Johannesburg accueille le premier G20 africain
Ce qu’il faut retenir : à Johannesburg, les vingt principales économies mondiales, malgré l’absence de délégation américaine de haut niveau, ont signé une déclaration de trente pages appelant à la paix, à la réforme financière et à la sécurisation des minéraux stratégiques, offrant à l’Afrique un espace diplomatique inédit.
Pour la présidence sud-africaine, obtenir un texte commun dès l’ouverture représentait un objectif symbolique fort : confirmer que le premier G20 tenu sur le sol africain pouvait dépasser les tensions et produire une feuille de route, malgré le boycott formel des États-Unis.
Contexte : Washington proteste contre la participation de certains États, mais la présence du Premier ministre chinois Li Qiang, du chancelier allemand Friedrich Merz et du président sud-africain Cyril Ramaphosa a donné le ton d’un sommet placé sous le signe de la coopération pragmatique.
Un consensus sur les crises mondiales
Le document appelle à « une paix juste, complète et durable » en Ukraine, mais étend l’exhortation au Soudan, à la République démocratique du Congo et aux territoires palestiniens occupés, rappelant le principe de non-acquisition de territoires par la force, cœur du droit international.
En marge, Européens et partenaires ont multiplié les apartés pour harmoniser leurs positions sur le plan américain dédié à Kiev, illustrant un équilibre délicat : afficher l’unité tout en préservant la latitude de négociation avec Moscou, Pékin ou les pays du Sud.
Réformer le système financier international
Porté par Pretoria, l’appel à la réforme des banques multilatérales vise à offrir aux pays à faibles revenus, souvent africains, des conditions d’emprunt compatibles avec l’investissement dans les écoles, les hôpitaux et les infrastructures, au lieu de consacrer une part croissante des budgets au service de la dette.
Le point économique : la déclaration soutient la mise en place d’un impôt minimal mondial et exige une transparence renforcée des créanciers privés, condition, selon la Banque africaine de développement, pour libérer le potentiel de croissance estimé à un point de PIB annuel sur le continent.
Minéraux critiques : la bataille des chaînes de valeur
Au cœur du texte, les minéraux critiques, de plus en plus stratégiques pour les batteries et les éoliennes, font l’objet d’un engagement inédit : renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement face aux tensions commerciales et aux catastrophes naturelles.
Li Qiang a salué « une réponse collective aux défis réels », tandis que les industriels rappellent que 30 % des réserves mondiales reposent sous le sol sud-africain. En filigrane, la rivalité sino-américaine demeure, mais la signature de Pékin souligne sa volonté déclarée de multilatéralisme.
Climat : de milliards à des milliers de milliards
Adoptée peu après la COP30 de Rio, la déclaration reconnaît que le financement climatique doit « passer de milliards à des milliers de milliards ». Les dirigeants endossent le principe d’alerte précoce pour les populations vulnérables et mettent l’accent sur l’accès équitable à l’énergie durable.
Scénarios : si les promesses se concrétisent, les États africains pourraient quadrupler la part des énergies propres d’ici 2035, estime l’Agence internationale de l’énergie. À défaut, la fracture énergétique risque de se creuser, retardant les objectifs d’industrialisation fixés par l’Union africaine.
Ubuntu et la survie du multilatéralisme
Les 122 paragraphes portent la marque d’Ubuntu, rappelant l’interdépendance des nations. « Les défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être résolus que par la coopération », a insisté Cyril Ramaphosa, voyant dans le texte la preuve que le multilatéralisme demeure « une valeur précieuse ».
Pourtant, Emmanuel Macron reconnaît « beaucoup de mal à régler les grandes crises ». Keir Starmer prévient que « le chemin sera difficile ». Ces mises en garde soulignent l’écart entre la diplomatie normative et les rapports de force, mais n’annulent pas le signal d’un dialogue possible.
Opportunités nouvelles pour les économies africaines
Et après ? Les annonces d’investissements se sont multipliées. L’Allemagne prend une participation dans l’assureur ATIDI, libérant 430 millions d’euros pour sécuriser les projets continentaux, tandis que les Émirats arabes unis promettent un milliard de dollars pour étendre les infrastructures d’intelligence artificielle.
Le Compact with Africa, lancé à Berlin en 2017, bénéficie d’un nouveau souffle. Douze États, dont Côte d’Ivoire, Sénégal et RDC, espèrent que ce cadre d’amélioration du climat des affaires réduira les coûts de transaction et attirera des capitaux productifs.
Dans les couloirs, le président équato-guinéen Teodoro Obiang a rencontré Emmanuel Macron, tandis qu’Abiy Ahmed plaidait pour davantage de financements à l’agriculture éthiopienne. Autant de signaux que le G20 demeure une arène, certes imparfaite, mais utile à la négociation d’accords concrets.
Le point juridique : la reconnaissance explicite de la souveraineté sur les ressources naturelles conforte les cadres constitutionnels congolais et sud-africain. Les juristes rappellent que la stabilité réglementaire reste un prérequis pour attirer les raffineurs de cobalt et de terres rares sur le continent.
Pour Brazzaville, qui observe attentivement ces évolutions, la sécurisation des minerais et l’élargissement des financements climatiques ouvrent des perspectives alignées sur le Plan national de développement, confirmant que la présence africaine au G20 peut se traduire en bénéfices tangibles pour la région.
