Un ouvrage stratégique pour Brazzaville
Brazzaville a récemment accueilli la présentation d’un ouvrage qui pourrait transformer l’approche congolaise de la chaîne logistique. Signé par Dominique Candide Fabrice Koumou Boulas, l’ouvrage scrute la façon dont transports et logistique peuvent cimenter la croissance inclusive, soutenir les finances publiques et accélérer l’intégration régionale.
Avec 265 pages d’analyses étayées, l’auteur, également directeur général du Conseil congolais des chargeurs, met en exergue le rôle essentiel du port de Pointe-Noire, des plateformes fluviales et des corridors routiers dans la compétitivité nationale, sujet prioritaire pour l’exécutif depuis plusieurs plans quinquennaux.
L’ouvrage, préfacé par le professeur Yassine Hilmi, s’inscrit dans la dynamique gouvernementale qui promeut la diversification économique voulue par le président Denis Sassou Nguesso. Il propose une lecture minutieuse des indicateurs logistiques et suggère des réformes ciblées pour hisser l’indice de performance logistique du Congo.
La logistique, levier de diversification
Dans ses chapitres initiaux, l’auteur rappelle que 90 % des échanges congolais transitent par les infrastructures portuaires et les corridors, un monopole qui laisse peu de place à l’improvisation. Améliorer les temps de transit et réduire les coûts pourrait, selon lui, augmenter de deux points le PIB annuel.
Cette perspective s’accorde avec la stratégie nationale de développement 2022-2026, laquelle identifie la logistique comme catalyseur de la transition post-pétrolière. Des zones économiques spéciales, déjà opérationnelles à Pointe-Noire et Oyo, doivent servir de laboratoires pour tester une nouvelle gouvernance partenariale impliquant investisseurs publics et privés.
Les analyses de Koumou Boulas s’appuient sur des données de la Banque mondiale et de la CEEAC, soulignant qu’un jour supplémentaire aux frontières coûte jusqu’à 1 % de la valeur marchandise. Ce frein logistique pèse sur l’accès des PME congolaises aux chaînes de valeur régionales, particulièrement agricoles.
Corridors régionaux et port de Pointe-Noire
Le livre consacre un long développement au Corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui-Ndjamena, appelé à devenir épine dorsale commerciale d’Afrique centrale. L’auteur y voit une intégration horizontale capable de desservir la Centrafrique et le Tchad, tout en canalysant de nouveaux flux vers l’Atlantique sans concurrence frontale avec les voisins.
Le port en eau profonde de Pointe-Noire reste, selon les chiffres de la Conférence des Nations unies sur le commerce, le premier hub conteneurisé de la sous-région. Toutefois, sa capacité d’accueil devra atteindre 1,5 million d’EVP en 2030 pour absorber la demande projetée, d’où l’intérêt des partenariats public-privé.
Interrogé lors de la dédicace, Koumou Boulas a rappelé que « l’État impulse, mais le secteur privé exécute la performance ». Son propos rejoint la feuille de route de la Société nationale des ports du Congo, qui prévoit une plateforme douanière numérique afin de fluidifier l’ensemble des formalités.
Financements internes et stabilité budgétaire
Au-delà de l’infrastructure, l’ouvrage souligne la nécessité d’un financement maîtrisé. L’auteur note la baisse tendancielle des revenus pétroliers, désormais inférieurs à 40 % des recettes fiscales. Pour éviter un endettement externe coûteux, il propose de capitaliser sur la fiscalité logistique et les marchés de capitaux régionaux.
Le ministère des Finances, déjà engagé dans la modernisation des douanes, pourrait, indique-t-il, accroître les recettes via la dématérialisation des bordereaux de suivi des cargaisons. Le potentiel est estimé à 80 milliards de francs CFA par an, de quoi financer partiellement des programmes sociaux stratégiques.
Cette approche est cohérente avec les engagements pris devant le FMI en faveur d’un assainissement budgétaire progressif. Plusieurs économistes congolo-centrafricains interrogés saluent un « réalisme financier » qui place la logistique au cœur du triptyque croissance, équilibre macroéconomique et réduction de la pauvreté.
Formation et capital humain
Le livre consacre un chapitre complet à la formation, décrite comme colonne vertébrale de toute politique logistique. Le Centre Trainmar de Pointe-Noire, fondé par l’auteur, a déjà formé 3 500 techniciens. Un partenariat annoncé avec l’Université Marien-Ngouabi vise à lancer un master régional en supply-chain.
Pour le professeur Mukala Kadima Nzuji, qui a présenté l’ouvrage, l’accent mis sur le capital humain constitue « la différence entre un plan de béton et un plan de société ». Son analyse rejoint les priorités fixées dans le Plan national de développement, axe gouvernance et renforcement institutionnel.
D’ici 2025, le Congo ambitionne de porter à 60 % le taux de professionnels certifiés dans les métiers portuaires et ferroviaires. Un tel objectif, rappelle Koumou Boulas, exige des partenariats accrus avec les organismes de normalisation et les logisticiennes mondiales, garantes du transfert de compétences avancées.
Une vision alignée sur l’agenda continental
Avec la Zone de libre-échange continentale africaine entrée dans sa phase commerciale, l’ouvrage situe le Congo au centre d’un marché de 1,4 milliard de consommateurs. L’auteur plaide pour une synergie entre corridors ferroviaires, pont route-rail sur le fleuve Congo et guichets uniques numériques, gages d’attractivité accrue.
En conclusion, l’ouvrage de Dominique Candide Fabrice Koumou Boulas dresse un panorama nuancé, mais optimiste, des possibilités logistiques congolaises. Sa parution intervient à un moment charnière où la diplomatie économique du Congo s’emploie à attirer investisseurs et bailleurs pour concrétiser les chantiers déjà identifiés.