Ce qu’il faut retenir
Gimacpay, plateforme interbancaire connectant six pays de la CEMAC, a traité plus de 12 millions d’opérations en 2023 pour 601,7 milliards FCFA, selon la Banque des États de l’Afrique centrale.
La progression annuelle dépasse 50 %, tirée par la montée en flèche des portefeuilles électroniques et un réseau d’acteurs financiers qui s’élargit rapidement dans toute la sous-région.
Chiffres record de Gimacpay selon la BEAC
Le rapport publié fin mars 2024 par la BEAC ventile pour la première fois les volumes quotidiens: plus de 33 000 transactions passent chaque jour par la passerelle, contre 27 000 un an plus tôt.
En valeur, l’équivalent de 1,07 milliard USD a circulé sur la plateforme, consolidant son statut d’instrument stratégique pour la liquidité bancaire autant que pour la consommation grand public.
Le Cameroun concentre encore la moitié des flux, mais le Congo-Brazzaville, porté par la digitalisation accélérée de ses banques, enregistre l’une des plus fortes croissances, selon les indicateurs compilés par le GIMAC.
Mobile Money, pilier de l’inclusion financière
Les portefeuilles électroniques représentent 73 % des transactions en volume et 65 % en valeur, illustrant la prédominance du téléphone portable dans la vie financière quotidienne des ménages urbains et ruraux.
Pour la BEAC, cette dynamique confirme la « transformation structurelle » de l’écosystème, où l’interopérabilité délivre enfin des services transfrontaliers, depuis le règlement de factures jusqu’aux envois d’argent familiaux.
Le DG du GIMAC, Valentin Mbozo’o, estime que « le mobile money est devenu la porte d’entrée naturelle dans la banque », rappelant que onze opérateurs télécoms sont désormais parties prenantes du réseau.
Une architecture certifiée au service de la confiance
Au cœur de la performance, deux centres de données: le principal, certifié PCI-DSS, est implanté à Yaoundé; le site de secours, à Douala, garantit la reprise d’activité en moins de vingt minutes.
Cette redondance rassure les banques et soutient la conformité aux exigences internationales, condition sine qua non pour attirer davantage de paiements de salaires, de pensions ou d’incitations gouvernementales dématérialisées.
Les équipes techniques, pour moitié issues des universités d’Afrique centrale, mettent en avant « l’appropriation locale du code » comme élément différenciateur face aux solutions importées, souvent plus coûteuses.
Cadre réglementaire, le défi de l’interopérabilité
Si le socle technique est opérationnel, la BEAC note encore « quelques pesanteurs » dans l’application des textes de 2021 fixant les règles d’ouverture des systèmes de paiement monétique.
Le point d’achoppement porte sur la définition même des réseaux: les opérateurs réclament des clarifications sur les commissions d’interchange, alors que les banques veulent sécuriser leurs investissements dans les cartes.
À Brazzaville, le ministère congolais des Finances soutient une approche graduelle, privilégiant la concertation, afin d’éviter tout choc réglementaire susceptible de ralentir la dynamique d’inclusion.
Un comité technique sous-régional planche sur un calendrier réaliste pour la migration des institutions vers un protocole commun, tout en maintenant la liberté d’innovation commerciale.
Et après ? Scénarios de montée en puissance
Les projections internes du GIMAC tablent sur 20 millions d’opérations en 2024, soit près du double en deux ans, grâce à l’extension des services de e-commerce et au paiement des taxes.
L’entrée annoncée des fournisseurs d’électricité et d’eau sur Gimacpay devrait multiplier les micro-paiements récurrents, renforçant la traçabilité des recettes publiques, un axe soutenu par la Banque mondiale.
Plusieurs fintechs congolaises travaillent déjà à des API pour connecter les billets électroniques de transport urbain, un segment en pleine mutation stimulé par les initiatives de mobilité durable dans les grandes villes.
À moyen terme, les experts interrogés estiment que la monétique sous-régionale pourrait capturer 10 % du commerce intra-africain, surtout si la Zone de libre-échange continentale concrétise ses promesses logistiques.
Contexte historique de la monétique CEMAC
Dans les années 2000, chaque pays disposait de son réseau fermé de cartes domestiques, entraînant des duplications de coûts et des commissions élevées pour les voyageurs d’affaires.
La création du GIMAC en 2003 a posé les premières bases d’un guichet unique régional, mais l’interopérabilité n’a vraiment décollé qu’avec l’essor des smartphones une décennie plus tard.
Le lancement commercial de Gimacpay en 2018 a marqué un tournant, permettant l’envoi d’argent de Libreville vers Pointe-Noire en quelques secondes, sans conversion manuelle ou double frais.
Impact pour les PME et les startups
Les petites entreprises, souvent non bancarisées, accèdent désormais à un tableau de bord unifié pour suivre leurs encaissements mobiles et cartes, facilitant la tenue de comptabilité et l’accès ultérieur au crédit.
Selon le cabinet FinAfrique, le délai moyen de règlement fournisseur est passé de sept jours à moins de quarante-huit heures pour les marchands intégrés à Gimacpay, un gain de trésorerie décisif.
Des plateformes de commerce social, très prisées par la jeunesse congolaise, intègrent déjà des boutons de paiement Gimacpay, ouvrant la voie à des ventes transfrontalières fluides via les réseaux sociaux locaux.
Rôle des Trésors publics et services étatiques
Le Trésor public camerounais a ouvert la voie en 2022 en acceptant les paiements d’impôts via la plateforme; Brazzaville étudie une option similaire pour les redevances portuaires.
En internalisant ces flux, les administrations espèrent réduire les pertes liées au maniement de liquidités et améliorer la transparence, un objectif soutenu par plusieurs bailleurs multilatéraux.
