Ce qu’il faut retenir sur l’enveloppe de 1,5 milliard €
Paris a réuni bailleurs africains et partenaires techniques autour d’un impératif : réduire l’urgence humanitaire dans les Grands Lacs. Au terme de la conférence, plus de 1,5 milliard € ont été promis pour des médicaments, des denrées et des appuis visant à redonner aux communautés leur autonomie alimentaire et économique.
Contexte sécuritaire et humanitaire sous tension
L’est de la République démocratique du Congo reste marqué par les déplacements massifs provoqués par les groupes armés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon l’ONU, environ sept millions de Congolais vivaient encore déplacés en 2025, un record pour la région des Grands Lacs déjà confrontée à 26,3 millions de personnes déracinées.
Un plan calibré pour la relance vitale
Les fonds collectés financeront des stocks de médicaments essentiels, des rations nutritives enrichies et des semences adaptées aux sols volcaniques, afin d’accélérer la reprise des cultures vivrières. L’objectif, insiste un diplomate ougandais, est « d’éviter la dépendance structurelle aux importations et de ramener la production locale au marché ».
Goma : vers la réouverture stratégique de l’aéroport
Emmanuel Macron a annoncé la remise en service diurne de l’aéroport de Goma pour les vols humanitaires de petit tonnage. Cette plateforme facilitera l’acheminement de fret médical vers les hauts plateaux encore enclavés, tout en respectant, souligne-t-il, « la souveraineté congolaise et la coordination civilo-militaire nationale ».
Couloirs sécurisés et « last mile » logistique
Sous l’égide du Programme alimentaire mondial, des couloirs protégés traverseront Ituri, Sud-Kivu et Nord-Kivu afin d’éviter les barrages informels. Les FARDC resteront forces de première ligne, tandis que la Monusco fournira des patrouilles dissuasives. Un centre de suivi en temps réel, hébergé à Gisenyi, garantira la traçabilité des convois.
Brazzaville soutient la dynamique régionale
Le Congo-Brazzaville, engagé de longue date au sein de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, a salué « une initiative inspirante ». Un haut responsable du ministère congolais des Affaires étrangères rappelle que la stabilité de la RDC conditionne « les échanges fluviaux essentiels sur le corridor Congo-Oubangui ».
Un financement multilatéral encore insuffisant
Malgré l’annonce, le plan de réponse humanitaire onusien, évalué à 2,5 milliards €, n’est couvert qu’à 16 %. Les négociateurs cherchent donc à élargir la coalition des contributeurs. Berlin, Doha et Bruxelles laissent entendre de nouveaux engagements avant la fin du trimestre, conditionnant toutefois leurs promesses à la transparence comptable.
Le point économique : rebâtir les chaînes locales
Une part du fonds, environ 220 millions €, sera dirigée vers les micros, petites et moyennes entreprises agricoles. Le dispositif passera par des garanties de la Banque africaine de développement pour faciliter les crédits semenciers, redynamiser les abattoirs communautaires et soutenir la transformation post-récolte.
Regards d’experts régionaux
Pour le chercheur rwandais David Byiringiro, « cette manne est un ballon d’oxygène, mais seul un dialogue franc entre Kinshasa et Kigali ramènera la sérénité durable ». De son côté, l’économiste congolaise Léonie Mwamba juge que « l’inclusion des agricultrices déplacées reste le meilleur indicateur de réussite ».
Scénarios à court et moyen terme
Si les couloirs sécurisés fonctionnent, l’Organisation internationale pour les migrations anticipe le retour volontaire de 300 000 déplacés d’ici treize mois. À l’inverse, un regain de violence autour de Bunagana pourrait geler la réouverture de l’aéroport et redistribuer les allocations vers l’assistance d’urgence au détriment de l’agro-relance.
Focus juridique : souveraineté et coordination
Les autorités congolaises ont rappelé que toute livraison doit passer par les douanes nationales. Un accord-cadre permet pourtant la franchise de taxes sur les vaccins et intrants nutritionnels. Les ONG devront se conformer au nouveau guichet unique, mis en place à Kinshasa pour accélérer les levées de cargaisons.
Impact attendu sur la sécurité alimentaire
Les partenaires projettent de ramener la prévalence de la malnutrition aiguë globale en Ituri de 14 % à 10 % en deux ans. La distribution simultanée de kits maraîchers et de chèvres rustiques vise à diversifier les régimes, tandis que les programmes cash-for-work relanceront le pouvoir d’achat local.
Photographie d’un espoir collectif
La rencontre de Paris aura surtout montré l’engagement solidaire de plusieurs capitales africaines. Yaoundé, Bujumbura et Brazzaville ont, chacune, ajouté une contribution symbolique à l’enveloppe. « C’est l’expression d’une responsabilité partagée », note une source française, alors que la diplomatie de l’aide redevient un moteur d’intégration.
Obstacles structurels persistants
La persistance des groupes armés, l’érosion des sols et la fluctuation des cours du cobalt continuent de fragiliser la région. Le ministre rwandais des Finances rappelle que « la gouvernance extractive reste un angle mort, tant que les recettes minières ne financent pas les services publics ».
Et après ? Les jalons de suivi
Un premier tableau de bord trimestriel sera présenté à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine. Les indicateurs couvriront la réduction des mouvements forcés, la proportion de récoltes commercialisées localement et le délai d’autorisation douanière moyen, désormais plafonné à quarante-huit heures.
Un souffle d’optimisme mesuré
Alors que s’achève l’année, les populations de Goma, Bukavu et Bunia espèrent que les promesses se matérialiseront. « Le plus dur n’est pas d’obtenir l’argent, mais de le faire arriver jusqu’aux collines », soupire un chef coutumier du Nord-Kivu. L’épreuve de vérité commence maintenant.
