2022-2023, des subventions ciblées ont stabilisé le panier de base malgré l’inflation importée.
Le chef de l’État a instruit son gouvernement de renforcer les contrôles sur les importateurs pour prévenir les pratiques spéculatives. La nouvelle Agence nationale de régulation commerciale dispose de pouvoirs de sanction élargis et publiera chaque mois un baromètre des prix.
Croissance hors pétrole en hausse
Portée par l’agriculture, les télécoms et les BTP, la croissance hors pétrole devrait atteindre 3,6 % en 2026 selon la Direction générale de l’économie. Le secteur primaire bénéficie d’incitations fiscales et d’une enveloppe de 55 milliards de francs CFA pour l’irrigation.
Les économistes saluent une reprise « lente mais rassurante ». L’inflation, encore au-dessus de la norme CEMAC, a entamé une décrue progressive grâce à une politique monétaire prudente et au repli des cours internationaux du blé et du fret maritime.
Sur le terrain, la diversification reste perceptible via l’émergence de start-ups agro-tech soutenues par la Banque publique d’investissement. À Dolisie, un incubateur forme des jeunes à la transformation du manioc en farine panifiable, réduisant la dépendance aux importations de blé.
Et après ? Diversification et scénarios
À court terme, l’enjeu est d’acheminer l’électricité produite par les projets gaziers jusqu’aux villes de l’intérieur, encore alimentées par des groupes diesel coûteux. Le ministère des Énergies annonce la réhabilitation de 600 kilomètres de lignes haute tension d’ici 2027.
À moyen terme, Brazzaville veut finaliser son Code gazier pour clarifier le partage de la rente entre État, compagnies et collectivités. Un groupe multipartite planche déjà sur la fiscalité carbone afin d’attirer des financements verts via les marchés volontaires.
Les partenaires techniques encouragent la création d’un fonds souverain dédié aux générations futures. « Investir le revenu du gaz dans l’éducation et les infrastructures rurales réduira les disparités territoriales », estime une économiste de la Banque africaine de développement.
