Ce qu’il faut retenir
Les 12 et 13 novembre 2025, Lomé a accueilli le quatrième forum Royaume-Uni–Afrique francophone. Plus de 700 représentants gouvernementaux et privés y ont discuté de partenariats, générant un signal fort en faveur d’une coopération qui vise la valeur ajoutée plutôt que l’aide ponctuelle.
Un forum déplacé pour la première fois en Afrique
Créé en 2022, le rendez-vous s’est toujours tenu à Londres. Son déploiement sur le sol togolais symbolise la volonté britannique de se rapprocher physiquement des décideurs francophones, tout en montrant confiance dans la stabilité et la logistique de la capitale togolaise, hub naturel du golfe de Guinée.
Lomé, catalyseur régional
Située à trois heures de vol de la plupart des capitales d’Afrique de l’Ouest et du Centre, Lomé s’est imposée comme plateforme d’intégration régionale. Le corridor routier et ferroviaire vers le Burkina Faso, allié à un port en eaux profondes modernisé, confère à la ville un rôle d’interface incontournable.
Le choix togolais a permis la venue de délégations du Bénin, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de Guinée, de Mauritanie, du Congo-Brazzaville, de la RDC et du Sénégal. Cette masse critique favorise les rencontres B2B, condition essentielle à l’émergence de chaînes de valeur transfrontalières.
Des outils financiers britanniques plus offensifs
UK Export Finance a détaillé une enveloppe globale de 4 milliards £ mise à disposition des États et entreprises admissibles, assortie de maturités jusqu’à quinze ans. Le FCDO a, pour sa part, insisté sur ses lignes de garantie favorisant les partenariats public-privé dans l’énergie propre.
Pour Helen Grant, envoyée commerciale du Premier ministre, « la priorité est de financer des actifs productifs, connectés et verts afin d’accompagner l’élan démographique africain tout en respectant les objectifs climatiques ». Ce positionnement répond à la concurrence accrue des bailleurs asiatiques sur le continent.
Infrastructures et PME au cœur des attentes
Les sessions liées aux transports et aux réseaux électriques ont mobilisé la majorité des participants. Les experts estiment qu’une logistique fluide peut réduire les coûts d’exportation de 30 % en Afrique de l’Ouest, libérant ainsi des marges pour l’agro-industrie et la transformation minière.
Le forum a également consacré un panel entier aux PME, véritable colonne vertébrale des économies francophones. Des incubateurs togolais et ivoiriens ont plaidé pour des financements inférieurs à 5 millions £, trop souvent négligés par les grands bailleurs multilatéraux.
Un message d’autonomie économique
Dans son discours d’ouverture, Faure Gnassingbé a martelé que l’Afrique francophone devait passer « d’une logique de dons à une logique d’investissement ». Il a appelé à simplifier les régulations et à renforcer la transparence, qualifiées « d’infrastructures invisibles » indispensables au commerce contemporain.
La participation congolaise, un marqueur stratégique
La délégation congolaise, conduite par le ministre de la Coopération internationale, a souligné les avancées du Plan national de développement 2022-2026. Elle a mis en avant les projets de ports secs d’Oyo et de Ouesso, destinés à irriguer la CEMAC et à renforcer la connectivité fluviale.
Des rencontres bilatérales ont eu lieu avec UK Export Finance pour explorer des financements dans la gestion durable des forêts du bassin du Congo et l’extension du réseau fibre optique national, vecteurs de diversification économique salués par les analystes.
Défis opérationnels à court terme
Les chefs d’entreprise interrogés reconnaissent que la signature des protocoles d’accord n’est qu’une étape. L’harmonisation des normes douanières, la sécurisation foncière et la disponibilité de devises constituent encore des goulots d’étranglement susceptibles de ralentir la matérialisation des projets.
Les organisateurs prévoient un mécanisme de suivi trimestriel. Chaque pays devra présenter l’état d’avancement de ses réformes administratives, un dispositif qui pourrait devenir un standard de redevabilité entre partenaires africains et britanniques, selon un officiel du FCDO.
Scénarios de concrétisation
À court terme, les analystes envisagent la finalisation de contrats EPC pour deux centrales solaires au Togo et en Côte d’Ivoire. À moyen terme, des syndicats bancaires mixtes pourraient émerger, associant banques africaines, export-credit agencies et investisseurs de la City.
Si ces scénarios se confirment, l’effet d’entraînement sur les chaînes d’approvisionnement régionales pourrait dépasser le milliard de livres supplémentaires d’ici 2028, prolongeant le volume cumulé déjà atteint par les trois premières éditions du forum.
Et après ? Les indicateurs à surveiller
Les Awards for Excellence in Francophone Africa, remis en clôture, serviront de baromètre. Les projets primés devront démontrer leur impact réel lors de l’évaluation 2026, notamment en matière d’emplois, de réduction d’émissions et de contribution fiscale.
La prochaine édition, annoncée à Casablanca, testera la capacité du modèle itinérant. D’ici là, les regards resteront tournés vers Lomé et Brazzaville, dont les chantiers logistiques et numériques fourniront un terrain concret pour juger de la profondeur du nouveau pont économique avec Londres.
