Ce qu’il faut retenir
Financé par l’ambassade de France et porté par l’ACAT Congo, le projet Kotonga a soutenu, entre 2024 et 2025, plus de six territoires de Brazzaville et du Pool pour rapprocher les populations vulnérables du droit, de la justice et d’un moyen de subsistance durable.
En misant sur l’identification communautaire des cas prioritaires, l’accompagnement juridique, les microfinancements et la sensibilisation, les acteurs ont mobilisé chefs de quartiers, forces de sécurité et magistrats. Les premiers résultats, salués par les ministères concernés, confirment l’importance d’une synergie publique-société civile pour réduire la précarité.
Un diagnostic préoccupant dans les quartiers périphériques
Réalisée sur un échantillon de 1 200 ménages, l’enquête Kotonga a révélé que quatre familles sur dix vivent avec moins de 1 500 CFA par jour, tandis que l’éloignement des tribunaux et le coût des formalités juridiques retardent le règlement de litiges fonciers ou familiaux.
À Talangaï, par exemple, une veuve attendait depuis deux ans l’exécution d’un jugement d’héritage. Grâce au relais communautaire formé par l’ACAT, son dossier a été réintroduit et finalisé en trois mois, illustrant l’effet levier d’une assistance juridique de proximité.
Coopération institutionnelle saluée par les autorités
Le ministère de la Justice a affecté des greffiers itinérants aux audiences foraines organisées dans Kinkala, sécurisées par la Gendarmerie nationale. « L’État reste vigilant pour que nul ne soit privé de ses droits pour manque de moyens », a déclaré un responsable judiciaire lors de la matinée de restitution.
La Commission nationale des droits de l’homme a, de son côté, formé vingt observateurs locaux chargés de documenter les violations et d’orienter les plaignants vers les centres d’écoute. Ce maillage institutionnel conforte l’objectif gouvernemental d’un accès équitable à la justice, inscrit dans le Plan national de développement.
Microfinancements pour relancer l’activité locale
Outre l’appui juridique, Kotonga a distribué près de 45 millions de francs CFA de microcrédits à 310 femmes et jeunes désireux de lancer un commerce de proximité, de la vente de légumes aux ateliers de couture. Le taux de remboursement atteint 92 %, selon l’ACAT.
Une bénéficiaire de Makélékélé confie que son chiffre d’affaires hebdomadaire est passé de 5 000 à 18 000 CFA, lui permettant de scolariser ses deux garçons. Ces retombées économiques, bien que modestes, illustrent l’interdépendance entre inclusion financière, stabilité sociale et paix dans les quartiers.
Le point juridique
Les avocats volontaires mobilisés ont surtout traité des litiges familiaux, des conflits de voisinage et des cas de détention préventive prolongée. L’aide est gratuite mais encadrée par une convention signée avec l’Ordre des avocats, garantissant le respect des règles déontologiques et la qualité des conseils prodigués.
Les magistrats signalent que la disponibilité de documents d’état civil demeure un obstacle récurrent. Kotonga prévoit donc une campagne d’établissement d’actes de naissance et de jugements supplétifs, en coordination avec les mairies et le ministère de l’Intérieur, pour sécuriser juridiquement des milliers d’enfants.
Un partenariat public-privé stimulant
L’appui financier de l’ambassade de France, axé sur les droits humains et l’inclusion, s’inscrit dans la stratégie de coopération bilatérale congo-française. « Kotonga montre que l’engagement citoyen complète l’action publique et attire les investisseurs sociaux », analyse une économiste de l’Université Marien-Ngouabi.
Pour sa seconde phase, l’ACAT cherche à impliquer davantage le secteur privé congolais, notamment les banques et les entreprises de téléphonie mobile, afin d’élargir l’offre de micro-assurance santé et de paiement numérique, deux leviers identifiés pour consolider les acquis du programme.
Scénarios d’extension à l’échelle nationale
Si les financements suivent, Kotonga pourrait couvrir dès 2026 l’ensemble des départements du pays, en ciblant prioritairement la Cuvette et la Sangha, où les indicateurs de pauvreté multidimensionnelle dépassent 55 %. Le gouvernement a déjà inclus le projet dans sa matrice de coopération multilatérale.
Les partenaires prévoient également d’introduire une composante environnementale, promouvant les foyers améliorés et le reboisement communautaire. Cette orientation cadre avec la vision nationale de valorisation des forêts du bassin du Congo, qui représente un atout majeur pour l’économie verte et la création d’emplois ruraux.
Et après ? Les défis à surveiller
La pérennisation du modèle Kotonga dépendra de la multiplication de juristes bénévoles, de la digitalisation des procédures et d’un suivi statistique rigoureux. L’ACAT travaille déjà sur une plateforme mobile de signalements, en partenariat avec le régulateur des télécoms et l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information.
Pour Christian Loubassou, la prochaine étape est de créer un fonds rotatif national alimenté par des dotations publiques, privées et internationales. « Nos communautés veulent des résultats tangibles. Ensemble, nous pouvons bâtir une société où la dignité n’est pas un privilège mais un droit partagé », résume-t-il.
Un signal encourageant pour la gouvernance sociale
L’expérience Kotonga illustre la capacité d’innovation sociale du Congo-Brazzaville et l’ouverture des autorités à des approches collaboratives. En conjuguant leadership politique, expertise locale et solidarité internationale, le pays pose les bases d’une gouvernance inclusive, favorable à l’émergence économique et à la cohésion nationale recherchée.
Vers un forum national en 2027
La réussite du projet sera évaluée lors d’un forum prévu à Brazzaville début 2027, en présence des bailleurs, de représentants de la CEMAC et d’organisations panafricaines. Ces rendez-vous permettront de partager les bonnes pratiques et d’aligner Kotonga sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
