Ce qu’il faut retenir
Le collectif congolais Lamuka rallie partenaires régionaux pour amplifier l’autonomisation des femmes handicapées. Réuni à Brazzaville, il articule formation, plaidoyer et entrepreneuriat, en phase avec la Stratégie nationale Handicap et les engagements du gouvernement pour une société inclusive, moteur de cohésion et de croissance durable.
Contexte régional
Le 25 novembre 2025 marque le deuxième anniversaire des conférences COCAFEM/GL accueillies dans la capitale congolaise. Ce forum a soudé les OSC féminines des Grands Lacs autour d’un agenda commun : élargir l’espace civique, protéger les droits et stimuler la participation politique des femmes rurales et handicapées.
Dans la foulée, l’Union africaine et la CEMAC ont multiplié les passerelles techniques avec Brazzaville, conscients que l’inclusion des personnes vivant avec handicap constitue un levier de stabilité. Les autorités congolaises, pour leur part, ont inscrit l’objectif d’égalité dans la Feuille de route nationale 2023-2027.
Le programme « Spotlight Initiative », financé par l’Union européenne et les Nations Unies, sert de catalyseur. Il dote les collectifs de micro-subventions, de modules d’ingénierie sociale et d’outils de suivi, permettant à Lamuka de structurer des projets pilotes dans quatre départements congolais, de l’Atlantique au Plateau.
La sensibilisation bénéficie aussi du soutien parlementaire. Un caucus multipartite, lancé en mars 2024 à l’Assemblée, suit l’exécution budgétaire liée au handicap. Son président, le député Albert Ngolo, souligne que « chaque franc investi dans l’inclusion réduit la dépendance et accroît la productivité nationale ».
Champs d’action du collectif
Succession naturelle du collectif Liloba, Lamuka assume le passage d’un plaidoyer surtout moral à une stratégie transformationnelle. Sa présidente, Gustavine Louzolo Massangha, insiste sur « le droit à l’autonomie économique comme préalable à toute autre liberté », rappelant que seules 19 % des Congolaises handicapées disposent d’un revenu stable.
Concrètement, le collectif coordonne des ateliers de tissage, d’agro-transformation et de marketing numérique, hébergés dans les maisons de la femme municipales. Ces unités pilotes, soutenues par le ministère des Affaires sociales, ont déjà généré cent micro-entreprises et créé plus de deux cents emplois indirects depuis 2023.
Un deuxième axe porte sur l’accès à la citoyenneté. Lamuka accompagne les femmes handicapées dans l’obtention d’actes d’état civil, préalable à toute inscription sur les listes électorales. À Owando, la caravane « Identité pour toutes » a délivré, en trois mois, 1 400 extraits de naissance validés par les mairies.
Focus formation et leadership
Les participantes se souviennent encore de la session d’octobre 2023 au centre Edmond. Pendant trois jours, des coachs venus du Bénin, du Cameroun et du Sénégal ont disséqué les techniques de lobbying auprès des parlements nationaux, en simulant des commissions budgétaires et des auditions publiques sur la protection sociale.
À l’issue, chaque déléguée a élaboré un plan d’action de six mois, assorti d’indicateurs précis. Selon le dernier rapport interne, 60 % de ces plans sont déjà mis en œuvre, confirmant une dynamique d’apprentissage qui, selon Gustavine Louzolo, « brise définitivement le plafond de verre handicap-genre ».
Le point hygiène menstruelle
Question sanitaire souvent taboue, l’hygiène menstruelle s’est invitée au débat. Lamuka plaide pour l’exonération fiscale sur les serviettes hygiéniques, encore soumises à 18 % de TVA. Une étude conjointe ministère de la Santé-UNFPA estime que 72 % des jeunes handicapées manquent régulièrement de protections adaptées.
Scénarios pour l’espace civique
Le rétrécissement de l’espace civique demeure un risque évoqué durant la réunion. Les associations constatent la persistance de tracasseries administratives en zones rurales. Toutefois, la loi promulguée en 2024 sur la liberté d’association, saluée par la Commission africaine des droits humains, ouvre des marges de manœuvre inédites.
Les partenaires internationaux avancent trois scénarios : intensification de la coopération avec les municipalités, création d’un fonds de garantie pour les entreprises inclusives, et constitution d’observatoires locaux sur les droits des personnes handicapées. Lamuka se dit prête à coordonner ces dispositifs, sous supervision des autorités compétentes.
Le point juridique-éco
Sur le plan normatif, le Congo-Brazzaville a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et élabore actuellement un décret d’application spécifique à l’entrepreneuriat inclusif. La Banque mondiale chiffre à 2,1 % du PIB le coût économique de l’exclusion, argument clé pour les bailleurs.
Sur le terrain, la Chambre de commerce de Brazzaville élabore un label « Entreprise Accessible » qui donnera accès à des marchés publics bonifiés. Les premières certifications, attendues pour 2026, devraient concerner l’agro-alimentaire et le textile, deux secteurs où les coopératives de femmes handicapées sont déjà actives.
Et après ?
Les six prochains mois seront décisifs. Lamuka entend doubler le nombre de bénéficiaires directs et finaliser sa plateforme numérique d’e-learning, avec l’appui de l’Agence de développement du numérique. Cet outil offrira des tutoriels en langue des signes et en français simplifié, pour élargir la portée.
À plus long terme, la présidente Louzolo ambitionne de voir une femme handicapée siéger à l’Assemblée nationale dès la prochaine législature. « Nous ne demandons pas de faveur », précise-t-elle, « mais l’application pleine et entière du principe d’égalité, promesse déjà inscrite dans nos textes ».
