Ce qu’il faut retenir
Le passage à tabac de la journaliste Caroline Ndoba, le 29 novembre 2025 à Moanda, près de Gbadolite, rappelle la vulnérabilité des professionnels des médias en RDC. L’ONG Olpa réclame des poursuites, tandis que les autorités provinciales promettent des éclaircissements rapides.
Contexte: tensions dans la cité de Moanda
Tout est parti d’un accident de la circulation ayant coûté la vie à une fillette de cinq ans. Dans la foulée, des jeunes en colère ont dressé des barricades et affronté la police, transformant la zone aéroportuaire en foyer de tensions incontrôlées.
Venue couvrir ces incidents pour le compte de la RTNC, Ndoba a été repérée, molestée et dépouillée de ses effets personnels, notamment trois cent mille francs congolais, un poste récepteur et une montre. Elle n’a dû son salut qu’à l’intervention de riverains solidaires.
Transférée aux cliniques universitaires de Gbadolite, la journaliste a reçu des soins pour des lésions cutanées et un traumatisme léger. Son état est jugé stable, mais l’impact psychologique de l’agression reste important, indiquent des sources hospitalières proches du dossier.
Profil de Caroline Ndoba
Âgée de 34 ans, Caroline Ndoba dirige depuis 2022 la station provinciale de la RTNC. Formée à l’ISTI de Kinshasa, elle s’est illustrée par des reportages sur la gouvernance locale et l’entrepreneuriat féminin, gagnant progressivement la confiance des auditeurs du Nord-Ubangi.
Son approche de terrain, souvent centrée sur la parole citoyenne, lui vaut autant de soutiens que de critiques dans un espace médiatique où les sensibilités politiques restent vives. Ndoba assure pourtant ne suivre qu’un impératif : offrir une information de service public.
Que dit la loi congolaise sur la presse?
La Constitution congolaise garantit la liberté de la presse, complétée par la loi de 1996 sur la communication sociale. Celle-ci impose à l’État de protéger les journalistes en mission. L’agression de Gbadolite ouvre donc la voie à des poursuites pénales contre les assaillants.
Le code pénal punit les violences volontaires et le vol simple d’amendes et de peines pouvant aller jusqu’à dix ans. Dans les faits, peu d’attaques contre la presse aboutissent devant les tribunaux, souvent par manque d’enquête ou de volonté de témoigner.
À Gbadolite, l’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique rappelle que l’article 148 du code de procédure pénale oblige la police à enregistrer toute plainte. L’ONG insiste pour qu’un procès-verbal soit établi rapidement afin de garantir la traçabilité des investigations.
Réactions officielles et citoyennes
Joint par téléphone, le commissaire provincial de la Police nationale congolaise affirme qu’un officier a été dépêché sur les lieux et que plusieurs témoins seront entendus cette semaine. «Nous n’accepterons pas l’impunité», assure-t-il, promettant un rapport préliminaire sous dix jours.
Du côté des professionnels, l’Union nationale de la presse du Congo rappelle qu’au moins quinze journalistes ont été agressés en 2025 dans le pays, la majorité hors de Kinshasa. L’organisation invite à renforcer les formations mixtes entre forces de l’ordre et médias.
Scénarios pour la liberté de la presse
Premier scénario : une instruction menée jusqu’au bout débouche sur un procès exemplaire, envoyant un signal dissuasif aux fauteurs de trouble. Les acteurs locaux espèrent que ce précédent clarifie le rôle crucial de la presse dans la prévention des tensions communautaires.
Deuxième scénario : faute de poursuites, l’affaire s’enlise et renforce la méfiance envers les institutions. Les journalistes pourraient alors recourir davantage à l’autocensure sur les sujets sensibles, avec un impact direct sur la qualité de l’information disponible pour les populations.
Le point économique des médias locaux
La RTNC de Gbadolite emploie vingt-cinq salariés, dont huit femmes, et collabore avec une quinzaine de correspondants indépendants. Le secteur médiatique constitue ainsi un débouché économique non négligeable dans une province où le taux de chômage des jeunes dépasse officiellement 30 %.
Une interruption prolongée de la production rédactionnelle se traduirait par une chute de recettes publicitaires locales et la suspension de contrats de pigistes. La protection des journalistes s’avère donc aussi une question de maintien d’emplois et de revenus dans l’économie informelle.
Carte: Nord-Ubangi et Gbadolite
Une carte jointe à ce dossier situe la cité aéroportuaire de Moanda au sud de Gbadolite, près de la frontière fluviale avec la République centrafricaine. Un graphique annexe retrace, année par année, les incidents recensés contre la presse dans l’ensemble du Nord-Ubangi.
Et après ?
La balle est désormais dans le camp des autorités provinciales : conclure rapidement l’enquête, garantir la sécurité de la journaliste et lancer des campagnes de sensibilisation sur la liberté d’informer. À moyen terme, un mécanisme d’alerte précoce entre police et médias est envisagé.
Pour Caroline Ndoba, l’issue de la procédure conditionnera son retour devant la caméra. «Je veux simplement exercer mon métier en paix», confie-t-elle depuis son lit d’hôpital. Son message résonne bien au-delà de Moanda : défendre la presse, c’est aussi protéger la cohésion sociale.
La communauté internationale suit également le dossier : Reporters sans frontières et l’Union européenne ont exprimé leur vigilance, espérant un traitement conforme aux engagements pris par Kinshasa lors du Sommet mondial pour la démocratie.
