Un bond inédit dans le classement IPC 2024
Février 2025 restera sans doute comme une date de référence dans les annales de la gouvernance congolaise. Le rapport annuel de Transparency International positionne désormais la République du Congo au 151ᵉ rang mondial, loin devant son classement de 2019. Ce spectaculaire gain de quatorze places, enregistré en à peine cinq exercices, illustre une dynamique que peu d’observateurs anticipaient il y a encore quelques années. Dans un environnement régional souvent décrit comme résilient à la réforme, l’évolution congolaise interpelle, tant elle déroge à la tendance continentale marquée par une stagnation, voire un recul, de la plupart des notations.
La Haute Autorité de Lutte contre la Corruption, pivot institutionnel
Au cœur de cette trajectoire ascendante se trouve la Haute Autorité de lutte contre la corruption, créée par la loi n°3-2019 du 7 février 2019. Sous la houlette d’Emmanuel Ollita Ondongo, expert reconnu en criminalité financière, la H.a.l.c s’est imposée comme catalyseur de l’action publique. Son président assure « qu’aucune action durable ne peut être envisagée sans un organe doté de prérogatives d’enquête, de prévention et de contrôle », rappelant que la lutte anticorruption ne se décrète pas : elle se structure, se mesure et s’incarne. Par son indépendance statutaire et la technicité de ses équipes, l’institution symbolise la volonté étatique de passer d’un discours de principe à un pilotage opérationnel.
Un arsenal législatif consolidé pour la gouvernance
La performance congolaise s’explique aussi par l’architecture juridique patiemment bâtie depuis l’adhésion, en 2005, aux conventions des Nations unies et de l’Union africaine contre la corruption. Les textes adoptés ces dernières années – loi n°4-2019 sur la déclaration de patrimoine et loi n°9-2022 consacrée à la prévention des infractions assimilées – fournissent un socle robuste. Ce corpus normatif confère à la H.a.l.c un pouvoir de vérification systématique des déclarations d’intérêts et ouvre la voie aux poursuites lorsque les manquements sont avérés. Pour les partenaires techniques et financiers, ce cadre est perçu comme compatible avec les meilleurs standards internationaux, condition sine qua non à la mobilisation d’investissements extérieurs orientés vers la diversification économique.
Sensibilisation et déclarations de patrimoine, leviers de confiance
Entre 2020 et 2024, la H.a.l.c a sillonné l’ensemble des départements pour former magistrats, gendarmes, journalistes et représentants de la société civile. Cette approche pédagogique répond à la recommandation de François Valérian, président de Transparency International, pour qui « la lutte contre la corruption suppose un changement culturel autant qu’institutionnel ». Dans la même veine, près de huit cents hauts responsables ont déposé leur déclaration de patrimoine auprès de la Cour suprême, tandis que leurs intérêts ont été recensés par la H.a.l.c en 2024. Le geste, encore inédit sous certaines latitudes, alimente un capital de confiance indispensable aux investisseurs et aux bailleurs de fonds.
Comparaisons régionales et dynamique de progrès
Avec un score désormais fixé à 23 sur 100, le Congo figure parmi la trentaine d’États ayant consolidé leur notation sur la période 2012-2024. Ce résultat contraste avec la stagnation de cent quarante-huit autres pays et rejoint les performances observées en Angola ou encore en Côte d’Ivoire. La progression congolaise, mesurée à quatre points depuis 2019, doit toutefois être lue à l’aune d’un environnement subsaharien dont la moyenne plafonne à 33 points. Pour les experts de la Banque africaine de développement, cette relative embellie pourrait constituer « un signal encourageant pour la mise en œuvre du marché unique africain, à condition qu’elle s’inscrive dans la durée ».
Le rôle clé des sanctions judiciaires attendues
L’une des conclusions récurrentes du rapport de Transparency International rappelle que l’amélioration d’un indice reste fragile sans sanctions effectives. Sur ce point, la jurisprudence congolaise est encore naissante. Les premiers dossiers instruits par la H.a.l.c ont abouti à des transactions ou à des restitutions volontaires, approche jugée pragmatique par certains observateurs, mais jugée insuffisante par d’autres pour dissuader les récidives. À ce stade, le gouvernement insiste sur la nécessité de concilier rigueur et stabilité sociale. Dans une récente allocution, le ministre de la Justice a affirmé « qu’une justice répressive dépourvue de pédagogie ruinerait les avancées en matière de gouvernance ». Le défi des prochaines années consistera donc à articuler exemplarité judiciaire et maintien du climat d’affaires.
Perspectives diplomatiques et économiques du nouvel élan congolais
Au-delà des chiffres, la dynamique actuelle rejaillit sur la posture diplomatique de Brazzaville. Plusieurs partenaires bi-latéraux, dont l’Union européenne, ont salué des « signes tangibles d’alignement aux standards de transparence ». Dans un contexte de transition énergétique et de compétition accrue pour les capitaux, l’image renouvelée du Congo constitue un argument de poids. Les entretiens menés avec des analystes de cabinets de risque soulignent que l’amélioration de l’indice IPC réduit la prime de risque perçue et, partant, le coût de financement des projets d’infrastructure. Sur la scène africaine, le Congo pourrait ainsi jouer un rôle de facilitateur, partageant son expertise en matière de déclarations de patrimoine ou d’investigation financière, et inscrire sa trajectoire dans l’agenda 2063 de l’Union africaine, consacré à la bonne gouvernance.
Consolider pour rayonner, un impératif de continuité
À la lecture des indicateurs, les progrès enregistrés apparaissent indéniables, même si les défis restent nombreux. Le cap est désormais fixé : renforcer les mécanismes de contrôle, moderniser les outils numériques de traçabilité et assurer une application impartiale du droit. La République du Congo dispose aujourd’hui d’une fenêtre d’opportunité pour asseoir un modèle sous-régional, où prévention et répression avancent de concert. La prochaine édition de l’Indice de perception de la corruption dira si cette dynamique se confirme. Dans l’intervalle, le rôle de la H.a.l.c sera d’entretenir la flamme réformatrice, afin que l’élan diplomatique et économique né de ce repositionnement international se traduise par un cercle vertueux de développement et de confiance.