Managem dévoile ses chiffres semestriels
Le groupe minier marocain Managem, coté à Casablanca, a publié un chiffre d’affaires consolidé de 4,422 milliards de dirhams au premier semestre 2025, soit une variation marginale de 0,31 % par rapport à la même période 2024, dans un environnement de métaux redevenus porteurs.
Cette résilience masque toutefois des dynamiques opposées : l’appréciation de l’or de 39 % et de l’argent de 26 % a compensé l’érosion de 4 % du taux dirham-dollar, la contraction des volumes d’or vendus en Guinée et l’arrêt ponctuel des exportations congolaises de cuivre-cobalt.
Les cours des métaux, alliés contrastés
En parallèle, les opérations marocaines ont stabilisé leurs flux, grâce à une politique industrielle misant sur la rationalisation des coûts et sur l’optimisation énergétique, deux axes devenus clé alors que la décarbonation pèse désormais dans l’arbitrage des acheteurs internationaux.
Le directeur général Imad Toumi l’a souligné lors d’un appel aux analystes : « La volatilité des changes et des flux logistiques rappelle l’importance d’ancrer nos revenus au Maroc. » Les équipes commerciales ont donc redirigé certaines ventes vers des raffineurs européens moins exposés au dollar.
Expansion géographique et mix de production
Au-delà de ses sites historiques, le groupe poursuit son déploiement continental. En Guinée, la mine d’or Tri-K a souffert d’un incident d’alimentation en reagents, rapidement résorbé. En République démocratique du Congo, l’embargo temporaire sur Pumpi s’est traduit par une trésorerie sous tension.
Ces aléas n’ont pas remis en cause la stratégie de diversification. Les chantiers sénégalais de Boto, dédiés à l’or filonien, affichent un taux d’avancement supérieur à 90 %. Au Maroc, la mine de cuivre de Tizert entre dans sa phase de tests pré-opérationnels.
Capex soutenu pour les projets structurants
Le capex semestriel atteint 2,885 milliards de dirhams, soit 201 millions de plus qu’en 2024. Près de 80 % des décaissements visent des projets de croissance, illustrant une volonté d’ancrer l’avantage compétitif dans la chaîne de valeur régionale.
Deux infrastructures retiennent l’attention des observateurs : l’usine de sulfates de cobalt, destinée au segment batterie, et le projet gazier de Tendrara, dont la mise en service début 2026 doit sécuriser l’approvisionnement énergétique et réduire l’empreinte carbone de l’ensemble du portefeuille.
Endettement, un levier assumé
Corollaire de cet effort d’investissement, la dette nette franchit 14,335 milliards de dirhams, soit environ 1,6 fois l’EBITDA des douze derniers mois. La direction affirme maintenir un covenant bancaire sous contrôle, rappelant que la duration moyenne atteint quatre ans, à taux essentiellement fixe.
Pour l’agence Fitch, qui note le groupe en ‘BB’, l’augmentation de l’effet de levier reste cohérente avec le profil d’un opérateur pivot dans la transition énergétique. Les analystes soulignent que la demande future de cobalt raffiné pourrait doubler d’ici 2030, soutenant ainsi la stratégie.
Gouvernance et actionnariat renforcés
Managem demeure ancré dans l’écosystème du holding Al Mada, qui détient 81,63 % du capital. La CIMR consolide une position de long terme à 8,72 %. Le flottant élargi à près de 10 % garantit une liquidité appréciée des institutionnels.
À Rabat, un conseiller gouvernemental rappelle que « le modèle d’affaires de Managem sert la diplomatie économique du royaume, notamment via des joint-ventures africaines ». Les autorités y voient un vecteur d’influence douce, complémentaire aux initiatives d’intégration continentale portées par l’Union africaine.
Perspectives à l’horizon 2026
Pour le second semestre 2025, le management vise une montée en puissance de Tizert et la finalisation des lignes de Boto. Le retour du trafic portuaire normalisé en RDC devrait également permettre d’écouler les stocks de cuivre-cobalt constitués depuis mars.
Les prévisions internes tablent sur un EBITDA 2025 en progression d’au moins 10 %, favorisé par des cash-costs maîtrisés et par la prime ESG accordée aux métaux à faible intensité carbone. Les scénarios budgétaires retiennent un cuivre à 9 000 dollars la tonne.
Enjeux pour la compétitivité régionale
Dans la région Cémac, plusieurs États, dont le Congo-Brazzaville, suivent de près la trajectoire de Managem pour évaluer d’éventuels partenariats. Le ministre congolais des Mines a d’ailleurs reçu récemment une délégation de la société afin d’explorer des synergies sur le segment aurifère.
Les observateurs estiment que l’expertise marocaine en gestion de gisements polymétalliques pourrait soutenir les stratégies de diversification économique de Brazzaville, sans contrevenir aux engagements environnementaux. Les discussions restent préliminaires mais illustrent la place grandissante des acteurs africains dans la diplomatie des matières premières.
Regard diplomatique sur le secteur extractif
La trajectoire de Managem confirme l’émergence d’un Sud global plus intégré. En valorisant des chaînes d’approvisionnement intra-africaines, le groupe répond à la fois aux attentes des marchés et aux priorités souveraines. Une approche que plusieurs capitales considèrent désormais comme un catalyseur de stabilité.
Alors que la transition énergétique mondiale redéfinit les rapports de force, la capacité d’acteurs tels que Managem à investir, raffiner et sécuriser des métaux critiques pourrait redessiner le paysage diplomatique, offrant aux économies africaines un espace d’autonomie stratégique jusque-là rarement envisagé.
Pour les investisseurs globaux, le profil de croissance disciplinée de Managem offre un compromis rare entre exposition aux métaux stratégiques et maîtrise des risques opérationnels. La prochaine journée investisseurs, prévue à Casablanca en octobre, devrait préciser les cibles de rendement et les orientations RSE.