Un laboratoire diplomatique au cœur du bassin du Congo
Quiconque s’est déjà aventuré dans l’amphithéâtre où se tient le Kinshasa International Model United Nations mesure la densité du verbe qui s’y échange. L’édition ouverte le 14 juillet s’inscrit, à n’en pas douter, dans la lignée des grandes simulations universitaires qui, de Harvard à Genève, forgent les diplomates de demain. Cinquante-six délégués venus de diverses capitales africaines y endossent, le temps de trois journées studieuses, la posture de représentants étatiques en séance plénière. Si la République démocratique du Congo en est l’hôte, l’ensemble du bassin du Congo – deuxième poumon écologique de la planète – fournit l’horizon politique et symbolique de l’événement.
Convergence avec la diplomatie climatique de Brazzaville
Le choix du thème, « Protection des droits humains dans le contexte du changement climatique et de la dégradation de l’environnement », n’est nullement fortuit. Il fait écho au plaidoyer que mène, depuis plusieurs années, le président Denis Sassou Nguesso pour la préservation du massif forestier congolais. À la COP26, le chef de l’État avait rappelé que « la justice climatique ne saurait s’exonérer d’un devoir de solidarité envers les peuples qui protègent les forêts ». La création du Fonds bleu pour le bassin du Congo, portée par Brazzaville, est désormais citée par le Programme des Nations unies pour le développement comme une initiative pionnière de finance verte. Les débats de Kinmun, en revisitant les instruments juridiques relatifs aux droits humains, empruntent ainsi un sillon intellectuel déjà labouré par la diplomatie congolaise : concilier impératifs économiques, stabilité sociale et sauvegarde des écosystèmes.
Les ressorts pédagogiques d’une simulation onusienne
Contrairement à ce que pourrait laisser croire le décorum feutré des salons diplomatiques, la négociation multilatérale repose sur une mécanique d’une rigueur quasi chirurgicale. Les étudiants y apprennent la maïeutique du consensus : écouter l’autre, reformuler ses attentes, puis articuler des concessions réciproques. Chaque délégation dispose d’une minute réglementaire pour ses interventions liminaires. S’ensuivent des caucus informels où se forgent, derrière des portes closes, les compromis qui feront autorité en séance publique. Ce ballet oratoire, inspiré du véritable Règlement intérieur de l’Assemblée générale des Nations unies, offre aux participants un apprentissage empirique des subtilités protocolaires et de l’art, souvent méconnu, de rédiger des résolutions opérantes.
Un vivier de compétences pour la relève régionale
Au-delà de la technicité procédurale, Kinmun cultive une dimension éthique : fonder le leadership sur la responsabilité. « Nous ne voulons pas seulement former des négociateurs aguerris, mais des hommes et des femmes d’État conscients de la portée sociale et environnementale de leurs décisions », confie Alvine M. Bokonzi, coordinatrice académique de la conférence. L’expérience révèle par ailleurs une intrication intéressante entre capital humain et intégration régionale. Nombre de délégués brazzavillois, soutenus par leur ministère de l’Enseignement supérieur, profitent de bourses ponctuelles pour traverser le fleuve et dialoguer avec leurs pairs de Kinshasa. Ce flux intellectuel, facilité par les autorités des deux rives, constitue un modeste mais réel vecteur de diplomatie parallèle, souvent plus souple que les canaux institutionnels classiques.
Vers une gouvernance environnementale concertée
À l’heure où se cristallisent les négociations sur l’Accord de Paris, l’initiative Kinmun s’apparente à un laboratoire expérimental de gouvernance collective. Les résolutions élaborées par les étudiants, si elles ne lient juridiquement personne, servent de baromètre à l’opinion des jeunes élites africaines. Certaines recommandations convergent avec les positions défendues par Brazzaville : mutualisation des systèmes de surveillance satellitaire des forêts, renforcement des tribunaux environnementaux nationaux, ou encore création d’un conseil consultatif jeunesse au sein de la Commission climat du bassin du Congo. Autant de pistes qui, mûries dans le creuset de la simulation, alimentent le débat public et nourrissent la réflexion des décideurs. En soutenant la montée en expertise de ces futurs négociateurs, la République du Congo consolide sa stratégie d’influence douce, fidèle à la vision de stabilité et de développement durable portée par le président Denis Sassou Nguesso.
