Impfondo, théâtre d’un renouvellement
Dans la chaleur équatoriale d’Impfondo, la capitale forestière de la Likouala, les militantes de l’Organisation des femmes du Congo viennent d’écrire une page qui dépasse la portée d’une simple réunion partisane. Leur renouvellement interne illustre les mutations silencieuses à l’œuvre dans la gouvernance locale.
Trois jours de débats, marqués par l’élection de Mme Moungbende Ballay, ont mobilisé la cheffe nationale Madame Inès Nefer Ingani Voumbo Yalo, des préfets, des parlementaires et une foule attentive. Ils ont scellé un contrat moral entre cadre politique et aspirations féminines du département.
Contexte institutionnel
Créée en 1969 en même temps que le Parti congolais du travail, l’Ofc demeure un instrument essentiel de mobilisation sociale et électorale, tout en défendant l’accès des femmes aux responsabilités. Sa restructuration régulière répond au principe d’actualisation voulu par la réforme interne du parti.
Dans cette optique, la Likouala, frontalière de la République démocratique du Congo et couverte de marécages, représente un laboratoire stratégique. Les défis logistiques y sont réels, mais le département pèse demographiquement, avec une population jeune et mobile, attentive aux signaux politiques envoyés depuis Brazzaville.
Une dynamique locale renforcée
L’élection de Mme Ballay, institutrice de formation, répond à un équilibre subtil entre continuité et rajeunissement. À 42 ans, elle symbolise une transmission générationnelle que la présidente nationale décrit comme “l’alliance des racines et de la sève”, selon ses mots prononcés en plénière.
Sa feuille de route dévoile trois priorités : alphabétisation des femmes rurales, soutien aux activités agro-pastorales et création d’espaces de dialogue intergénérationnel. Ces axes rejoignent le programme national “Femmes, paix et développement”, piloté par le ministère de la Promotion de la femme.
Les observateurs notent que la rencontre d’Impfondo a réuni des autorités administratives, la société civile et même des représentants religieux. Cette transversalité permet d’ancrer les réformes dans un terrain consensuel, condition nécessaire au succès des initiatives en milieu rural dispersé.
Enjeux nationaux et calendrier électoral
Le communiqué final comprend une motion de soutien à la candidature du président Denis Sassou Nguesso pour 2026. Dans la logique partisane, cette déclaration rassure la base quant à la cohérence des actions locales avec la stratégie nationale élaborée par le Comité central.
Pour le porte-parole départemental du PCT, “le temps est venu de consolider les acquis de la paix en plaçant les femmes au cœur de la préparation électorale”. Cette perspective met en relief l’approche inclusive prônée par Brazzaville depuis la campagne de 2021, soulignent des analystes.
Les enjeux ne se limitent cependant pas aux urnes. L’accès aux services sociaux, la lutte contre les violences basées sur le genre et la préservation de l’environnement fluvial figurent dans le cahier des doléances transmis au gouvernement. Les autorités nationales promettent un suivi rapproché.
Voix féminines et diplomatie communautaire
À la tribune, Mme Ngatsé, entrepreneure piscicole de Dongou, a rappelé que “la diplomatie commence au village, dans la manière de partager l’eau, le poisson, la terre”. Son intervention souligne la dimension micro-diplomatique des projets de l’Ofc, appréciée par les partenaires internationaux.
L’Union européenne finance déjà un programme pilote d’irrigation dans le bassin de l’Ubangi, et la Banque africaine de développement examine un dossier sur l’entrepreneuriat féminin. Les nouvelles dirigeantes espèrent convertir ces opportunités en réalisations tangibles pour légitimer davantage le leadership local.
Selon la sociologue Élisabeth Makouta, la visibilité des femmes congolaises dans les enceintes diplomatiques régionales s’accroît parallèlement aux réformes électorales. “La Likouala pourrait devenir un symbole d’interconnexion entre empowerment et stabilité sécuritaire”, analyse-t-elle, insistant sur l’importance de la gouvernance participative.
Perspectives régionales et diplomatiques
Au-delà des frontières, les arrangements transfrontaliers avec la RDC et la Centrafrique nécessitent une expertise genre-sensible. Les inondations cycliques contraignent souvent des populations à migrer temporairement, créant des défis diplomatiques que l’Ofc souhaite anticiper par des comités mixtes féminins de médiation.
Brazzaville, qui abrite le siège de la Commission climat du Bassin du Congo, voit d’un bon œil l’émergence de relais provinciaux capables de dialoguer avec les voisins. La diplomatie verte et la diplomatie des femmes convergent ici vers le même objectif de stabilité.
Pour l’heure, la nouvelle équipe d’Impfondo s’apprête à tourner dans les dix-neuf localités du département afin d’expliquer ses orientations. Cette campagne d’information sera observée de près par les chancelleries, soucieuses de suivre l’évolution d’un territoire pivot entre fleuves et forêts.
Les experts du Programme des Nations unies pour le développement, présents comme observateurs, estiment que la modernisation structurelle des organisations féminines constitue un indicateur avancé de gouvernance. Ils prévoient de publier, en décembre, une note d’évaluation incluant la Likouala parmi les cinq cas pilotes.
En attendant ces conclusions, l’atmosphère à Impfondo reste empreinte de pragmatisme. Sur la place du marché, les commerçantes disent déjà mesurer l’impact symbolique de ce scrutin interne. “Nous voulons que la parole donnée soit tenue”, confie l’une d’elles, traduisant l’espoir d’une gouvernance accessible.