Le rituel inaugural au cœur de Masina
Au collège Don Bosco, à Masina, les couloirs d’ordinaire bruyants ont cédé la place à un silence solennel lorsqu’a retenti la déclaration officielle marquant l’ouverture de la 59e session de l’Examen d’État. La ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale et Nouvelle citoyenneté, Raïssa Malu, a investi la scène institutionnelle, entourée du ministre provincial de Kinshasa de l’Éducation, Jeannot La Rose Cano, pour symboliser l’unité d’un appareil éducatif résolument tourné vers la performance. Le décor, sobre mais chargé d’attentes, a restitué avec force la gravité d’un rendez-vous annuel qui dépasse le seul cadre académique pour toucher aux ressorts mêmes de la cohésion nationale.
Une adresse ministérielle sous le signe du devoir républicain
Dans une rhétorique travaillée, Raïssa Malu a rappelé que l’épreuve n’est pas seulement certificative ; elle marque, selon ses propres termes, « le franchissement d’un seuil vers l’âge adulte ». En filigrane, l’oratrice a voulu inscrire le passage devant les jurys dans la philosophie de la « Nouvelle citoyenneté », concept qu’elle promeut pour réconcilier intégrité individuelle et bien commun. L’encadrement lexical, où se croisent responsabilité, persévérance et transparence, délivre au corps social un message normatif : la réussite scolaire ne vaut que si elle s’accompagne d’un surcroît d’éthique publique.
Défis sécuritaires et équité budgétaire : une dialectique complexe
L’exercice d’équilibre auquel se livre la ministre n’occulte pas les réalités d’un territoire fragmenté par des poches de violence armée. En évoquant les provinces de l’Est, elle concède la pression logistique qui pèse sur l’organisation des centres d’examen et salue la décision gouvernementale de prendre en charge les frais de participation des candidats issus des zones en conflit. Cette disposition vise à réaffirmer le principe d’égalité devant le savoir, mitigant l’impact des facteurs exogènes sur la trajectoire scolaire. Dans la même veine, elle exprime une solidarité appuyée aux élèves déplacés ou enrôlés de force, tout en soulignant la mobilisation continue pour restaurer leurs droits fondamentaux.
Le cap présidentiel : vision d’une école républicaine et inclusive
Sous la lumière protocolaire, la patronne du sous-secteur de l’enseignement rend hommage au chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, dont elle dit qu’il demeure « la boussole » d’une réforme centrée sur la qualité et la gratuité. L’allégeance est davantage qu’un rituel rhétorique ; elle inscrit la stratégie éducative dans une continuité politique voulue rassurante pour les bailleurs multilatéraux. Par ricochet, l’appui de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka est célébré comme un gage de cohérence gouvernementale, indispensable au financement durable des infrastructures pédagogiques et des dispositifs d’évaluation.
Portrait sociologique d’une cohorte record
Les chiffres, minutieusement égrainés, traduisent la massification de l’enseignement secondaire. Sur l’ensemble du territoire, 1 079 341 candidats du cycle long, dont près de 43 % de filles, et 6 022 du cycle court, dont 17 % de filles, sont répartis dans 3 165 centres nationaux et 13 structures hors-frontières. À Kinshasa seulement, 173 215 finalistes convergent vers 321 centres de passation. Cette démographie académique témoigne d’un engouement toujours plus prononcé pour le diplôme d’État, perçu comme la clé d’accès aux études supérieures et à une employabilité accrue. Elle oblige néanmoins l’administration à intensifier la formation des inspecteurs et la sécurisation des épreuves pour prévenir toute suspicion de fraude.
L’excellence comme vecteur de stabilité sociale
À travers son exhortation, la ministre place le concept d’excellence au centre d’un projet de société articulé autour de la méritocratie. Aborder les épreuves « avec calme, confiance et honnêteté » revient, dans sa perspective, à épouser les valeurs nécessaires à la consolidation de l’État de droit. L’argumentaire subtil laisse entendre qu’un système éducatif performant agit comme un amortisseur face aux tensions socio-politiques, consolidant le sentiment d’appartenance nationale. Le gouvernement, en sanctuarisant le financement des examens malgré les contraintes macro-budgétaires, cherche à inscrire sa politique dans la durée et à réduire le taux de décrochage qui fragilise la paix civile.
Perspectives régionales et coopération internationale
La présence de treize centres hors-frontières, notamment au Congo-Brazzaville, au Gabon et en Angola, illustre la projection régionale de l’enseignement congolais. Cette dimension transfrontalière renforce les liens diplomatiques et ouvre des sas de mobilité académique susceptibles de densifier la coopération Sud-Sud. Dans les enceintes multilatérales, Kinshasa capitalise sur ces initiatives pour plaider en faveur d’un appui technique renforcé au bénéfice de son système d’évaluation. Le prochain cycle de négociations avec l’UNESCO devrait ainsi porter sur la digitalisation de la chaîne de correction, levier attendu pour accélérer la publication des résultats et réduire les litiges.
Un serment d’avenir gravé dans la mémoire nationale
En refermant la cérémonie, Raïssa Malu a salué « une victoire déjà acquise » par les finalistes simplement pour avoir surmonté les aléas d’un calendrier scolaire souvent bousculé. Cette reconnaissance symbolique s’ajoute au contrat moral conclu entre l’État et sa jeunesse : offrir des conditions d’apprentissage propices afin que chaque succès individuel se mue en dividende collectif. À l’heure où la République démocratique du Congo aspire à diversifier son économie et à renforcer son rôle de puissance d’équilibre en Afrique centrale, l’excellence académique devient une variable stratégique. Le message est limpide : la compétitivité d’une nation s’évalue d’abord sur les bancs de l’école, et l’Examen d’État constitue l’un des baromètres les plus fiables de cet élan.