Contexte historique USA-Congo
En marge des célébrations du 15 août, une missive cachetée du sceau présidentiel américain a traversé l’Atlantique pour rejoindre Brazzaville. Donald J. Trump y salue les soixante-cinq ans d’indépendance congolaise et félicite le président Denis Sassou Nguesso pour sa gouvernance.
Le geste, loin d’être protocolaire, rappelle les contacts réguliers noués entre Washington et Brazzaville depuis les années Kennedy, souvent discrets mais nourris par la stabilité relative qu’offre le Congo dans un Golfe de Guinée stratégique.
Sous Barack Obama déjà, des correspondances comparables avaient été échangées, notamment lors de la COP21, soulignant le rôle de Brazzaville dans la préservation du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie.
La lettre de Trump se situe pourtant dans un climat international inédit, marqué par la pandémie et la concurrence sino-américaine, donnant aux mots diplomatiques une portée dont le texte escompte bien tirer profit.
Messages clés de la Maison Blanche
Au premier paragraphe, le président américain exprime son « admiration pour la résilience du peuple congolais », formulation reprise intégralement par la cellule de communication de la Maison Blanche, signe d’un travail d’écriture personnel rarement accordé à un partenaire d’Afrique centrale.
Donald Trump insiste ensuite sur la « nécessité d’approfondir le commerce bilatéral dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures », rappelant le Memorandum of Understanding signé en 2019 entre l’Ex-Im Bank et le gouvernement congolais pour financer des projets routiers.
La missive réserve un passage entier à la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, reconnaissant les efforts de la Marine congolaise dans les patrouilles mixtes déployées avec le Cameroun et le Gabon pour contrer la piraterie selon l’Initiative de Yaoundé.
Enfin, le président américain adresse ses condoléances aux familles touchées par la Covid-19 et propose un partage accru d’expertise entre le CDC et le Centre de recherches médicales de l’université Marien-Ngouabi, évoquant explicitement l’envoi de spécialistes en maladies émergentes.
Réactions congolaises et américaines
À Brazzaville, la présidence a accueilli le courrier avec « satisfaction et esprit d’ouverture », selon le porte-parole Théophile Obenga, qui voit dans cette attention un gage de confiance à un moment où le Congo prépare son Plan national de développement 2022-2026.
Les journaux locaux, du Patriote à La Semaine Africaine, ont relaté l’événement sans emphase mais en soulignant l’importance symbolique d’une reconnaissance venue de la première puissance mondiale, un mois après la ratification du Budget réajusté post-pandémie.
À Washington, la lettre est perçue comme un signal vers la communauté africaine-américaine, influente dans certains États décisifs, note le professeur Gerald Smith de Georgetown, pour qui « la diplomatie épistolaire de Trump s’adresse aussi aux électeurs domestiques ».
Cette convergence d’intérêts internes et externes n’est pas nouvelle, mais elle conforte Brazzaville dans sa stratégie de multialignement, privilégiant des partenariats complémentaires avec Washington, Pékin, Bruxelles et Ankara sans jamais rompre les équilibres régionaux.
Portée géopolitique régionale
Dans le bassin du Congo, la lettre américaine résonne comme une caution à la diplomatie forestière menée par Denis Sassou Nguesso, qui avait déjà obtenu à Glasgow la création d’un marché carbone propre aux forêts d’Afrique centrale.
En saluant cet engagement, Trump se démarque d’une image exclusivement climatosceptique et suggère un possible accord technique tripartite incluant l’Agence américaine de protection de l’environnement et l’initiative congolaise Fonds bleu pour le Bassin du Congo.
Une telle coopération renforcerait la diplomatie verte de Brazzaville, déjà soutenue par la France et l’Allemagne, tout en offrant aux États-Unis un poste d’observation scientifique sur un massif forestier crucial pour la lutte mondiale contre le réchauffement.
Plus largement, la lettre pourrait encourager d’autres capitales africaines à intensifier leurs liens sécuritaires avec les États-Unis, à l’heure où les alliances se recomposent face aux recalibrages français au Sahel et à la percée militaire russe.
Agenda bilatéral en construction
Au-delà du symbole, plusieurs dossiers concrets sont désormais sur la table bilatérale, dont la modernisation du port de Pointe-Noire, la formation d’ingénieurs pétroliers et un partage de données satellitaires pour cartographier les futures zones agro-industrielles.
Les milieux d’affaires américains, notamment l’Africa Energy Council, pressent déjà l’administration de publier des lignes directrices afin de sécuriser les investissements, estimés à plus de 800 millions de dollars sur cinq ans selon le cabinet IHS Markit.
Côté congolais, le ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso a confirmé à la radio publique que « l’amitié avec les États-Unis reste un atout pour la diversification économique », tout en rappelant le caractère souverain des décisions financières.
Dans les cercles diplomatiques, on estime que la prochaine visite d’un secrétaire d’État américain à Brazzaville pourrait intervenir avant la fin de l’année, couronnant un échange de lettres devenu, selon un conseiller, « le prélude d’un nouveau chapitre stratégique ».
Cette dynamique correspond aux recommandations du FMI, préconisant l’élargissement des partenariats privés pour accompagner la consolidation budgétaire, tout en préservant la souveraineté énergétique du pays.
