Ce qu’il faut retenir
La formation de trois jours ouverte à Brazzaville réunit une trentaine de magistrats appelés à rejoindre le Réseau africain spécialisé en propriété intellectuelle. Objectif : doter le Congo d’une jurisprudence robuste, adaptée aux défis numériques et favorable aux investissements.
Formation stratégique en propriété intellectuelle
Ouvrant la session, le ministre du Développement industriel, Antoine Thomas Nicéphore Fylla de Saint-Eudes, a insisté sur le caractère « investissement » de cette action. Pour lui, la qualité de la justice commerciale et créative conditionne directement la diversification économique annoncée dans le Plan national de développement.
PI, moteur de la diversification économique
Ce regard politico-économique rappelle la place centrale de la propriété intellectuelle dans la stratégie de transformation industrielle, de la filière bois aux services numériques et à la mode, domaines où la protection des marques devient un facteur clef de compétitivité régionale.
Climat des affaires et sécurité juridique
Le Congo se classe encore à la traîne dans plusieurs indicateurs de climat des affaires. Un contentieux clair et rapide sur les brevets et dessins industriels rassurerait les investisseurs, souligne Aristide Clotaire Mathieu Okoko, représentant du ministre de la Justice, venu encourager les participants.
Le réseau africain, un accélérateur régional
Adhérer au Réseau africain de magistrats spécialisés, soutenu par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle, ouvre un accès privilégié à des banques de décisions, à des séminaires itinérants et à une solidarité professionnelle qui a déjà fait ses preuves au Cameroun, au Sénégal ou au Maroc.
Défis numériques et contrefaçon
Pour Estève Degla, envoyé de l’OAPI, « la montée en puissance du numérique multiplie les atteintes: streaming pirate, contrefaçon additive, usurpation de noms de domaine ». Or la répression reste complexe faute de juges spécialement formés, d’où l’importance de cette session brazzavilloise.
Contenu et méthodologie des modules
Les modules couvrent l’Accord de Bangui révisé, pierre angulaire régionale, les procédures civiles nationales, le contentieux pénal de la contrefaçon, ainsi qu’une immersion dans les technologies de traçabilité blockchain déjà testées par certains offices voisins pour authentifier les œuvres.
Contexte historique du droit congolais
Assez jeune au Congo, le droit de la propriété intellectuelle est d’abord porté par l’OAPI depuis 1977. L’intégration de Brazzaville au protocole de coopération a peu à peu remplacé les anciennes lois coloniales, mais les décisions de justice restent encore rares et peu publiées.
Rayonnement jurisprudentiel régional
Or la jurisprudence congolaise alimente aussi les États membres, car l’Accord de Bangui instaure un mécanisme de diffusion obligatoire des arrêts significatifs. Renforcer les capacités locales revient donc à influencer, par ricochet, le corpus juridique de l’ensemble de la zone francophone Afrique centrale et de l’Ouest.
Le point économique
Le ministère du Développement industriel parie sur la propriété industrielle pour accroître la valeur ajoutée des exportations. Les 55 millions d’hectares forestiers ne se limitent plus à la vente de grumes; ils recèlent de futures marques de meubles ou de résines protégées par brevet.
Start-up et actifs immatériels
L’essor des start-up fintech ou e-santé à Brazzaville et Pointe-Noire rend l’enjeu encore plus pressant. « Un code, ce n’est pas qu’un algorithme, c’est un actif stratégique », rappelle une entrepreneuse invitée à intervenir devant les magistrats, soulignant la nécessité d’ordonnances conservatoires rapides.
Scénarios pour une justice spécialisée
Trois scénarios se dessinent à l’issue de la formation. D’abord, la création d’un pool de juges de référence chargé de conseiller les tribunaux de commerce. Ensuite, l’ouverture d’une chambre spécialisée au sein de la Cour d’appel. Enfin, l’adhésion formelle au réseau africain dès 2024.
Vers un statut du magistrat spécialisé
Selon une source proche du cabinet du ministre Fylla de Saint-Eudes, un projet de décret portant statut du magistrat spécialisé a déjà été rédigé. Il prévoirait des formations continues obligatoires et la mise en place d’un tableau national des experts en propriété intellectuelle.
Coopérations Sud-Sud renforcées
Brazzaville entretient déjà un jumelage technique avec Abidjan sur le marquage des médicaments. L’expérience ivoirienne, qui combine codes QR et contrôles douaniers, pourrait être transposée dans les corridors Pointe-Noire-Brazzaville-Kinshasa afin de réduire la circulation de faux produits pharmaceutiques.
Créateurs locaux et diplomatie culturelle
Pour les musiciens de la rumba congolaise, les stylistes et les développeurs d’applications, disposer d’un juge formé signifie que leur œuvre pourra générer des redevances plutôt que d’être copiée sans recours. C’est aussi un levier pour renforcer la diplomatie culturelle de Brazzaville.
Un dispositif de formation pérenne
La session, financée par les budgets croisés des ministères et une subvention de l’OAPI, se veut reproductible. Un manuel sera publié et mis à disposition en open access, tandis qu’une plateforme d’e-learning permettra aux magistrats de province de suivre les mises à jour jurisprudentielles.
Et après ? La feuille de route
Les magistrats repartiront avec un plan d’action de 100 jours, comprenant la rédaction d’un guide pratique et l’organisation de audiences pilotes. Les premiers résultats seront évalués lors d’un atelier régional prévu à Libreville, afin d’harmoniser les bonnes pratiques au sein de la sous-région.
Message final du gouvernement
En saluant la photo de famille, le ministre Fylla de Saint-Eudes a conclu que « la protection des idées n’est pas un luxe, mais le carburant de l’économie moderne ». Cet engagement place la justice congolaise au cœur de l’ambition de transformation voulue par le président Denis Sassou Nguesso.
