Une conjoncture propice à la refonte économique
Après deux années d’embellie sur les marchés des matières premières, le Gabon aborde 2025 avec une croissance revue à la hausse par le Fonds monétaire international, à 4,2 %. Ce frémissement conjoncturel a offert au ministère de l’Économie et des Finances l’occasion d’organiser, du 7 au 8 juillet, le Gabon Economic Forum. Dans les salons feutrés d’un grand hôtel de Libreville, hauts fonctionnaires, banquiers, patronat et représentants de la société civile ont examiné la trajectoire d’un pays encore dépendant de son pétrole, mais désireux d’écrire un nouveau chapitre fondé sur la valeur ajoutée locale et l’innovation. L’atmosphère, à la fois studieuse et déterminée, laissait transparaître la conviction que l’alignement actuel des indicateurs macroéconomiques doit être converti sans délai en réformes structurelles.
Le triptyque diversification-inclusion-durabilité au cœur des débats
Trois mots ont rythmé les échanges : diversification, inclusion et durabilité. Les experts du Trésor gabonais ont rappelé que plus de 70 % des recettes d’exportation proviennent encore des hydrocarbures, exposant l’économie aux chocs exogènes. Le Forum a donc consacré de longues heures aux filières bois, agriculture de niche et économie numérique, identifiées comme vecteurs prioritaires de valeur ajoutée. Des entrepreneurs locaux ont relaté les premiers succès des unités de transformation du kevazingo et du cacao fin, tandis que des start-ups, soutenues par un fonds souverain en cours de constitution, ont dévoilé des solutions de connectivité destinées aux zones rurales. Sur le plan social, la question de l’emploi des jeunes, qui représentent plus de 60 % de la population, a suscité un engagement ferme : tout nouveau projet d’investissement public devra comporter un quota de formation qualifiante, afin de réduire un chômage urbain estimé à 20 % (Agence nationale de la statistique, 2024).
Henri-Claude Oyima, chef d’orchestre d’une mobilisation consensuelle
Président du conseil d’administration d’un établissement financier de premier plan, Henri-Claude Oyima a été désigné par le gouvernement pour piloter le comité de suivi du Forum. Son credo, résolument pragmatique, tient en une formule : « Bâtir une économie où la marge reste au Gabon ». Dans son allocution de clôture, il a plaidé pour un partenariat public-privé transparent, adossé à des objectifs chiffrés et vérifiables. La tonalité de son discours, empreinte d’un patriotisme économique assumé, a recueilli l’assentiment d’un parterre où figuraient aussi des représentants de bailleurs internationaux, séduits par la promesse d’une gouvernance plus lisible. Plusieurs décideurs présents ont souligné, en aparté, la capacité d’Oyima à fédérer des acteurs parfois rivaux autour d’agendas convergents, en particulier sur la réforme du climat des affaires et la simplification des procédures douanières.
Ancrage régional et partenariats stratégiques
Le Forum a également insisté sur l’intégration sous-régionale. Dans un contexte où la Communauté économique des États de l’Afrique centrale redéfinit ses mécanismes de convergence, Libreville se positionne en catalyseur de projets transfrontaliers. Des corridors logistiques reliant le port d’Owendo au nord du Congo-Brazzaville et au Cameroun ont été évoqués, avec l’objectif de fluidifier les chaînes de valeur forestières et minières. Les intervenants ont salué la stabilité institutionnelle congolaise, perçue comme un atout pour la circulation des biens et des investisseurs, tout en appelant à la mutualisation des capacités énergétiques pour réduire les coûts de production. Des mémorandums d’entente portant sur la réalisation de centrales solaires hybrides ont été annoncés, illustrant la volonté de concilier compétitivité et transition écologique.
Vers un contrat social renouvelé
Au-delà des chiffres, l’enjeu demeure celui de la cohésion nationale. Responsables syndicaux et associations de femmes rurales ont rappelé que la réforme du modèle économique sera jugée à l’aune de sa capacité à améliorer concrètement le pouvoir d’achat et l’accès aux services essentiels. Le gouvernement a dévoilé un calendrier législatif prévoyant l’introduction, dès 2026, d’un régime fiscal progressif sur les profits tirés des minerais stratégiques, dont les recettes financeront un fonds d’assurance-santé universel. Si la mesure a suscité quelques réserves du secteur extractif, elle a néanmoins été perçue comme un signal de sérieux, témoignant d’une volonté d’équilibrer attractivité des capitaux et justice sociale. Les observateurs diplomatiques présents ont souligné que ce pari d’équité pourrait renforcer la crédibilité du Gabon sur la scène internationale, dans un moment où le continent cherche à parler d’une même voix lors des négociations climatiques et commerciales.
Des promesses à la mise en œuvre : l’épreuve du temps
Le Gabon Economic Forum s’achève sur une feuille de route dense, qui sera confiée à un secrétariat technique permanent animé par le ministère de l’Économie. Dès septembre, un tableau de bord trimestriel devra mesurer l’avancement des réformes, des investissements et des indicateurs sociaux. Henri-Claude Oyima a insisté sur la nécessité de communiquer régulièrement sur les succès comme sur les retards, estimant que la transparence est le meilleur antidote au scepticisme. Les partenaires internationaux ont salué cette approche empirique, rappelant toutefois que seule la régularité de l’effort et la constance politique permettront de transformer les intentions en résultats mesurables. À Libreville, nombreux sont ceux qui espèrent que la dynamique enclenchée cet été marquera le passage d’un modèle extractif à une économie de portefeuille diversifié, pleinement intégrée aux chaines de valeur régionales et connectée aux exigences environnementales contemporaines.