Ce qu’il faut retenir
La récente poussée citoyenne née en ligne à Antananarivo, qui a précipité le départ du président Andry Rajoelina le 13 octobre 2025, rappelle que la mobilisation numérique de la Génération Z peut remodeler l’ordre politique en quelques jours seulement.
Depuis Brazzaville, universitaires et décideurs observent cette séquence avec attention, conscients des résonances possibles sur une jeunesse congolaise connectée qui, elle aussi, discute quotidiennement sur TikTok et WhatsApp des grands enjeux nationaux.
Contexte régional
Le bassin du Congo n’est pas étranger aux mouvements nés sur les réseaux, du printemps estudiantin de 2015 au plus récent débat sur le climat des affaires.
Toutefois, les pouvoirs publics congolais ont, ces dernières années, privilégié une stratégie de dialogue intergénérationnel et d’inclusion numérique portée par le ministère de la Jeunesse et de l’Économie numérique.
Gen Z malgache : chronologie éclair
Sur l’île, le hashtag #GenZMada a fédéré étudiants, artistes et entrepreneurs autour d’un appel au changement dès la mi-septembre.
Sans leaders identifiés, les rassemblements se sont structurés via des groupes Telegram géolocalisés, permettant des défilés synchronisés à Antsirabe, Toamasina puis Antananarivo où le palais d’Ambohitsorohitra est resté symboliquement silencieux avant le départ précipité du chef de l’État.
Réseaux sociaux, catalyseurs générationnels
Le sociologue Sylvain Mayanda rappelle que la moyenne d’âge de la population congolaise est de dix-neuf ans, « un capital démographique qui s’informe d’abord par la vidéo courte » explique-t-il.
Dans ce contexte, Facebook, pourtant considéré dépassé en Occident, demeure un forum majeur pour les débats civiques brazzavillois, relayant communiqués officiels et critiques de manière quasi instantanée.
Regards depuis Brazzaville
Professeur à Marien-Ngouabi, Angélique Obounou voit dans le cas malgache « la preuve que l’écoute permanente de la rue numérique est maintenant une dimension essentielle de la gouvernance ».
Les autorités congolaises, souligne-t-elle, ont multiplié les consultations en ligne sur le Plan national de développement 2022-2026, un exercice qui a récolté plus de 120 000 contributions vérifiées.
Prudence institutionnelle congolaise
Pour l’expert en cybersécurité Denis Mavouba, le principal défi réside dans la lutte contre les fausses informations susceptibles d’allumer des tensions inutiles.
Le gouvernement a donc renforcé, en partenariat avec l’Union africaine, des campagnes d’éducation aux médias destinées aux lycées et aux maisons de quartier, tout en préservant l’accès libre aux plateformes.
Scénarios pour la jeunesse centro-africaine
Plusieurs think tanks envisagent trois trajectoires : une amplification d’initiatives entrepreneuriales, une participation civique accrue via les e-consultations, ou, moins souhaitable, une montée de radicalité numérique.
La première option domine pour l’instant, soutenue par des incubateurs comme Pépinière Bantu Hub qui accompagne des start-ups citoyennes capables de transformer une doléance virale en services concrets.
Et après ? Les leviers de dialogue
Du côté des partenaires techniques, la Banque africaine de développement plaide pour des budgets participatifs numériques afin d’ancrer la culture du résultat et d’éviter tout désenchantement post-consultation.
À Brazzaville, le maire Dieudonné Bantsimba teste déjà une appli de signalement urbain, confirmant que l’énergie de la jeunesse connectée peut s’orienter vers la co-gestion de l’espace public plutôt que la confrontation.
Le point juridique-éco
La charte congolaise du numérique, adoptée en 2023, offre un cadre clair sur la protection des données et la responsabilité des plateformes, inspiré du Règlement africain sur la cyber-résilience.
Le texte prévoit également des incitations fiscales pour les entreprises qui déploient des solutions favorisant la participation citoyenne, illustrant l’idée que stabilité politique et innovation économique peuvent avancer de concert.
Voix de la diaspora
Installée à Montréal, l’influenceuse congolaise Sandra Okandza constate que les flux TikTok autour du hashtag #CongoNow proviennent à 40 % de l’étranger, preuve du rôle des diasporas dans la circulation des idées et la mobilisation de fonds solidaires.
Ces communautés, souvent dotées d’une double culture technologique, deviennent des facilitateurs entre administrations locales et start-ups, comme l’illustre le programme e-Visa développé avec des ingénieurs de la diaspora installés en Île-de-France.
Cartographie du risque
L’Observatoire africain des réseaux a identifié, durant la crise malgache, plus de cent comptes étrangers alimentant de fausses alertes de coupure d’eau pour attiser la panique, démontrant la nécessité d’outils d’authentification des contenus.
À Brazzaville, un tableau de bord partagé entre ARPCE et opérateurs télécoms permet déjà de localiser en temps réel les pics de désinformation et d’alerter la cellule de veille gouvernementale pour une réponse proportionnée.
Cap sur 2026
Alors que le prochain cycle électoral municipal approche en 2026, les partis se disent prêts à intégrer des influenceurs dans leurs équipes de campaigners digitaux, signe d’une professionnalisation de la communication politique en ligne.
Le ministère de l’Administration du territoire teste, lui, une plateforme d’observation citoyenne des scrutins, pilotée avec l’appui de l’OIF, pour garantir transparence et confiance.
Dynamique économique numérique
Selon la Banque mondiale, chaque dix pourcents d’augmentation du taux de pénétration internet peut générer 1,2 point de croissance du PIB en Afrique centrale; un chiffre qui encourage les décideurs congolais à poursuivre l’extension de la fibre optique vers les zones forestières.
Le projet backbone Cabinda-Pointe-Noire, livré fin 2024, a déjà réduit de moitié le coût du gigaoctet, rendant les datas plus accessibles aux étudiants et aux PME, socle indispensable d’un engagement civique responsable.